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Le Dossier Arkham - Les secrets d'écriture d'Alex Nikolavitch
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Le Dossier Arkham - Les secrets d'écriture d'Alex Nikolavitch

A l'occasion de la parution du Dossier Arkham aux éditions Leha, Alex Nikolavitch revient sur la création de cet ouvrage très lovecraftien.

Actusf : Alex Nikolavitch, vous êtes auteur de romans, mais aussi essayiste, scénariste de BD et traducteur, ça fait beaucoup de casquettes. Par quoi avez-vous commencé ?

Alex Nikolavitch : Par un peu tout à la fois. Dans les années 90, j'ai commencé à publier dans divers fanzines des nouvelles, des articles sur les comics et la SF, et mes tous premiers scénarios de BD. Tout cela m'a permis de faire pas mal de rencontres.

Actusf : Est-ce qu’une expérience en a entraîné une autre ? C’est en traduisant des BD que vous avez eu envie de vous y essayer ou inversement ?

Alex Nikolavitch : Oui. C'est en lisant mes articles sur les comics qu'un éditeur m'a proposé de faire de la traduction, ce qui m'a mis le pied à l'étrier chez des éditeurs pro, et m'a donc permis de placer des scénarios. Puis, en voulant compiler de vieux articles, je me suis retrouver à écrire mon premier essai, chez un éditeur qui par la suite a publié mes premiers romans. Donc oui, y a eu un effet domino, chaque activité a ouvert d'autres possibilités. Par contre, la traduction m'est tombée dessus un peu comme ça. Je voulais écrire du scénario de BD à la base, et en traduire ne m'avait pas traversé l'esprit. Donc oui, la traduction a entrainé pas mal de choses, mais à la base, je me voyais déjà scénariste.

Actusf : Le Dossier Arkham c’est une enquête, un roman qui prend une forme originale, avec des documents diégétiques, des rapports de police, des lettres, etc... Est-ce que c’est votre côté BD, un support graphique qui vous a poussé à intégrer ça à une narration romanesque, ou est-ce que c’était une volonté de jouer avec le lecteur ? De lui proposer des éléments pour résoudre l’enquête d’une manière plus réelle ?

Alex Nikolavitch : Quand on a commencé à travailler sur le Dossier Arkham avec les éditions Leha, l'idée était de faire une sorte de guide touristique humoristique de l'univers lovecraftien. Et donc, cela était censé être abondamment illustré, et j'avais contacté à cet effet mes amis du studio Haus, en Argentine, qui avaient déjà illustré ma biographie en BD de HP Lovecraft. Et puis au fil des discussions, le projet a évolué, et on s'est orienté vers le livre enquête, en conservant pas mal d'idées brassées auparavant. D'où le fait que la narration passe des forêts de Dunwich aux déserts du Yémen et aux plateaux tibétains. Mais l'approche était plus ludique que BD, l'idée était de faire quelque chose d'amusant, s'apparentant à un jeu, d'impliquer le lecteur. Et pour ça, j'ai été superbement épaulé par le maquettiste, Didier Guiserix, que les amateurs de jeux de rôles connaissent bien, et qui s'est pris… au jeu.

Actusf : Est-ce que ça vous a poussé à travailler différemment que pour un roman plus classique ?

Alex Nikolavitch : C'était la nature du projet au départ, né de discussions avec l'éditeur. Et à titre personnel, j'aime bien me lancer des défis d'écriture, tenter des choses différentes, que je ne suis pas certain au départ d'être capable de mener à bien. Chacun de mes romans a été basé sur une structure différente, jusqu'ici. Je n'aime pas trop refaire deux fois la même chose.

Actusf : Vous êtes très influencé par Lovecraft dans vos créations, vous connaissez bien son œuvre, et on y retrouve plein de références dans Le Dossier Arkham. Qu’est-ce qui vous attire le plus dans l’univers lovecraftien ?

Alex Nikolavitch : Lovecraft, c'était notre point de départ, à l'éditeur et à moi. Mais si on en a parlé au début, c'est bien parce que j'ai pas mal creusé le sujet. L'univers lovecraftien, ça a été une espèce de choc esthétique et philosophique à l'adolescence, qu'il m'a fallu d'ailleurs ensuite un peu de temps pour digérer. Il y a là-dedans une espèce de nihilisme doublé de vertige pascalien, à moins que ce ne soit l'inverse, qui m'a parlé très fort à un moment.

Actusf : Lovecraft est une figure incontournable de l’univers de l’imaginaire. Comment l’expliqueriez-vous ?

Alex Nikolavitch : Il a créé un univers marquant, déjà, une sorte de mythe de notre temps, et surtout il en a fait dès le départ un projet collectif, anticipant à sa façon, et à son époque, sur nos communautés de réseaux sociaux. L'univers de Lovecraft, ce sont des dizaines d'auteurs, à son époque et par la suite, qui se sont emparés de ses motifs, avec sa bénédiction. Et en rejetant les figures traditionnelles de la littérature horrifique, le vampire des Carpathes, le loup-garou, etc… il a fait sortir la littérature fantastique de son imagerie gothique pour aller vers quelque chose de profondément moderne, quand bien même il était assez passéiste lui-même. Ses entités gigantesques qui broient l'homme sans même s'apercevoir de son existence, elles sont en partie nées de son séjour malheureux à New York, qui l'a confronté à des échelles lui semblant inhumaines. Ses créatures peuvent dès lors devenir des métaphores de toutes les métastructures sociales écrasantes et aliénantes. C'est une image forte.

Actusf : Pouvez-vous nous parler de vos projets pour l’année qui débute ? Nous savons que vous êtes en train de travailler sur un album BD consacré à Yuri Gagarine, qu’est-ce qui vous a attiré vers ce projet ?

Alex Nikolavitch : L'année est compliquée et pas mal de projets bougent. Mais oui, il y a cette BD sur Gagarine, je me suis toujours passionné pour la conquête de l'espace, et la figure de Gagarine, premier cosmonaute, a quelque chose de fascinant : le bon gars que rien ne prédisposait à ça, et qui a été broyé par la légende qu'on a construite autour de lui. et je mets sa vie en parallèle avec celle de l'ingénieur en chef qui l'a envoyé là-haut, Sergei Korolev, l'homme de l'ombre génial derrière le programme spatial soviétique.

En parallèle, je suis en train de travailler sur un prochain roman, se déroulant dans l'univers arthurien des Trois Coracles, et sur des recueils d'articles sur des sujets de pop culture.

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