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Le Voyage des Âmes cabossées - Les secrets d'écriture de Raphaël Bardas
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Le Voyage des Âmes cabossées - Les secrets d'écriture de Raphaël Bardas

A l'occasion de la sortie du Voyage des Âmes cabossées, Raphaël Bardas revient sur l'écriture de ce roman paru aux éditions Mnémos.

Raphaël Bardas sera en rencontre/dédicace ce 3 septembre de 18h à 20h à la librairie du Hérisson à Montargis.

Actusf : Pas de repos pour les braves ! Les Chevaliers du Tintamarre sont de retour aux éditions Mnémos avec Le Voyage des Âmes cabossées. Est-ce une suite directe à votre premier roman ?

Raphaël Bardas : Ce livre n’est pas une suite en fait. Il se situe dans le même univers, certains personnages sont de retour, mais il s’est écoulé trois ans, des choses ont changé dans leurs vie entre temps, le Hurlement de veuves s’est tu et eux sont passés à autre chose. Bien entendu, le temps ayant passé, la vie à Morguepierre a un peu évolué et les personnages que nous allons y retrouver ont vécu des choses entre temps, mais il s’agit vraiment d’un nouveau départ.

Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur son intrigue ?

Raphaël Bardas : Elle commence à Morguepierre, par des évènements qui vont conduire les gars du Tintamarre, légèrement brouillés, à enquêter sur des faits étranges : cadavres de sel emportés par les vents, mystérieux tueur tirant des clous de charpente avec son arquebuse… mais c’est avant tout un voyage. Les phénomènes qui frappent Morguepierre au début du roman cachent une toute autre vérité, et il faudra aller la chercher très loin, vraiment très loin.

Actusf : Amitiés, amours, désillusions… Les liens qui unissent votre trio ne sont pas toujours au beau fixe depuis l’affaire des marie-morganes, pourtant lorsque le danger se met à rôder à Morguepierre, ils n’hésitent pas longtemps avant de se décider à l’affronter. Comment les avez-vous créés ? Ont-ils mûri depuis leurs précédentes aventures ?

Raphaël Bardas : Silas, Rossignol et la Morue sont de vieux personnages pour moi. Enfin, surtout Rossignol et la Morue qui sont des personnages que j’ai d’abord expérimentés en jeu de rôle, puis laissé de côté pendant des années. Tous deux sont assez extrêmes, alors quand je les ai mis sur le papier pour la première fois, il m’a fallu un personnage plus équilibré, plus « dans les codes », au moins au début, pour que le groupe puisse fonctionner. Chemin faisant, « la machine à tout salir » qui me sert d’inspiration a mis quelques taches sur Silas aussi, pour ne pas en faire un simple héros de cape et d’épée. Le point de départ de Silas, ce sont les personnages comme D’Artagnan, Henri de Lagardère ou encore Fanfan la Tulipe, mais cela ne me suffisait pas, il fallait rajouter des auréoles sous les bras, du gras sur le tablier et enlever quelques dents dans la bouche. Les trois ont plus ou moins été imaginés comme ça. Je mets des choses qui ne vont pas forcément ensemble, je fais en sorte qu’ils aient des métiers qui soulignent la tonalité de l’univers et qui raconte le monde dans lequel ils évoluent. C’est une des raisons pour lesquelles ils sont tous issus de la classe ouvrière. Même si cela évolue d’une certaine façon entre les deux livres.

Actusf : Vous sentez-vous plus proche de l’un deux ? Pourquoi ?

Raphaël Bardas : J’aime bien dire que je suis un peu les trois, tour à tour.
Comme Silas je suis un éternel débutant, enthousiaste, amoureux, un peu bagarreur, parfois trop impulsif et qui a tendance à prendre le taureau par les cornes, au risque de s’égarer. Comme Rossignol je sais être un amuseur, une grande gueule, un philosophe un peu épais, et qui va parfois préférer dire une connerie juste pour voir comment ça dérape, plutôt que la chose intelligente qu’on aurait attendu… Et comme la Morue ben, je suis très étourdi, rêveur, dur à cuir, et j’aime bien une bonne bagarre si elle a lieu dans les règles de l’art.
Bref, un peu des trois, mais avec des idées plus progressistes que les-leurs hein, parce que même si la vie et le voyage leur font reconsidérer un peu leurs certitudes, les Chevaliers du Tintamarre sont tout de même des dinosaures en matière de pensée.

Actusf : Plus de marie-morganes mais un bateau « maudit » dans cette nouvelle intrigue. Avez-vous eu des sources d’inspiration en particulier, littéraire ou/et cinématographique ? Je pense notamment à des légendes ou encore au Hollandais Volant.

Raphaël Bardas : En fait, je ne pars pas de l’idée d’un bateau, mais plutôt d’une représentation des enfers, du cycle de la vie et de l’Histoire, de l’enfantement et de la mise à mort. Cela ne devient un navire que bien plus tard dans mon processus… mais c’est vieux tout ça. Le Navire des Âmes cabossées était présent dans ma mythologie dès les premiers jets des Chevaliers du Tintamarre, il y a plus de dix ans désormais.
Cette fois je l’ai mis au centre de l’histoire, mais je voulais justement éviter que l’on pense trop au Hollandais volant ou au Blackpearl, ou encore aux vaisseaux vivants de Robin Hobb. Je pense qu’on n’y échappera pas totalement, mais disons que sur le plan purement métaphorique et symbolique, ça raconte autre chose.

Actusf : Vous aimez beaucoup la musique et l’Espagne. Est-ce que cela influe sur votre écriture ?

Raphaël Bardas : Énormément, et énormément. J’ai toujours écouté beaucoup de musique, mais je n’avais jamais touché un instrument avant le printemps 2020. C’est quand j’ai commencé à relire Le Voyage des Âmes cabossées que j’ai éprouvé le besoin quasi boulimique de jouer de la guitare. C’était comme un besoin d’authenticité, même si, comme vous le verrez, c’est un sujet finalement très peu présent dans le livre. J’en avais envie depuis très longtemps de toute façon, mais j’avais peur que ce soit trop chronophage et que cela m’éloigne de l’écriture. Mais voilà, juin 2020, j’étais en voiture avec ma compagne, l’impulsive et fabuleuse Roxane, et lui ai fait part de cette impression de manque dans ma vie. Elle a pris la première sortie et trouvé un magasin de musique. Vingt minutes plus tard j’avais une guitare d’apprentissage entre le mains. Depuis j’apprends la musique flamenca, et d’autres genres mais plutôt latino-américains. Une partie de mes droits d’auteurs sur les Chevaliers du Tintamarre m’a d’ailleurs permis d’acheter quelques mois plus tard une guitare plus adaptée à ma nouvelle passion.

Quant à l’Espagne, et bien… ce sont mes racines familiales. Une partie de ma famille vient de la Castille, mon père est né à Valladolid. Une autre vient de Catalogne. Mon arrière grand-père, le premier Raphael Bardas (avec « ph » et sans trémas, mon père lui s’appelle Rafael avec un F), était chef de la police de Barcelone et opposant au régime franquiste. Il a été prévenu un soir qu’une rafle les viserait, lui et sa femme, le lendemain matin. Ils ont fuit l’Espagne pendant la nuit. C’est comme ça qu’un première partie de ma famille est arrivée en France… il y a eu des péripéties puisque mon père lui est né en Castille quelques années plus tard. Enfin, tout ça c’est le storytelling familial, je ne sais pas exactement ce qui est vrai dans l’histoire de l’arrière grand-père. Une version dit qu’il est ensuite devenu décorateur aux Folies Bergères. Il nous reste des lettres d’une correspondance entre lui et Maurice Chevalier, Josephine Baker, alors tout ne doit pas être faux… un jour je ferai des recherches, ça m’a l’air très romanesque tout ça !
Et donc oui, l’Espagne est mon berceau, mais plutôt l’Espagne intérieure, celle des châteaux, de la poussière et du pata negra que celle des discothèques et du littoral bétonné qui attire tant les touristes.

Actusf : Après le spadassinge, place au furetoeuvre ou encore la scalamandre ! Pourquoi créer de nouveaux mots ? Pour s’amuser avec la langue ou pour autre chose ?

Raphaël Bardas : Il y a aussi les humbléciles et les dragondingres ! (rires)
Je ne sais pas trop en fait. J’aime assembler les mots pour créer de la polysémie. Ça m’aide à faire passer des idées sans faire dix phrases. Mais bon, comme après j’aime bien les expliquer, ça fait dix phrases quand-même. Sur le plan intradiégétique, quand les personnages eux-mêmes se mettent à un inventer des mots, à l’emporte-pièce, c’est plutôt parce que eux-mêmes n’ont pas l’appareil linguistique adapté. Je n’irai pas jusqu’à comparer Rossignol à Aya Nakamura, mais je pense que c’est parfois un peu le même chemin cognitif. Il sait qu’un mot existe, mais comme il ne le connais pas il va chercher des mots à assembler dans le langage courant et l’argot de Morguepierre.

Pour tout dire, je ne suis pas très fier de furetoeuvre, mais j’aime beaucoup dragondringre, qui convoque à la fois le dragon, le cochon d’Inde et le violon d’Ingres !

Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Peut-on espérer une suite aux aventures de ces chevaliers hors-normes ?

Raphaël Bardas : En ce moment je travaille en parallèle sur deux romans qui parlent beaucoup de l’Espagne. Enfin, j’en ai un qui est coincé depuis quelques mois, Le Carnaval des chiens, une sorte de thriller fantastique, je crois que je vais devoir le réécrire complètement.
J’avance mieux sur l’autre : Duende Oscuro, qui est plus teinté horreur et fantasy urbaine. Il repose sur les légendes gitanes et est assez trash. Je pense le boucler cet hiver. Il avance plutôt bien en tout cas.

Je suis aussi en lutte intérieure pour ne pas céder aux appels du jeu de rôle Chevaliers du Tintamarre. J’ai plein d’idées, plein d’envies, tout ce qu’il faut pour en faire un putain de terrain de jeu, mais je ne suis pas encore prêt à livrer mon univers aux mains d’autres créateurs, alors je lutte contre mon naturel. (mais bon… on sait tous comment ça va finir - rires).

Je pense que, quoi qu’il en soit, j’écrirai un troisième roman avant de prendre la décision d’en faire un jeu. Je suis déjà dans les starting blocks pour celui-ci de toutes façon…

Plusieurs choses sur le feu encore : Macadam Fairies mon jeu de rôle de fantasy contemporaine, chez Deadcrows. Il a pris pas mal de retard mais ça vient, ça vient.
Et je suis en discussion avec les éditions Passages, qui éditent généralement des essais universitaires et du théâtre, mais qui souhaitent lancer une petite collection de SF. Il se pourrait que j’en devienne le directeur de collection. On pense notamment à une approche ethnologique et ça pourrait bien s’appeler Nouveaux Totem. Enfin, il est beaucoup trop tôt pour vous révéler tout ça.

Actusf : Où peut-on vous rencontrer dans les mois à venir ?

Raphaël Bardas : Chez moi dans le Loiret, en dédicaces, en MJC pour des ateliers d’écriture, et au gymnase en train de gueuler sur mes boxeurs ! Sinon, aux Imaginales, enfin !

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