Rarement un auteur de science-fiction aura porté un prénom aussi cool ! Spider Robinson, le seul authentique homme-araignée, est malheureusement peu présent dans le fonds traduit en français. À travers plusieurs recueils de nouvelles, il a pourtant développé un univers particulier qui aurait pu ouvrir une voie hexagonale à de nombreux amateurs de Brèves de comptoir, sans oublier les quelques volumes consacrés à l’épouse du patron du Bar du coin des temps, qui préside aux destinées d’une maison de passe cosmique : Callahan’s lady. Avec son épouse Jeanne, danseuse professionnelle, il écrivit La Danse des étoiles, pour lequel ils obtinrent en 1977 et 1978, dans la catégorie novella, les prestigieux prix Hugo, Locus et Nebula ! Spider Robinson a également collaboré (à titre posthume) avec son idole de toujours, Robert Heinlein, pour Variable star, un roman qu’il acheva à partir d’un scénario de quelques pages laissé par le Maître.

Callahan ne laissera jamais personne en rade.

Il est réconfortant de penser qu’il existe quelque part dans l'univers un point d'ancrage stable, un havre de paix où règne la compassion sous les formes variées d'une tendresse virile et bourrue, capable de réconforter les plus déprimés d'entre les consommateurs. Car chez Callahan, personne n'est là par hasard. Tous les clients ont une histoire douloureuse qu'ils soignent à grandes gorgées de bière et de psychothérapie de comptoir. Ici, la haine et le cynisme ne sont pas de mise. Les plaisanteries sont dépourvues d'agressivité : ce ne sont que jeux de mots et calembours puérils, histoires stupides sans queue ni tête et divagations alcoolisées. Lorsqu'on pousse la porte du Bar du coin des temps, on laisse son cerveau au vestiaire car on sait d'avance que l'amitié désintéressée remplacera avantageusement les synapses fatiguées. Les habitués du bar de Callahan ne jugent personne : ils écoutent, comprennent et compatissent... Laissez-vous aller et racontez votre histoire : Callahan, l'imposant Docteur Webster, Fast Eddie le pianiste-videur, Cul-sec Mc Gonnigle, vous accorderont toute l'attention dont vous avez besoin, et plus encore...

Une pt'tite dernière ? Pour la route ?

Même si un extra-terrestre pointe occasionnellement le bout d'un tentacule chez Callahan, la majeure partie des nouvelles du présent recueil joue avec le temps. Qu'il s'agisse de voyageurs d'une autre époque ou de détenteurs de pouvoirs aussi curieux que l'écho instantané, Spider Robinson nous propose des variations originales qui sortent un peu des paradoxes habituels. Léger, court et aussi agréable à lire qu’à boire, ce recueil mériterait pourtant probablement une traduction révisée, ne serait-ce que pour préciser dans une note de bas de page que Woodstock était tout sauf un festival de heavy metal... Indéniablement ancrées dans le domaine de la science fiction, ce n'est pas du côté de la cantina galactique de Star Wars qu'il faut pourtant regarder pour trouver un point de comparaison mais en direction de l'œuvre de Wodehouse, avec laquelle les amateurs ne manqueront pas de remarquer une certaine parenté, en particulier les histoires de Mr Mulliner. L'ambiance du bar du coin des temps lors des hebdomadaires soirs des vannes, soirs des contes, ou du championnat annuel de fléchettes rappelle celle, tout aussi débridée, du Drone's club. Le jeu des références devient une quasi-certitude lorsqu'on apprend que les fameux Jeeves et Bertie Wooster font une apparition dans l'un des livres de Spider Robinson (non traduits) consacrés au lupanar cosmique de l'épouse de Callahan (Lady slings the booze) ! Après avoir tourné la dernière page, même un vieil archiviste éméché peut comprendre la leçon distillée par Spider : la vie est une chose sérieuse qu’il convient de traiter avec la plus grande légèreté. Santé !