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Les Chevaliers du Tintamarre - Les secrets d'écriture de Raphaël Bardas
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Les Chevaliers du Tintamarre - Les secrets d'écriture de Raphaël Bardas

A l'occasion de la sortie le 21 février des Chevaliers du Tintamarre aux éditions Mnémos, Raphaël Bardas revient sur l'écriture de ce roman.

Actusf : Les Chevaliers du Tintamarre sort prochainement aux éditions Mnémos. Quelle a été l’idée à l’origine de ce roman ?

Raphaël Bardas : À l’origine de ce roman, il y a surtout des ingrédients : la mer, l’amour, la mort, l’héroïsme idiot et la dérision. Sous toutes les formes qu’on veut bien leur accorder. Une intrigue policière et surnaturelle, un ton un peu irrévérencieux, un univers à la fois portuaire et aérien, et surtout, ces personnages qui prennent la vie à contresens. D’ailleurs, Silas, la Morue et Rossignol ont précédé le roman. Ils ont été présents dans d’autres textes avortés, d’autres tentatives littéraires échouées, avant de trouver l’histoire qui leur conviendrait. Le défi a été de mettre toutes ces envies en cohérence, en face de ces gars-là, et de voir ce qu’ils en feraient.

Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur son intrigue ?

Raphaël Bardas : C’est une intrigue de cape et d’épée, je crois. Il y a un mystère, des disparitions, un ou plusieurs criminels, une sorcellerie appelée le Hurlement des veuves (ce fut d’ailleurs le premier titre du roman), mais avant tout, je crois qu’on parle de franche camaraderie, de fidélité et d’infidélité, de rivalités, de trahisons et de passions amoureuses… avec de la baston, ça fait cape et d’épée, je crois.

Actusf : Vos héros, Silas, Morue et Rossignol, sont plutôt atypiques. Du caniveau, ils se retrouvent adoubés, à devoir démêler une sombre affaire aux accents quelque peu fantastiques... Comment les avez-vous créés ? Ont-ils suivi la route que vous leurs aviez tracé ou vous ont-ils surpris ?

Raphaël Bardas : Comme je l’ai déjà dit, les gars du Tintamarre étaient là avant cette histoire. Dans mes envies et mes idées, je les ai trimballés dans la Mancha au côté du Quichotte, sur le port de Nantucket avec Achab et Ismaël et même parmi les cadets de Gascogne. À mesure que j’essayais des choses, je me nourrissais, et les nourrissais des ambiances de John Fante, de Dumas et surtout des chansons de la Rue Kétanou. Ils viennent de là, de toutes ces influences, et puis de moi, de mes amours, de mes expériences, de mes combats, mes réussites et mes échecs, inévitablement.
Le problème, c’est qu’avec toutes ces influences, toutes ces envies, et leurs caractères quelque peu cabochards, ils m’ont donné du fil à retordre. Dans les deux premiers jets du roman je les ai laissé aller où ils voulaient, j’avais un semblant de plan, une nébuleuse de fulgurances narratives et des inventions fantastiques, trop d’oxymores et une intrigue à trois étages… bref, ils n’en ont fait qu’a leur tête et j’ai dû recommencer. Trois fois. La version qui est éditée aujourd’hui a été écrite en 2018, il n’y a pas plus de 5 pages de la première version dans ce texte-là.
Il y a vraiment eu des moments où j’ai laissé les chevaliers m’emmener où ils voulaient, et ça m’a parfois trimballé pendant 50 pages, ce n’était pas très bon, mais je crois qu’il leur a fallu ça pour m’obliger à sortir tout ce qui n’allait pas et garder le meilleur.

Actusf : Les Chevaliers du Tintamarre, c’est aussi la rencontre de deux univers, celui des humains et le féerique (ou mythique). Ce mélange s’est imposé de lui même ? Était-ce quelque-chose que vous aviez envie d’aborder depuis longtemps ?

"D’une certaine façon, dans les quartiers les moins élevés de Morguepierre, les fées incarnent le désenchantement."

Raphaël Bardas : J’avais envie de confronter l’imaginaire urbain et l’imaginaire marin. Le polar et les légendes de la mer et pour cela, j’ai inventé Morguepierre, une cité qui marie les deux, mais pas très bien, alors forcément, il arrive que cela dérape. Après, effectivement, il y a des créatures surnaturelles. J’aimais l’idée d’une cité dont les fondateurs fantasques avaient oublié les fondations au point d’en laisser l’administration à des trolls emperruqués et à des alfes obsédés par la comptabilité et le rangement. Laissant les gens du peuple se démerder avec toutes les contradictions et les zones de non-droit qui en découleraient. D’une certaine façon, dans les quartiers les moins élevés de Morguepierre, les fées incarnent le désenchantement.

Actusf : Qui sont les marie-morganes ? De simples sirènes ?

Raphaël Bardas : Les marie-morganes sont les anciennes habitantes de Morguepierre. Il y a bien longtemps, la cité était un volcan sous-marin où elles avaient établi leur royaume. Un dieu un peu lunatique l’a sortie des eaux pour son propre plaisir.
Celles qui ont survécu ont continué de vivre dans l’océan en gardant une violente rancune pour l’humain, car désormais il pullule dans leur cité. Enfin, c’est seulement ce qu’on raconte, et il y a aussi bon nombre de marins pour vous dire à quel point elle sont sublimes, douces, merveilleuses en amour. Peu de gens arrivent à s’accorder sur leur nature exacte en fait, et cette histoire ne va pas aider.

Actusf : Comment avez-vous créé votre univers ? Avez-vous dû faire beaucoup de recherches ?

Raphaël Bardas : Avec beaucoup trop d’oxymores et de jeux de mots ! La mer et la terre, le ciel et les caillasses, un dieu dans une poubelle, des monstres marins dans une ville, sans parler des personnages !
Je voulais pouvoir évoquer à la fois le XVIIe et le XVIIIe siècles tout en puisant parfois un peu dans le XIXeme. Alors j’ai dû travailler sur une partie du vocabulaire, sur le modèle politico-social, l’architecture, la culture, de façon à ce que puissent apparaître au coin d’une phrase, ou d’une rue, des éléments qui attirent l’imagination dans ces recoins-là sans que ce soit trop lourdingue.
Quant aux recherches oui, j’en ai fait, mais ce n’est pas un univers érudit. J’ai pioché dans les légendes celtes, nordiques, et grecques aussi, et dans diverses littératures, mais c’est pour mieux pouvoir m’en éloigner. À vrai dire, je m’intéresse plus aux mythes et aux créatures pour leurs symboles, ainsi que pour ce qu’ils nous disent de l’humain, que pour m’offrir des envolées lyriques.

Actusf : La magie paraît être malfaisante dans vos récits. Pourquoi la présenter sous un jour aussi sombre ? Je pense notamment au destin des gargueulards, ou tout simplement à celui des marie-morganes.

"Voilà ! Le genre des Chevaliers du Tintamarre, c’est la Trogne&Sorcery. Des moches contre des sorcières. Mais des moches superbes !"

Raphaël Bardas : Voilà ! Le genre des Chevaliers du Tintamarre, c’est la Trogne&Sorcery. Des moches contre des sorcières. Mais des moches superbes ! La magie, mes gars n’en ont pas, ou très peu, leur magie à eux c’est ce courage un peu imbécile qu’on a quand on est joyeux de n’avoir rien à perdre. Et puis l’un des moteurs de cette intrigue s’appuie sur le côté inquiétant, incompréhensible, du surnaturel, alors il fallait qu’il soit avant tout un trait de l’adversité. Si Di Caprio était le surfer d’argent on se foutrait bien de voir le Titanic couler.

Actusf : Écrire de la littérature de l’imaginaire, vous permet-il de parler de certains sujets qui vous tiennent à cœur ? De dénoncer certaines choses ? Ou tout simplement de divertir ?

Raphaël Bardas : J’aurais adoré être un auteur engagé, mais j’aime pas déranger alors …
Plus sérieusement, oui, il y a des sujets qui me tiennent à cœur, et puis je suis de ceux qui pensent que tout est politique. Par exemple, pour qu’un roman m’intéresse il faut qu’il parle de l’humain, des mœurs, de l’intime. Les grandes quêtes fantastiques c’est très chouette, mais je ne sais pas faire, alors je parle plutôt de ce que l’héroïsme et le caractère aventureux révèlent d’un homme, avec pas mal de dérision. La virilité, par exemple, est une chose qui m’amuse et m’énerve à la fois, je n’en fais pas un sujet, mais c’est présent d’une certaine façon. Les visions conservatrices de l’amour, de l’héroïsme, du pouvoir… j’aime bien leur mettre un petit coup de pied au cul, alors je ne me prive pas.

Actusf : Avez-vous eu des sources d’inspiration en particulier, littéraire ou/et cinématographique ?

Raphaël Bardas : Je crois que j’ai déjà cité pas mal d’inspirations, mais en vrac je dirai : les Trois Mousquetaires, Moby Dick, Cyrano de Bergerac, Don Quichotte, les Aventures du Baron de Münchhausen et en contrepartie à tout cet univers « classique », quelques textes de Bukowski et de John Fante. Côté cinéma, il y a sans doute un peu de Mon Oncle Benjamin dans cette histoire. Quant à Morguepierre, je l’ai habillée à Saint-Malo, au Mont St Michel, à Saint-Cirq-Lapopie, à Tolède et Peñiscola.
Et bien sûr, il y a les chansons du groupe la Rue Kétanou. Je ne dirai jamais assez à quel point elles ont accompagné mon écriture. Leur univers qui fait tomber les frontières, qui se joue des genres et qui rapproche la chanson et le théâtre, la comédie, l’amour et la tragédie. Tout ça dans un joyeux bordel.

Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Peut-on espérer une suite aux aventures de ces chevaliers hors-normes ?

Raphaël Bardas : Actuellement je réécris les règles de mon prochain jeu de rôle, Macadam Fairies, que j’espère pouvoir livrer à son éditeur cette année.
Côté littérature, j’ai mille projets, certains en solo, d’autres avec ma compagne Roxane Bourget.
Celui sur lequel je suis le plus avancé (un petit tiers d’écrit pour le moment), a pour titre de travail « le Voyage des âmes cabossées », et il commence à Morguepierre, avec quelques survivants des Chevaliers du Tintamarre.

Actusf : Où peut-on vous rencontrer dans les mois à venir ?

Raphaël Bardas : Dans des manifs, dans mon club de boxe, à la MJC du village d’à côté pour un atelier d’écriture, sur les routes si vous aimez courir, et chez moi si vous aimez le vin, la littérature et les jeux de rôle.
Aussi, je serai au salon du livre de Paris le samedi 21 mars, et aux Imaginales en mai, pour le reste, il y a des rencontres en librairies qui se profilent, mais je ne suis pas encore en mesure de communiquer les dates.

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