A l'occasion de la sortie de son nouveau roman, Aurélie Wellenstein revient sur l'écriture du Désert des couleurs, paru aux éditions Scrineo.
Actusf : Votre dernier roman, Le Désert des couleurs, vient de paraître aux éditions Scrineo. Comment celui-ci est-il né ?
Aurélie Wellenstein : Le Désert des couleurs a surgi de façon très puissante et très abrupte dans mon esprit. Je n’avais pas prévu d’écrire ce roman. Je travaillais sur un autre, plus sombre, mais la crise sanitaire m’a fait prendre ce virage presque « solar punk ». Le Désert des couleurs est assez différent de mes autres romans, même s’il se rapprocherait un peu des Loups chantants pour le côté voyage dans de grands espaces silencieux. Par exemple, il est complètement opposé à Yardam : Le Désert des couleurs est le jour ; Yardam est la nuit. J’ai voulu briser le huis-clos et le confinement que l’on a vécu, les restrictions, les limites pour donner de l’air, de la lumière, des espaces magiques et très graphiques. Il y a de la couleur, bien entendu, mais pas seulement. Je veux vous réserver des surprises à travers l’exploration de lieux étonnants.
Après, la question du souvenir et de la mémoire en fait également un récit axé sur la psychologie des personnages, leur construction et leur déconstruction, comment leur passé infuse les adultes qu’ils sont devenus.
Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’intrigue ?
Aurélie Wellenstein : Le monde s’est changé en un vaste désert. L’humanité a presque disparu de la surface du monde, mais son passé subsiste dans les légendes, les récits… et dans le sable. En effet, le désert ronge l’environnement, mais également la mémoire des gens. Chaque petit grain est un souvenir oublié, un fragment de la vie d’avant…
Une poignée de survivants s’est retranchée dans un cratère. Face au danger du sable qui rampe le long du volcan, ils rêvent d'un retour en arrière lorsque les forêts, les lacs et les mers couvraient encore la terre, lorsqu’il existait encore des fleurs et des animaux.
Envoyés en exploration dans le désert pour trouver nouveau refuge, Kabalrai et Irae vont se confronter à la perte et à la réminiscence, leur passé qui se tord et se cabre.
Ils découvriront bien plus que des souvenirs.
Actusf : Kabalraï est fils du marchand de sable et va tenter de traverser l’étendue de sable pour s’installer ailleurs. Comment avez-vous construit votre héros ? Et sa demi-sœur, la secrète Irae ? Sont-ils deux facettes d’une même pièce ?
Aurélie Wellenstein : D’un côté, on a un enfant devenu adulte très rapidement, naïf et plein d’espoir. D’un autre, on a une jeune femme rebelle, taciturne et en colère. Même s’ils ont la même mère, ils sont très différents dans les faits et les apparences. Au fil de l’histoire, ils vont se découvrir et tenter de s’apprivoiser.
Irae est un personnage dur, lardé de blessures secrètes et bardée de son grand courage. Kabalraï est un personnage fantastique, fils d’un djinn du désert et pourtant, il est plein d’humanité, il est foncièrement bon et innocent. Même lorsque le désert le fait douter, son amour pour sa demi-sœur est lumineux, très pur. Il veut remplir sa mission pour l’humanité, mais il veut aussi l’aider elle, quand elle commence à s’étioler dans les épreuves.
Actusf : Dans ce nouveau roman, l’humanité est à nouveau au bord du gouffre. La perte de la mémoire est-elle les prémices d’un nouveau recommencement ?
Aurélie Wellenstein : Le Désert des couleurs aborde des sujets durs et douloureux, mais j’ai aussi voulu qu’un rai de lumière entre dans ce territoire envahi par les ombres. C’est un conte humaniste.
Actusf : On retrouve régulièrement des animaux dans vos romans. Pourquoi les animaux reviennent-ils souvent dans vos récits ? Les voyez-vous comme des guides ?
Aurélie Wellenstein : Pardon, mais je trouve la question un peu anthropocentrée et c’est justement un écueil que je veux éviter. Dans l’ensemble, on a trop tendance à envisager les questions environnementales à partir de notre point de vue d’humain, comme si le monde tournait autour de notre petite personne. On analyse ces questions en termes de durabilité et d’impact écologique, alors qu’à mon sens, on devrait réfléchir à la vie en soi des animaux et à leurs ressentis d’être sentients. Les œuvres de fiction, qui invitent le lecteur à se mettre à la place d’un autre, quel qu’il soit, peuvent proposer cette ouverture.
Actusf : Avez-vous eu des inspirations en particulier pour ce roman ?
Aurélie Wellenstein : J’ai lu des ouvrages d’explorateurs, des aventuriers qui ont la passion du désert, comme Philippe Frey par exemple, mais mon désir premier était surtout de créer un lieu fantastique, avec une patte graphique, comme si on s’immergeait dans un film d’animation tel que ceux de Miyazaki.
Actusf : La superbe couverture est signée Aurélien Police comme vos précédents ouvrages aux éditions Scrineo. Comment travaillez-vous avec lui ? Il a carte blanche ou a-t-il quelques consignes ?
Aurélie Wellenstein : J’ai la grande chance de travailler avec Aurélien Police depuis mon premier roman chez Scrineo, Le Roi des fauves. Aurélien Police a une liberté totale. Il lit les romans. Il ne va pas illustrer une scène précise, mais plutôt l’essence de l’histoire. Ces couvertures sont très subtiles. On peut même les interpréter d’une autre manière une fois le livre lu, c’est dire la puissance et la profondeur de son travail.
Actusf : Quels sont vos projets, vos envies pour la suite ?
Aurélie Wellenstein : Je reprends ce roman de dark fantasy que j’ai mis en pause. J’aimerais également écrire d’autres romans animalistes et antispécistes. Et je travaille toujours comme scénariste de bandes dessinées. La première, une aventure dans l’univers de Mers mortes, et illustrée par Olivier Boiscommun, devrait sortir d’ici la fin de l’année.
Actusf : Avec le déconfinement, avez-vous des dates de dédicaces ?
Aurélie Wellenstein : Les dédicaces reprendront à la rentrée, j’ai pas mal de dates de programmées, qui seront dévoilées par les organisateurs au fur et à mesure. J’espère qu’on va pouvoir tous se retrouver. On en a bien besoin.