A l'occasion de la campagne Ulule lancée pour soutenir La Saison de l'Effroi, le Maître de l'étrange, Mérédith Debaque, revient sur ce nouveau projet.
Actusf : Vous venez de lancer une campagne Ulule pour un nouveau projet, La Saison de l’Effroi.
En quoi consiste-t-il ? Pouvez-vous nous le présenter ?
"[...] il s’agit d’une série de livres courts, funs, inspirés par les pulps à la Weird Tales, les comics indépendants, et le cinéma de mauvais genre."
Mérédith Debaque : Présentation d’abord : Mérédith Debaque, directeur éditorial des Saisons de l’étrange, notre édition dont je vous parlerai avant d’évoquer l’Ulule et cette nouvelle saison.
Les Saisons de l’étrange vogue sur un nouveau vent littéraire, séditieux et envoûtant, qui plane au-dessus de l’imaginaire francophone. Né de l’esprit fantasque de Melchior Ascaride, Vivian Amalric, Mérédith Debaque & Arthur Plissecamps, il s’agit d’une série de livres courts, funs, inspirés par les pulps à la Weird Tales, les comics indépendants, et le cinéma de mauvais genre.
Peut être par malchance, sans doute involontairement, quand ces quatre (grands) esprits ont créé cette maison d’édition indépendante, ils ont convoqué des limbes un être ô combien maléfique : Le Maître de l’étrange. Certains vous diront peut-être qu’il est factice, n’en croyez rien ! Car l’excentrique créature veille dans sa vaste demeure, au carrefour de toutes les fictions. On murmure d’ailleurs que l’abominable s’exprime parfois à travers mon clavier, pendant mes longs moments d’absence.
Chaque année, le Maître vous propose de passer une saison chez lui, et d’acquérir ainsi six à sept ouvrages. Chacun des romans met en scène les péripéties d’enquêteurs de l’occulte, d’aventuriers du bizarre, d’investigateurs sans peur, héros & héroïnes prêts à se frotter à l’irréel au cours de récits indépendants les uns des autres (bien que le lecteur attentif apercevra peut être le Maître occupé à tirer les ficelles dans un coin de page subtilement corné). Dernièrement, nous avons même financé un projet spécial, une ligue d’écrivaines extraordinaires, où Mary Shelley affronte Frankenstein, Ann Radcliffe, Dracula, et les sœurs Brontë, la Momie, collection à part dirigée par Christine Luce.
Cette année ne déroge pas avec une nouvelle salve de bonheurs de papier : la Saison de l’Effroi. Nous vous proposons six enquêtes : Luchadore tueur de vampires, gardienne dans un institut pour magiciens dérangés, chasseuse de croquemitaines, traqueur de mutants mystérieux, flic zombie combattant la dépravation d’une cité déchue, et un Hercule Poirot d’un autre futur, grand amateur de Guinness. 6 livres écrits dans les ténèbres par Cat Merry Lishi, Julien Heylbroeck, Olav Koulikov, Basile Cendre, Nicolas Texier & Vincent Mondiot. 6 livres pour vous corrompre tous !
Notre Saison de l’Effroi donne l’occasion de lire des romans stylisés, enlevés et surtout… étranges ! Petite note qui sonnera agréablement aux oreilles des militants de la littérature de l’imaginaire : les éditeurs sont bénévoles, travaillant pour l’amour du pulp et des cliffhangers, pour s’assurer que les auteurs seront bien payés. Bien sûr, on s’imagine que c’est l’ombre menaçante des doigts sadiques, et si tranchants, du Maître qui les pousse à cette abnégation, mais je vous le promets, c’est faux.
Notre Saison de l’Effroi donne l’occasion de lire des romans stylisés, enlevés et surtout… étranges !
Actusf : Comment avez-vous sélectionné les œuvres que vous souhaitiez publier ?
Mérédith Debaque : Le bouche-à-oreille principalement. Melchior, Vivian, et moi-même travaillons dans l’édition de manière professionnelle, ce qui nous permet de connaître des écrivains et écrivaines pétés de talents et enthousiastes. Bien souvent, quand un auteur ou une autrice nous plaît, nous avons à peine le temps de lui demander son concours qu’il nous a déjà envoyé son synopsis et les premiers chapitres. Sans doute l’idée de réanimer une littérature véritablement populaire, à la fois bien écrite et accessible, loin des limites que l’on trouve dans le marché classique du livre, les botte. Ou alors ce sont les cauchemars d’amibes cosmiques dont le Maître emplit leurs nuits qui les poussent à accepter notre deal.
Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots des récits sélectionnés ?
Mérédith Debaque : Cette année...
Déjouez le crime avec Bodichiev dans « Menace sur l’Empire », d’Olav Koulikov. Le célèbre enquêteur, à la croisée de Hercule Poirot et Maigret, cherche à comprendre pourquoi rien ne va dans l’Empire anglo-russe. La réalité bascule dans cette uchronie soviétique, des véhicules sont aspirés par la marée et un homme à la mémoire défaillante explose quelques secondes après son réveil… Olav Koulikov revisite le whodunit, échangeant l’architecture anglaise et le flegme britannique par la magnificence soviétique et la rigueur stalinienne.
Traversez les marécages de Miami avec « Deadcop », de Nicolas Texier. Flics corrompus et mafieux l’ont troué de balles et laissé pour mort dans la fange, mais le vaudou a ramené le seul policier intègre de cette ville décadente. Lui, ses deux flingues en or, et sa soif de justice… et de vengeance.
Partagez les nuits retentissantes de cris de terreurs des « Enfants du béton » de Basile Cendre. Les Masques traquent leurs proies adolescentes, armés de leurs machette, tronçonneuse ou autres instruments mortels. Heureusement, Zita la contrechasseuse veille, armée de son fusil, d’une bouteille de whisky et de son humeur de chien. À la croisée de Stephen King & John Carpenter, un roman destroy.
Montez sur le ring avec El Hijo Del Hierofante, un luchadore mexicain qui protège Mexico city des dangers surnaturels, au cours trépidant de sa nouvelle aventure « La Vengeance des santas muertes » par Julien Heylbroeck. Cette fois-ci, zombies et créatures à écailles envahissent le ring urbain, mais un brainbuster vaut bien mieux qu’une déflagration dans la tête !
Succombez au vertige de « La Cabale des miroirs » de Cat Merry Lishi aux côtés de son héroïne. Ophidia, devenue gardienne d’un institut pour magiciens fous à lier, n’en finit pas de courir d’un danger à un autre. Sphinx énigmatique, gorgone outragée, satyre à la main verte, et bien sûr cette petite fille au sourire angoissant… Située dans un univers loin du nôtre, presque en exil, une fantasy urbaine à la poésie déchaînée.
Achevez notre joyeuse sarabande dans « Toute entrée est définitive » de Vincent Mondiot en pénétrant dans Kitej, la colonie dont les frontières sont des barreaux et les habitants, des condamnés. C’est là que travaille Gabriel Ortiz, modérateur de la cité et incompétent notoire. Quand la rumeur d’un vaisseau prêt au départ parcourt la ville close, ses ruelles s’enflamment et des citadins disparaissent. Parmi eux, un gamin, et c’est à Gabriel de le retrouver. Du cyperbunk noir dans une métropole entre Gotham city et Blade Runner.
Actusf : De nombreuses contreparties sont proposées. Qu’avez-vous concocté pour les audacieux contributeurs ?
Mérédith Debaque : En plus des six livres, les plus fanatiques peuvent se procurer les saisons précédentes dans de superbes intégrales de luxe à un prix… envoûtant. Et comme on aime torturer vos porte-monnaie, on vous propose également chaque livre de cette Saison de l’Effroi dans sa version collector : en plus des exemplaires souples, vous recevrez le roman de votre choix (ou tous) dans un format cartonné sous jaquette de haute qualité.
Enfin, si le Ulule décolle, nous avons prévu de nombreux ajouts : un recueil de nos héros à la plage, un artbook de couvertures alternatives, un roman à tentacule supplémentaire et un deuxième artbook, un peu spécial (étrange même), puisqu’il contient des couvertures d’univers parallèle. Melchior Ascaride vous en dit plus sur ses pérégrinations extradimensionelles ici.
Actusf : Si le projet se concrétise, la sortie est prévue pour quelle date ? Pouvons-nous espérer quelques exemplaires sur les salons par la suite ?
Mérédith Debaque : Tous les livres seront expédiés en fin d’année. Cet envoi unique offre un incroyable avantage : il nous évite de lâcher tout notre financement à la Poste, et nous permet de produire plus de romans.
En ce qui concerne les salons, nous assurons notre présence. Le Maître ne manque jamais une occasion de s’entretenir avec ses fidèles...
Actusf : Avez-vous une préférence pour un de ces livres ? Pourquoi ?
Mérédith Debaque : Très drôle. Non, je les aime tous d’amour, et je suis fier de chacun d’eux.
Actusf : Au sujet des couvertures, comment ont travaillé les auteurs et l’illustrateur ?
Mérédith Debaque : Répétez après moi : il n’y a qu’un graphiste et il se nomme Melchior Ascaride. Sous le regard sévère du Maître, et croyez-moi ses deux orbites luisent d’une méchanceté insoutenable, il s’attelle à la tâche pharaonique (cthulhuenne même) de réaliser l’intégralité de l’identité graphique des Saisons de l’étrange, et gratis en plus !
Je ne me prononcerai pas pour lui, mais j’imagine que pour un fana de mauvais genres tel que lui, l’inspiration naît facilement à la lecture du programme de cette Saison de l’Effroi.
Actusf : Envisagez-vous une autre saison à part des Saisons de l’Étrange ?
Mérédith Debaque : Nous envisageons l’an prochain de refaire une Saison si les lecteurs continuent à nous être fidèles (et que le Maître retient ses envies d’apocalypse). Et bien sûr, en octobre 2020, nous proposerons une nouvelle Ligue des écrivaines extraordinaires… avec des héroïnes plus contemporaines cette fois… Avez-vous peur de Virginia Woolf ?