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La Complainte de Foranza - Le nouveau roman de Sara Doke
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La Complainte de Foranza - Le nouveau roman de Sara Doke

A l'occasion de la sortie de La Complainte de Foranza aux éditions Leha, Sara Doke revient sur l'écriture de ce nouveau roman.

Actusf : La Complainte de Foranza est parue le 21 février aux éditions Leha. Quelle a été l’idée à l’origine de ce roman ?

Sara Doke : J’avais envie de parler d’autre chose en fantasy, pas de demoiselle en détresse, pas de combat, pas de nobles chevaliers, pas de grande quête. J’avais aussi envie de varier les plaisirs parce que je ne parviens jamais à me contenter d’un seul sujet. C’est donc devenu un roman noir, un thriller et une fantasy décalée. Je voulais des petites gens, je voulais du quotidien, en fait. Je voulais parler d’un moment comme l’entre-deux guerres au vingtième siècle où le changement devient l’ennemi, où la liberté devient une menace pour certains.

Actusf : De cela quoi parle-t-il ?

Sara Doke : La Complainte de Foranza parle de beaucoup de choses. Le roman met en scène une enquête autour de meurtres en séries dans le monde de la peinture mais aussi de la vie d’une Cité État renaissance, d’une période trouble et troublée où, vingt ans après la mort d’une génération d’hommes lors d’une guerre, après un long intervalle de changements, certains aimeraient bien revenir en arrière, vers une époque où les femmes resteraient au foyer et n’occuperaient pas autant d’emplois.

Actusf : Des meurtres et des fées. Aphrodisia Malatesta enquête. Pouvez-vous nous parler d’elle ?

Sara Doke : Aphrodisia Malatesta est la fille d’une pictoresse célèbre qui a renoncé à l’art pour se consacrer à l’investigation (la pictomancie est inspirée de The golden key de Jennifer Roberson). C’est une femme seule, très secrète, très discrète qui connaît bien le milieu de la peinture. C’est la seule enquêtrice de la cité et son éducation, comme celle de toutes les femmes de Foranza, lui permet de rester stoïque devant les pires atrocités alors que les hommes ne peuvent réprimer leurs émotions. On lui a donc confié l’affaire terrible de ces meurtres en série sur les modèles des peintres. Elle se débat sans cesse avec les habitudes de sa ville pour trouver le ou la responsable de ces horreurs malgré les embuches que l’on sème sur sa route.

Actus : De ses amis, Pasquale Di Auleri et Leona Da Veni, ainsi que du mercenaire Martin ? Comment les avez vous créés ? Ont-ils suivi la route que vous leurs aviez tracé ?

Sara Doke : Pasquale et Leona sont des inventeurs et des ingénieurs qui conçoivent des instruments et des machines. Ils consacrent énormément de temps à créer des engins qui pourraient faciliter l’enquête d’Aphrodisia en employant des techniques plus simples qu’il n’y parait. Chacun a ses lubies et ses préférences mais travailler ensemble le convient. Pasquale Di Auleri est aussi journaliste, il écrit régulièrement des chroniques sur les innovations et des découvertes pour de riches mécènes.
Martin est un mercenaire venant du Nord qui a trouvé un emploi à Foranza : former et créer une milice de femmes pour défendre les femmes dans ces temps troublés. Petit à petit, sa manière de voir les Foranzaines change comme son caractère et ses aspirations.
Ils étaient présents dans ma tête depuis le tout début. Comme je ne prévois jamais très loin, de cinq chapitres en cinq chapitres, ils ont évolué comme ils le voulaient et comme je les voulais. Parfois, leurs choix ou leurs rencontres m’ont surprise, parfois ils ont suivi le chemin que je choisissais, selon les événements qui survenaient, de chapitre en chapitre.

Actusf : Comment avez-vous composé cet univers ? Avez-vous dû faire beaucoup de recherches ?

Sara Doke : Je ne suis pas du genre à préparer un long découpage. J’ai d’abord rempli des carnets d’idées sur la cité et les personnages, réfléchis dans tous les sens avant de commencer à écrire. Puis, j’ai découpé les premiers chapitres avec quelques mots sur ce que je voulais y concevoir, puis dix autres, puis cinq autres, ce n’est qu’à la fin que j’ai préparé le plus grand nombre de rebondissements. A chaque fois, sur des post-it, sur un tableau de liège me permettant de les déplacer ou même parfois de les éliminer au gré de mes envies et des événements.
J’ai fait énormément de recherches pour les inventions de Pasquale et Leona, il fallait que tout cela soit possible au 16ème siècle, à Florence, avec les particularités de la région, selon les recherches et les créations des chercheurs de ce temps et du passé. Je voulais que chaque machine soit plausible si la découverte de l’énergie à vapeur avait existé.
J’ai fait moins de recherches sur Florence en particulier, ou sur l’époque, ce sont des choses que je connais assez bien et qui ne me demandaient que peu de travail préliminaire.

Actusf : Pourquoi vous inspirer de la ville de Florence ? Représente-t-elle quelque chose en particulier ?

Sara Doke : Pour moi, Florence au 15ème et au 16ème siècle, c’est l’essence même de la Renaissance, que ce soit au niveau technologique ou au niveau artistique. J’avais envie de parler de peinture et de femmes et à Florence, à cette époque, il y avait les deux. Et c’est une ville que j’aime énormément, dont j’ai beaucoup de souvenirs esthétiques. Cela me permettait aussi de créer des machines en pensant à Leonardo Da Vinci, de mettre en scène des personnages historiques sans vraiment les citer, d’avoir un cadre fixe pour écrire mon histoire, une esthétique particulière.

Actusf : Même question pour la figure de la « fée » ?

Sara Doke : J’aime les fées, j’aime l’idée de cet entre monde où le temps n’existe pas. Je préfère cette croyance à toute religion du livre. Et la partie purement féérique du roman est très ancienne, j’ai intégré dans Foranza un texte que j’avais écrit très jeune, la genèse d’un monde pluriel, le gel du temps, la recherche du dieu perdu. C’est aussi une esthétique. Cela me permettait de parler de peinture au-delà de la figuration pure. De pousser mes artistes à dépasser la réalité, à trouver en eux une autre beauté, une autre réalité. Ils servent les fées comme les peintres de la Renaissance servaient l’église, comme ils peignaient le Christ. Je suis fille de plasticienne, j’ai toujours évolué dans un milieu très artistique où, justement, la figuration était mise en question. Je ne suis pas attirée par le réalisme, encore moins par l’hyper-réalisme, j’aime quand les créateurices dépassent ce qu’ils ont appris et trouvent leur langage en eux, un langage pictural qui n’appartient qu’à eux. Et c’est bien entendu aussi un clin d’œil à Techno Faerie, les fées sacrées de Foranza appartiennent au même univers.

Actusf : Dans ce roman, des crimes abominables sont perpétrés contre des femmes. Peut-on voir La Complainte de Foranza comme une critique des violences actuelles faites à la gente féminine ? Ou est-ce simplement un livre pour se divertir ?

Sara Doke : Violences actuelles ? Ces violences ont toujours existé. Et les victimes des meurtres en série ou des viols sont en majorité des femmes. Oui, je parle des violences contre les femmes, je parle de tentatives de créer une société différente, de changements profonds dans les mentalités mais aussi de l’hypocrisie derrière laquelle certains se cachent pour préserver leur misogynie. Je parle des médecins qui ne se soucient pas du corps des femmes, je parle de ceux qui poussent des hauts cris en apprenant certains crimes mais ne font jamais rien pour les empêcher, je parle de gens qui regardent le monde évoluer sans jamais changer. Oui, c’est une critique de toutes les sociétés, actuelles ou anciennes, dans cette Foranza où les hommes sont censés être sensibles et émotifs, artistes dans l’âme mais restent aussi machistes que les autres et attendent des femmes qu’elles servent leurs intérêts.
Je ne pense pas être capable d’écrire uniquement pour divertir.

Actusf : Avez-vous eu des sources d’inspiration en particulier, littéraire ou/et cinématographique pour la création de La Complainte de Foranza ? De ses personnages ?

Sara Doke : Oui, il y a par exemple beaucoup de personnages historiques cachés dans le roman. Mais aussi des clins d’œil personnel : Pasquale Di Auleri est un hommage à Pasquale’s Angel de Paul McAuley, dont je déteste le titre français (Les Conjurés de Florence) qui est un roman steampunk dans lequel Leonardo Da Vinci a préféré être ingénieur que peintre. Martin en est un autre : le personnage de mercenaire joué par Rudger Hauer dans Flesh + Blood de Paul Verhoeven s’appelle Martin et mon Martin a rencontré un certain Rudger dans une compagnie de mercenaires… Il y en a plein d’autres mais ce serait dommage de les dévoiler. Je dirais juste qu’Anu de Foranza a été inspirée par Anne de Beaujeu, fille aînée de Louis XI.

Actusf : Un d’eux vous a-t-il plus marqué que les autres ? Pourquoi ?

Sara Doke : Pas particulièrement, j’aime bien mes personnages, presque tous, en fait. Mes artisanes, mes ouvrières, mon enquêtrice, mes inventeurs…

Actusf : Et après ? Pensez-vous revenir dans cet univers ?

Sara Doke : C’est toujours possible. Du moins je m’en suis laissé la possibilité. On verra.

Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Sara Doke : Je travaille en ce moment sur le beau livre Celtes ! à paraître aux Moutons électriques. Un panorama de l’imaginaire celtique et de son influence sur la culture populaire. Partant d’un socle très historique et mythologique pour en arriver à ce que nous croyons connaître et ce que nous faisons de ces ancêtres dont nous avons fait des héros de romans nationaux.

Actusf : Où peut-on vous rencontrer dans les mois à venir ?

Sara Doke : Je serai à la Foire du Livre de Bruxelles les 7 et 8 mars prochains. Au Salon du livre de Paris du 20 au 23 mars, probablement à Bordeaux pour L’Escale du livre début avril, aux Intergalactiques de Lyon les 25 et 26 avril, à Angers pour ImaJ’nère les 2 et 3 mai, aux Imaginales du 14 au 17 mai, à la Convention nationale de science-fiction française à Orléans en août. D’autres dates devraient se préciser dans les semaines à venir.

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