Premier roman publié de François Darnaudet en 1985, , polar coloré, ressort vingt-trois ans plus tard accompagné de sa suite, laissée pour compte, et qui est une sorte de fantastique grotesque à la Edgar Allan Poe, pour reprendre les termes de l’auteur.
Psycho killer, qu'est-ce que c'est ?
Le parcours d’un serial-killer parisien, qui œuvre sur les bases de la taxidermie, va croiser la route d’un flic qui sera prêt à tout pour assouvir sa soif de vengeance. Avec cela, un groupe obscur d’intellectuels névrosés hante les pages et les bibliothèques pour des réunions secrètes et prendre part – eux-aussi – à l’intrigue.
Bien avant le retour en fanfare des littératures de gare, indirectement remises au goût du jour par divagations filmiques de Tarantino , Darnaudet en faisait déjà son éloge. Éloge aussi du cinéma d'ailleurs (Hitchcock, Clouzot, Godard, mais aussi séries télévisées …) où l’intitulé de chaque chapitre est une référence. À travers les événements, les péripéties scabreuses et l’intrigue accrocheuse qui fait le potentiel des littératures de gare, Darnaudet avec intelligence, maîtrise et beauté trouve la poésie derrière le vulgaire.
Néo-Polar
Écrit en collaboration avec Thierry Daurel, le splendide polar qu’est Le Taxidermiste n’a pas pris une ride. La culture des auteurs déborde et est réutilisée à bon escient, puisée dans tous les arts possibles : musique, peinture, cinéma, architecture, littérature. Au niveau de la structure du roman nous avons là un exemple de maîtrise. Chaque chapitre est une pièce différente avec son atmosphère particulière, son personnage, sa narration, son point de vue, qui, dans la continuité, s’enchaîne au précédent avec le lien le plus subtil, offrant une fois achevé une mosaïque cohérente, colorée et pertinente : le nouveau paysage du polar.
Tous les genre se rencontrent (burlesque et tragique, polar de gare et belles lettres) jusqu’à l’ultime phrase qui ouvre sur une pointe de fantastique. Dans un grand patchwork toutes les références se percutent, se mélangent, pour une cuisine raffinée. Le Taxidermiste est un exemple aussi d’ingéniosité et de créativité. Rien n’est de trop. Chaque idée, chaque ligne est savoureuse. En peu de pages nous sommes transportés dans cet univers d’une vision à part. Les phrases ont la saveur de paragraphes. La scène d’ouverture se relit inlassablement : une ligne, un paragraphe, et la descente infernale en vision subjective, placide donc dérangeante, d’un meurtrier en devenir.
Le Club des Ouf', la suite est toutefois, moins élégante. Ou toute différente. Un autre pari, une autre envie. Mis à part le plaisir de savoir ce qu’il devient de ces fous, c’est malheureusement sur eux que l’historie se centre. Là où les références de goûts conféraient un charme évidemment à l’œuvre, nous rappelant l'humanisme profond et rare d’un Frédéric H. Fajardie, ici c’est une avalanche qui ne garde pas la ligne de basse de l’œuvre précédente. Cette ingénieuse manière de faire créée dans l'opus précédent devient alors un outil à l’âme éventée. Les amplis crachotent. Bien sûr cela correspond à l’ambiance complètement sens dessus dessous des cinq fous qui finiront six. Ça part dans tous les sens et c’est alors la folie qui est seule perception normale du roman, pour reprendre les termes de l’auteur dans son interview du 2 juillet sur rayonpolar.com.
Malheureusement, il ne parvient pas à coucher sur le papier l’authentique malaise de la psychose devenue la norme comme il l'a si bien fait dans le Taxidermiste. On vit la folie du héros, virevoltant au-dessus de son abîme personnel. Le lecteur atteindra le paroxysme de ce vertige lors d'une scène horrible où le tueur forcera sa victime à avaler de la ferraille pour mieux le rechercher avec son détecteur de métal. Néanmoins ici l'écoeurement ressenti se couple d'un charme à l'esthétisme obsédant. C'est cette rigueur draconienne de savoir rester à la frontière qui manque au Retour du Taxidermiste à mon goût.
Conservation du patrimoine
Darnaudet est un expérimentateur. Là où Le Retour du Taxidermiste est curieusement daté, Le Taxidermiste est, lui, à l’épreuve des balles. Une œuvre essentielle et unique dans le monde du polar français, qui après un premier tirage modeste, mais un vraisuccès critique, méritait une redécouverte qui lui permettra peut-être de revendiquer sa place dans la vague de renouveau qu’à connu le polar français.
La chronique de 16h16 !