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Le pays d'esprit

Jean-Pierre Fontana (Traducteur), Jean-Michel Nicollet (Illustrateur de couverture), Robert F. Young ( Auteur)
Langue d'origine : Anglais US
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 30/04/1982  -  livre
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Le pays d'esprit

Si de nombreux auteurs se sont résignés à écrire pour des raisons strictement financières au cours de leur carrière, on imagine facilement que ce ne fut pas le cas de Robert F. Young. Le simple fait qu'il ait principalement exercé l'honorable mais peu prestigieuse profession de concierge, tout en continuant à publier des dizaines de nouvelles, plaide a priori pour une personnalité modeste et des textes sincères. Durant près de trente-cinq ans, il publia ainsi cinq romans et pas moins de cent soixante-quinze nouvelles qui lui valurent, en plus de la fidélité d'une cohorte de fans, l'estime de quelques grands noms de la science-fiction. Le pays d'esprit constitue un éventail très représentatif du travail d'un auteur qui n'avait pas son égal lorsqu'il s'agissait de traiter de son thème de prédilection : l'amour.
 
La vie sentimentale des robots et autres romances
 
L'amour c'est ringard, prétendent certains mauvais coucheurs. Avec les récits de Robert F. Young, nous constaterons pourtant qu'un sentiment surexploité en littérature depuis une éternité peut redevenir diablement intéressant lorsque cette malédiction universelle est partagée par des engins artificiels. Les robots sont-ils capables d'éprouver les plus douces et cruelles des émotions ? En dépeignant les déboires amoureux de quelques machines, l'auteur tente de répondre à cette difficile question et parvient à redonner de l'intérêt à de vieux problèmes. Dans l'une des deux histoires qu'il leur consacre, il envisage même la possibilité d'une reproduction sexuée chez les androïdes. Seule une reprogrammation radicale pourrait en théorie régler cette délicate affaire, non seulement en ce qui concerne les créatures artificielles, mais peut-être aussi chez les humains, comme en témoigne l'éducation très particulière reçue dans La petite école rouge. Au lieu de la mièvrerie attendue dans ce type d'histoire, souvent à tort, l'amour prend ici des couleurs finalement assez subversives et ses incontrôlables débordements se révèlent potentiellement générateurs de chaos.
 
L'amour ? Une simple question de temps...
 
L'enquêteur psychique de la nouvelle qui donne son titre au recueil fera lui aussi l'expérience de ce désordre ontologique alors qu'il poursuit une criminelle qui s'est réfugiée dans les propres souvenirs du policier. Sans abandonner l'amour, l'auteur mêle souvent à ses autres nouvelles le thème du temps, confirmant l'intuition que temps et amour sont indissolublement liés. L'avenir y prend assez peu de place et dans ces textes, il est bien entendu principalement question du passé... Deux nouvelles sont ensuite consacrées aux aventures de membres d'une patrouille temporelle chargée de lutter contre les anachronismes. En dépit de quelques longueurs et d'intrigues qui ont certainement perdu un peu de la fraîcheur qu'elles possédaient probablement à l'époque de leur rédaction, Georges et la dragonmotive et Aux premiers âges contiennent de bonnes idées et l'humour contenu dans la première lui conserve un charme presque intact. Les années, une nouvelle à chute dans la grande tradition pulp, complète la série des explorations temporelles et se conclut sur un trait d'humour pour le moins grinçant...
 
 Si l'on souhaite aborder tous les aspects de l'amour, il était certainement difficile à un auteur américain du siècle dernier de faire l'impasse sur la foi et la religion. Robert F. Young parvient à réjouir croyants et athées, sans donner l'avantage à l'un des deux camps, avec de beaux récits, l'un à propos d'un Christ martien, qui évoque le meilleur de Ray Bradbury, et La main, qui se déroule sur un astéroïde sacré et détonne par la désespérance de sa vision. La délicatesse dont l'auteur fait preuve dans le traitement d'une nouvelle au parfum exo-écologique, L'ascension de l'arbre, rappelle une fois de plus Bradbury mais aussi Thomas Burnett Swann. La mythologie est également présente dans Le fleuve, qui constitue une illustration moderne du thème classique de l'amour par-delà la mort. Avec ce très bon recueil, Robert F. Young nous démontre que l'amour est un sujet qui semble devoir rester éternellement fascinant. Seuls quelques ringards iront prétendre le contraire...

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