A l'occasion de la parution de La Descente ou la chute aux Moutons Électriques, Basile Cendre revient sur l'écriture de ce roman.
Actusf : La Descente ou la chute est votre second roman à être édité. Il s’agit cette fois-ci de fantasy post-apocalyptique. Comment est né ce projet ?
Basile Cendre : La Descente ou la chute est un fantasme que j’ai porté longtemps. Alors qu’à demi endormi j’écoutais du doom, j’ai rêvé d’une tour grinçante pétrifiée dans un carcan de roche, une montagne de ferrailles, et au centre de cette désolation une silhouette seule, écrasée par les constructions anciennes et branlantes. Une reprise apocalyptique et déglinguée de la célèbre peinture de Caspar David Friedrich.
Actusf : Pouvez-vous nous parler brièvement de votre prochain livre à paraître pour les curieux qui souhaiteraient en savoir plus ?
Basile Cendre : De cette fulgurance ensommeillée, j’ai façonné une histoire, une aventure, l’errance d’un homme en quête de réponses dans un territoire désolé, prêt à affronter les dangers du miasme qui rôde dans les profondeurs pendant que les oubliés, ces âmes dévorées par le vide, souhaitent l’entraîner dans leur chute.
Dans les ruines de leur civilisation, les perchés vivent un vertige constant, juchés sur des édifices instables. Ils ne doutent pas de l’existence des spectres d’en bas, et de ces mystérieux titans qui ronflent en expulsant la maudite brume. Ils ne doutent pas non, et ils en sont terrifiés.
Actusf : Qui est Loup, votre héros ? Comment l’avez-vous créé ? Qu’incarne-t-il ?
Basile Cendre : Mon protagoniste n’est pas un héros, juste un humain en errance à la recherche de sens dans un monde incertain. Il est ferrailleur et il fouille les profondeurs pour trouver des reliques du passé, d’anciennes conserves encore mangeables, ou des artefacts en état de marche qui offrent à ses semblables un peu de bonheur dans les hauteurs stériles. Le boulot est dur, mais il ne se plaint pas : personne n’a la vie facile dans les décombres. Je ne sais pas ce qu’il représente, mais j’espère qu’il permettra au lecteur de s’incarner, et de voyager à travers lui dans les montagnes de ferrailles à la recherche des titans des profondeurs.
Actusf : Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire de la fantasy et non pas de l’horreur comme votre premier roman, Les Enfants du béton ?
Basile Cendre : Les Enfants du béton est un projet décomplexé et fun. Puisque l’on fait du polar régionaliste, je me suis laissé dire que je pouvais écrire de l’horreur du terroir, et je l’ai donc fait. Un roman d’horreur qui se passe dans le Nord.
Dans La Descente ou la chute, j’ai essayé de renouer avec l’évocation merveilleuse de l’inquiétant, du surgissement angoissant et magique à la Fritz Leiber. J’ai également voulu créer un univers romantique décalé, quelque chose d’étrange, d’un peu différent de la fantasy classique. La nature qui domine l’homme n’est pas verdoyante, elle est grise et métallique. Elle grince et elle rouille.
Je souhaitais éviter les guerres mythologiques, les plans de bataille et les luttes de pouvoirs aristocratiques, en visant une aventure plus personnelle. La Descente et la Chute est avant tout un roman d’apprentissage.
Actusf : Avez-vous travaillé de la même manière ?
Basile Cendre : Non. Les Enfants du béton est personnel, mais également très référencé. Un hommage très enthousiaste à ma culture geek, et à mon amour pour les héroïnes et les héros badass. Pour La Descente et la chute, je me suis engagé dans un univers inconnu, sans échos littéraires. En m’attelant à la rédaction, j’ai souvent eu l’impression d’être un de ces vieux stylos que l’on récupère au fond d’un sac, qu’il faut gratter des heures contre une feuille, parfois avec rage, pour qu’il daigne produire un peu d’encre. L’écriture a été difficile, mais toujours satisfaisante. J’adore mes personnages, et les décombres m’intriguent et m’inquiètent. Espérons que les lecteurs partagent avec moi ces sentiments.
Actusf : Votre roman a été sélectionné pour les Pépites de l’imaginaire 2021. Quel est votre ressenti ? Qu’en pensez-vous ?
Basile Cendre : De la joie. J’aime le travail des Indés de l’imaginaire, l’accent mis sur la création francophone, ainsi que la qualité de leurs publications. Je n’aurais pas imaginé publier mon roman ailleurs, et, de toute manière, André, mon éditeur, me l’a formellement interdit. (rire)
Actusf : Quelles ont été vos inspirations pour ce roman ? Littéraires, musicales, cinématographiques ?
Basile Cendre : Plus qu’une motivation, écrire est chez moi une nécessité, et je pratique l’exercice avec plus de sérieux depuis quelques années, mais cette compulsion m’anime depuis toujours.
Côté inspi, dans le brouillard de mes influences, je distingue sans peine la silhouette bien distincte d’Ursula le Guin, qui m’a appris que le genre pouvait être humaniste et même libertaire. On trouvera peut-être dans mes personnages le côté fort en gueule à la Blaise Cendrars, et l’intransigeance morale et l’indépendance des antihéros de John Carpenter. Musicalement, mon clavier a été maltraité au rythme doux et lourd du Doom metal, et plus frénétique de la SynthWave durant toute la rédaction.
Actusf : Quels sont vos projets, vos envies pour la suite ?
Basile Cendre : Sans doute, une « Bibliothèque dessinée » avec des ampoules colossales, à croire que la déformation de l’urbanité est un de mes tropes, et bien sûr d’autres romans, dont la suite des aventures de Zita Darq, contre-chasseuse, et héroïne des Enfants du Béton chez les Saisons de l’étrange. D’ailleurs, la prochaine saison débute sur Ulule le 15 février, trois inédits d’écrivaines et écrivains français très recommandables : Nelly Chadour, avec son Paris 80’s hanté, Vincent Mondiot, et sa ville prison sous bulle dans l’espace, et Julien Heylbroeck et son catcheur mexicain qui supplex les vampires. Du pulp décomplexé, mais écrit avec talent, avec sérieux, et surtout, avec du cœur... et des tripes.