Né en 1951, Bernard Simonay s’était fait connaître à la fin des années 1980 par la trilogie Phénix (1986-1990) qui lui avait valu les prix Julia Verlanger 1987 et Cosmos 2000. Plus de vingt ans plus tard et après une trentaine de romans, nous retrouvons l’écrivain français avec la réédition du Secret Interdit, originellement publié en 2001. Ce livre s’inscrit indirectement dans son cycle Les enfants de l’Atlantide, une série inspirée de la mythologie qui comporte actuellement quatre tomes (1994-2003). Loin d’écrire seulement de la science-fiction, Simonay se consacre également au roman d’aventure, historique et policier. Comme chez Pierre Bordage, la dénonciation des abus religieux, la mise en valeur de la spiritualité et surtout une pensée humaniste occupent une place primordiale dans l’œuvre de l’écrivain  –  qui a également à cœur l’écologie, un thème plus particulièrement présent dans ses romans La Terre des Morts (2003), dernier tome des Enfants de l’Atlantide, ou La Prophétie des glaces (2009). 

 

 

Au cours d’un violent ouragan, l’écrivain Kevin Kramer est le témoin d’un phénomène paranormal. Poussé à enquêter à ce sujet, il se retrouve rapidement sur les traces d’un complot international dont les enjeux le dépassent complètement. Qui sont réellement les Falcon, ce couple de milliardaires que le gouvernement semble traquer ? Quelle est cette mystérieuse et menaçante Sainte Vehme, dont il lui est dit de se méfier ? Avec l’aide de la jeune Alexandra, talentueuse étudiante française, Kevin s’emploie à résoudre ce qui devient de façon inattendue une quête historique et surtout personnelle : un jeu de piste les entraînera alors aux quatre coins du monde pour les conduire jusqu’au bout d’eux-mêmes… et remettre en cause tout ce qu’ils croyaient savoir. 

 

 

Passionné d’Histoire, de mythologie et de légendes, Simonay concocte dans Le Secret interdit un scénario ambitieux qui parvient à tisser ces multiples inspirations entre elles. Son usage astucieux des petites et grandes énigmes historiques – les Templiers se seraient-ils rendus aux Amériques ? Saint Brendan aurait-il débarqué aux Antilles durant ses voyages maritimes au VI^e siècle? Comment l’amiral turc Piri Re’is a pu établir en 1513 une carte du monde aussi précise ? –, réunies dans une trame complexe qui se veut épique, témoigne d’une bonne maîtrise de ces divers sujets tout comme de l’inventivité de son écriture. Inévitablement, l’intrigue est dense, mais reste facile à suivre. Le lecteur suit d’une part une enquête ésotérique qui nous fait sillonner le monde entier aux côtés des protagonistes ; de l’autre,  nous remontons le fil du temps à travers une série de chapitres consacrés aux vies antérieures des héros. Le tout nous fait remonter jusqu’aux origines de l’Histoire dans une aventure sans temps mort : le dépaysement à la lecture est garanti.

 

Malheureusement, le roman souffre de quelques faiblesses et d’une écriture  qui manque de subtilité : les personnages principaux, dépourvus de personnalité, partagent une romance sans substance et peinent à être les acteurs de leur histoire. Les thèmes abordés dans l’ouvrage n’apportent rien de nouveau à ce que Simonay avait déjà exploré dans le reste de son œuvre : la réincarnation et la transcendance de l’amour, notamment, étaient déjà au cœur de l’intrigue de Phénix. La conclusion, avec un long chapitre de révélations qui nous redirige vers la saga des Enfants de l’Atlantide, prend un peu au dépourvu le lecteur non initié et le laisse sur sa faim. Enfin, on ne peut reprocher à Simonay les idéaux défendus tout au long du récit : en revanche, il est regrettable que ces messages soient sans cesse assénés sur le mode de la morale plutôt que sur celui de la réflexion.

 

Premier roman de l’écrivain, Phénix, malgré ses défauts, avait révélé une imagination riche et un univers éblouissant qui alliait avec originalité science-fiction et fantasy épique. Il est vrai que Le Secret interdit joue sur un registre différent : mais à côté de la trilogie, ce roman se révèle plutôt décevant, et surtout sans surprises. Quoique inventif, il ne va pas au bout du potentiel qu’il semble pourtant receler. Il faut donc peut-être l’éclairage du cycle des Enfants de l’Atlantide pour bénéficier d’une meilleure vue d’ensemble et pouvoir apprécier à sa juste valeur l’apport de ce spin-off, bien que l’on puisse normalement le lire de façon indépendante. Simonay donne probablement mieux la pleine mesure à son inventivité dans le reste de la saga et le lecteur avide de retrouver le souffle mythique de Phénix y trouvera sans doute plus de satisfaction qu’ici.