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La Machine - Les secrets d'écriture de Katia Lanero Zamora
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La Machine - Les secrets d'écriture de Katia Lanero Zamora

A l'occasion de la publication de La Machine aux éditions Actusf, Katia Lanero Zamora revient sur l'écriture de ce nouveau roman.

Actusf : Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire ce livre ?

Katia Lanero Zamora : Avec Les Ombres d'Esver, j'avais été en huis clos pendant plusieurs années, très intime avec mes deux personnages principaux. J'avais envie de quelque chose de plus aéré, avec plusieurs personnages, un monde à découvrir, plusieurs intrigues. J'avais une ébauche de La Machine qui datait de 2016. C'était alors une dystopie que je qualifierai de rurale! À mesure que je travaillais, je retirais des couches, je creusais, et puis ça m'a sauté aux yeux: j'étais en train de traiter de guerre civile. Et la guerre civile, elle est au premier plan de mon histoire familiale puisque mes quatre grands-parents l'ont vécue. Cela faisait très longtemps que j'avais envie d'écrire sur le sujet, mais écrire l'histoire de la famille me paralysait. Alors j'ai fait ce que j'aime le plus faire: prendre des ingrédients de mon vécu et les passer dans le shaker de mon imaginaire pour en ressortir l'essence et les émotions.

Actusf : Comment est née l'idée de son histoire ?

Katia Lanero Zamora : J'étais donc sur le compost de La Machine 2016, où je mettais en scène deux amis issus de deux mondes différents: l'une était fille de paysans, l'autre du propriétaire terrien. J'étais en train d'écrire une scène de petit déjeuner dans le domaine de la famille noble. Il a fallu que le grand-frère de mon personnage, dont j'ignorais l'existence jusqu'à ce moment précis, débarque avec toute sa verve et tout son éclat pour que je prenne conscience que ce n'était pas l'histoire de deux amis qui sont déjà séparés par leurs origines sociales. C'était l'histoire de deux frères, issus d'une même famille, qui se retrouvent dans les camps opposés de la guerre. N'appelle-t-on pas une guerre civile une guerre fratricide? Et là, l'histoire a commencé à se dérouler: ce serait l'histoire de Vian (le personnage qui existait déjà dans la version embryonnaire) et de son grand frère Andrès, qui s'est imposé dans le roman à grand fracas! Et ce serait l'histoire, non pas d'une famille noble qui risque de tout perdre, mais l'histoire d'une famille qui vient d'être anoblie par le Roi. Alors qu'ils étaient des paysans, les Cabayol sont devenus Duen. Sur le fil de deux mondes qui sont prêts à entrer en collision.

Actusf : C'est un roman qui est lié à votre histoire familiale. Avez-vous emprunté des choses à cette histoire pour écrire votre roman ?

Katia Lanero Zamora : Oui. Mais ce sont des détails disséminés que seuls les concernés peuvent reconnaître. Des anecdotes, des caractérisations de personnages, parfois un clin d’œil dans le nom d'un lieu ou le titre d'un livre. J'ai puisé aussi dans mes émotions et mes souvenirs de l'Espagne, de ce que ce pays, cette langue, insufflent en moi.

Actusf : Est-ce qu'il vous a demandé beaucoup de documentation sur l'histoire de l'Espagne pendant les années 30 ?

Katia Lanero Zamora : Je voulais surtout comprendre les circonstances qui ont mené à l'impasse de la guerre civile. J'ai lu énormément d'ouvrages en français, en espagnol, pour nourrir un terreau politique crédible pour La Machine. J'ai digéré la matière pour en faire le contexte de Panîm.
Mais j'ai dû m'extraire des lectures à un moment. J'avais peur de ne pas rendre tous les aspects de cette époque. C'est en parlant avec d'autres auteurices qui écrivent des romans du même genre que j'ai compris que La Machine n'avait pas vocation à être un roman historique. Je voulais que ce soit l'histoire de Vian et Andrès. Je n'avais pas à y mettre absolument tout ce que je découvrais. Les éléments se sont combinés d'eux-mêmes pendant l'écriture.

Actusf : Pourquoi te situer dans un pays imaginaire plutôt que d'en avoir fait un roman historique ?

Katia Lanero Zamora : Justement parce que je ne suis pas historienne. Je ne voulais pas retranscrire un témoignage, ou écrire l'Histoire de ce conflit - il existe des milliers d'ouvrages sur le sujet, et extrêmement bien écrits et plus fiables que ce que je ne pourrai jamais faire. Je voulais quelque part traverser cette époque grâce à des personnages fictifs parce que c'était plus facile pour moi d'écrire sans avoir peur de ne pas coller à la réalité. Ce n'est pas la réalité, et même temps, des Andrès et des Vian, il y en a certainement eu dans toutes les guerres civiles: les familles se déchirent, les frères et sœurs se séparent, les voisins se dénoncent. C'est ce qui est arrivé à ma famille.
Je suis une conteuse, et l'imaginaire m'offre la liberté nécessaire pour me concentrer uniquement sur le faisceau de personnages, leurs polarités, leurs relations, leurs séparations, leurs retrouvailles. Je sais que c'est étrange, mais c'est plus facile pour moi de mouliner et puis de réinventer.

Actusf : Nous savons que l'intrigue a pas mal évoluée au fil des mois. Quelle est l'histoire de son écriture ?

Katia Lanero Zamora : Il y a eu la première phase en 2016 où j'étais vraiment dans un conte, une dystopie rurale, : qui racontait les tourments de l'amitié de deux enfants que tout séparait. Les deux personnages avaient d'ailleurs 12 ans. Et puis, en étoffant l'histoire et les personnages, j'ai pris conscience que je voulais m'inspirer de la guerre civile espagnole.
Au départ, La Machine devait être un roman unitaire. Mais voilà! En travaillant avec Silvie Philippart de Foy et Frédéric Castadot (qui ont scriptdoctoré l'affaire), je me suis rendue compte que 1/ c'était beaucoup trop gros pour un seul roman; 2/ au point de vue de la structure, les deux parties avaient leur thématique propre. Il était plus cohérent de travailler une moitié à la fois. Nous suivons Andrès, nous suivons Vian, et nous suivons une troisième intrigue qui se déroule pendant leur enfance et qui vient éclairer le mystère de leur évolution si différente alors qu'ils sont nés dans la même famille!

Actusf : Comment pourriez-vous nous présenter les personnages principaux ?

Katia Lanero Zamora : Andrès est l'aîné de la famille Cabayol. Fantasque, il aime la fête, la poésie, la vie! Il voue depuis toujours une véritable passion pour les Ongles sales, la caste des prolétaires, même si lui habite en haut de la colline et que sa famille est propriétaire des terres qu'ils cultivent. Malgré tous les efforts de son père pour en faire un jeune homme de sa classe sociale, Andrès est un fervent défenseur de la Machine, le projet des révolutionnaires, il rêve de l'égalité sociale. Andrès est un passionné, il ne ferme jamais sa gueule. Il est têtu et loyal. Mais derrière sa verve, il y a de grandes blessures et la peur de n'avoir de place nulle part.

Vian est de deux ans son cadet. Son intelligence, sa discipline, sa confiance en la hiérarchie ont fait de lui le meilleur soldat de sa promotion lors de son service militaire. Il n'a qu'un rêve: défendre le pays contre ses ennemis. L'honneur est une vertu primordiale pour lui. Il n'aime pas décevoir. S'il est promis à une grande carrière militaire, il est en proie à de nombreux dilemmes intérieurs. Peut-être que son obéissance aveugle trahit un grand manque de confiance en lui et qu'il ferait bien de s'affirmer. Mais jusque là, son bonheur personnel importe peu; il veut la reconnaissance de son père.

Actusf : C'est une histoire en deux tomes. Qu'est-ce que vous pouvez nous dire du tome à venir ?

Katia Lanero Zamora : Disons que j'ai écrit, dans le tome 1, l'amour entre les personnages, et comment ils se retrouvent sur un bord différent du fossé qui les sépare. Dans le tome 2, ce sera l'affrontement. Je sais déjà que je vais être très émue. La structure, la question thématique et la progression des personnages sont claires dans ma tête. J'ai déjà ma fin. Je prépare un stock de mouchoirs à laisser sur le côté de mon bureau!

Actusf : Que représente ce roman pour vous ?

Katia Lanero Zamora : C'est peut-être une manière de retransmettre les émotions de la mémoire familiale que je porte en moi.
Ce n'est pas l'histoire de ma famille. Mais ce sont les émotions que je ressens quand je pense à son histoire. C'est une façon de traverser le conflit politique qui a influencé les valeurs dans lesquelles on m'a éduquée et qui explique certains traits de mon caractère. C'est aussi un hommage à mes grands-parents; trois d'entre eux sont décédés même s'ils sont là tous les jours dans les gestes que je pose, et il me reste ma grand-mère maternelle. Je suis heureuse qu'elle soit là pour voir cette belle couverture rouge avec nos noms dessus.

Actusf : Quelles sont les dates de vos prochains événements ?

Katia Lanero Zamora : Avec les circonstances covidiennes, il n'y a pas encore d'événement en chair et en os de prévu, mais par contre, et ça c'est la chance, c'est qu'il y a 5 dates où toute personne dotée d'une connexion peut nous rejoindre!!
Le 24 février, à 20h, il y aura une rencontre organisée par Michael Lambert. Nous parlerons du roman, et il y aura une heure d'atelier d'écriture "Ecrire l'intime au cœur de la SFFF"
Le 25 février et le 11 mars, restez connectés aux actualités des Editions ActuSF, car ils nous préparent de belles surprises!
Et le 4 mars, il y aura un live Facebook avec Maite Molina Marmol, qui a écrit une thèse sur la mémoire de l'immigration, Racines inspirantes.

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