Barbarie nazie et "anti-sélénitisme"
1932, la guerre totale est finie, mais elle a laissé de nombreuses séquelles à cette bonne vieille Europe. Les partis extrémistes prennent de plus en plus de pouvoir et se lancent dans un endoctrinement anti-Sélénite. Pendant ce temps, sur la Lune, une nation libertaire s’est développée aidée par les Ishkiss. Cette nation fait beaucoup d’envieux sur Terre. Nombreux sont ceux qui adoptent les propos des fascistes et accusent les Sélénites de voler l’air et la nourriture et de vivre dans la luxure.
Albert Londres, journaliste, joue les espions pour le compte des Sélénites. Il doit absolument découvrir ce que les nazis trament... Léo Malet, petit malfrat, cambriole les appartements d’un général français et découvre des documents fort compromettants. Ainsi, ces deux individus vont se retrouver dans une étrange aventure pour déjouer les plans de destruction que Hitler fomente contre la Lune.
Audace, audace, quand tu nous tiens !
Écrire une suite à La Lune seule le sait, c’était vraiment osé et risqué. Parce que Johan Heliot a une plume bien particulière, un style unique et une imagination débordante, l’alchimie se produit et le résultat est là : La Lune n’est pas pour nous est une excellente uchronie, un roman qui ravira les admirateurs du premier volume.
S’appuyant sur un solide fond historique des événements et personnages de l’époque, Johan Heliot jongle habilement entre fiction et réalité. Avec une fois de plus des personnages empruntés au passé, le lecteur suivra les péripéties de Léo Malet, père du détective privé Nestor Burma, et d’Albert Londres, célèbre journaliste entre les années vingt et trente. Les deux héros croiseront les stars du grand écran de l’époque : Gabin, Julien Carette, Pierre Fresnay... et autres personnages qui ont marqué l’histoire : Hermann Göring et Heinrich Himmler (Johan Heliot s’amusant à les ridiculiser de par leur stupide rivalité vis-à-vis du Führer), Einstein et Oppenheimer (avec un truculent passage où Einstein explique à son homologue scientifique la technologie extra-terrestre et son application à l’astronomie.)
Acide et parfois cruel sur la nature humaine, Johan Heliot nous plonge dans la sombre folie de l’Homme. Rien n’échappe à sa verve d’écrivain. A son récit, il ajoute habilité, humour et ironie afin de donner une certaine légèreté à l’intrigue malgré des thèmes graves. Ainsi, il réussit à ridiculiser avec beaucoup d’intelligence et de subtilité, Hitler (avec sa mégalomanie et sa névrose) et La Thulé. Le roman se clôt sur une note d’espoir, note qui ne peut être apportée que par une intelligence extérieure... Mais si celle-ci part, que reste-t-il sur Terre ? Les loups... "Les loups sont entrés dans Paris".
Avec ce roman, Johan Heliot a réussi un formidable exploit, celui de décrocher la Lune. Chapeau !