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Diamants - Les secrets d'écriture de Vincent Tassy
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Diamants - Les secrets d'écriture de Vincent Tassy

A l'occasion de la publication de Diamants aux éditions Mnémos, Vincent Tassy revient sur l'écriture de ce nouveau roman de fantasy gothique.

Actusf : Un ange tombé du ciel qui laisse s’échapper des diamants de sa chevelure. Ainsi commence, pourrait-on dire, votre dernier roman. Nous pensons évidemment tout de suite à Lucifer et son bannissement. Mais ici, ce n’est pas le cas. Que représente donc cet ange pour vous ?

Vincent Tassy : On peut penser à Lucifer, oui, pourquoi pas. Moi, ce n’est pas à Lucifer que j’ai pensé quand l’image m’est venue pour la première fois. Lucifer était peut-être là, sans que je le sache, c’est même très possible, mais je ne pensais pas à lui. Ce que cet ange est pour moi, c’est impossible de le dire ici, peut-être parce qu’écrire le livre Diamants a été un long chemin pour essayer de le comprendre. Ce qui est sûr, c’est qu’il représente une énigme merveilleuse et terrifiante, et il renvoie à ce plaisir que j’ai toujours à me lancer dans l’écriture de livres impossibles à finir vraiment. Alors peut-être que cet ange représente l’écriture ?

Actusf : Envoyé d’une cité immortelle pour mettre fin à l’hiver, l’ange, L’Or Ailé, se retrouve au centre d’un concours pour lui choisir un suivant (laquais est le mot juste). Sans en révéler le résultat, que représente pour vous ce concours ? Pourquoi avoir choisi de le mettre en scène ?

Vincent Tassy : Il n’est pas arrivé pour mettre fin à l’hiver, on ne sait pas pour quelle raison précise il est là. Il est peut-être là pour rien. Mais il est vrai qu’à son arrivée, il met fin à l’hiver. L’hiver aurait dû durer encore, mais les neiges commencent à fondre, déjà, quand L’Or Ailé s’approche de la Terre. Le concours, la cérémonie au terme de laquelle son laquais doit être choisi, peut représenter bien des choses. Parmi elles, je dirais que ce moment de l’histoire cristallise un thème assez récurrent dans le livre : celui de la mise en avant de soi. Diamants est un livre qui parle beaucoup, je crois, du désir qui est en chaque individu de briller, d’être célébré et admiré. On pourrait dire que, pour bien des raisons, la cérémonie d’élection du laquais est une sorte de mise en abyme du livre entier. Les lectrices et lecteurs qui me connaissent savent que j’aime l’effet matriochka dans les livres.

Actusf : On ressort de la lecture de Diamants avec des sentiments très ambivalents concernant les différents protagonistes de ce roman choral. Vous maniez l’absolu et le doute les concernant tout au long du récit. Est-ce, pour vous, une façon de labyrinther votre récit ou, finalement, n’est-ce pas le propre de chacun d’entre nous de porter en soi les germes du meilleur comme du pire ?

Vincent Tassy : L’ambivalence, c’est très bien. J’aime laisser de l’espace au lecteur dans mes livres, lui laisser le choix de remplir les vides comme il le souhaite – ou de les laisser vides, c’est très bien aussi. Je suis tout à fait d’accord sur cette idée que l’on porte en soi les germes du meilleur comme du pire. Je dirais qu’un livre est un lieu idéal pour explorer l’atroce, l’abominable, l’indécidable et l’inacceptable. On a besoin de ça. C’est à ça que ça sert je trouve, la littérature. Je n’aimerais pas du tout faire des personnages qui auraient tous des motivations trop claires, et qui sauraient trop ce qu’ils font. Ça me rendrait très triste de faire un livre pareil.

Actusf : Diamants est également un roman à la sensualité prégnante. Presque érotique. Si cette façon d’aborder vos personnages était déjà présente dans d’autres de vos romans, on sent ici un cap passé. Comme si vous souhaitiez aller plus loin dans la démonstration. Confirmez-vous cela ou notre libido a-t-elle été trop titillée à la lecture ?

Vincent Tassy : Vous voulez peut-être parler des caresses. C’est vrai que les caresses, c’est très important dans ce livre. Parfois, ce ne sont que des effleurements. Ça peut passer seulement par le regard. Les mouvements des mains, la position des corps les uns par rapport aux autres. Diamants ressemble peut-être à une grande danse invisible. La nature des rapports entre les personnages est souvent trouble. Il y a beaucoup d’amour, de retenue aussi. J’accompagne mes personnages dans une époque de leur vie où des distances se creusent, pour de très nombreuses raisons, et où ils cherchent au fond d’eux-mêmes, contre des forces qui les dépassent, une façon de donner corps à leur désir.

Actusf : Le palais d’Œtrange, le royaume de Ronces, les cités cachées des Brumes. Pour votre cinquième roman, vous nous proposez une évasion plus forte encore, nous semble-t-il, que dans vos récits précédents. Est-ce une volonté de votre part ?

Vincent Tassy : J’ai esquissé la carte du monde des Trois Continents au tout début du processus de préparation du livre. J’avais envie de partir dans quelque chose de plus grande ampleur que mes textes précédents. C’est le mouvement de L’Or Ailé, peut-être, qui a provoqué ça : il vole. Voler, ça a toujours été mon rêve, ça ne m’a jamais quitté. Encore aujourd’hui je fais très souvent des rêves dans lesquels je vole. C’est un peu désolant de se réveiller après des rêves pareils. Tout le monde doit savoir de quoi je parle. Et donc, la plupart des personnages de Diamants sont infiniment plus mobiles que ceux des livres d’avant. J’avais envie de me plonger dans ce plaisir-là de l’imaginaire, auquel je n’avais pas encore pleinement goûté jusqu’ici. Traverser des lieux immenses, étranges et sans bornes ; que l’esprit du lecteur puisse s’abîmer autant que moi dans ces espèces de vastes structures verticales qui sont celles du rêve. C’est assez logiquement la fantasy pure qui s’est imposée pour exaucer ce vœu. J’en avais envie depuis très longtemps. Je crois même que les toutes premières racines de mon désir d’écrire se trouvent dans ce geste-là, celui de la fantasy.

Actusf : Un point sur votre littérature que d’aucuns rapprochent de Wilde, Baudelaire ou encore Poe, pour ne citer qu’eux. Comment prenez-vous ces hommages faits à votre style souvent évoqué comme poétique ou envoûtant ?

Vincent Tassy : Ces rapprochements sont flatteurs pour mes livres même si, bien sûr, je me sens minuscule à côté de pareils auteurs. Mais je me réjouis que certain-e-s puissent retrouver dans mes textes au moins un petit quelque chose d’eux. Je les aime beaucoup. Je pense aussi que les gens qui apprécient Tanith Lee, Charles Duits ou Léa Silhol – à côté desquel-le-s je me sens tout aussi minuscule – ont quelques chances de trouver un intérêt à Diamants.

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