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Les Clichés de l’histoire présentés par Noémie Budin
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Les Clichés de l’histoire présentés par Noémie Budin

Noémie Budin, docteure en langue, littérature et civilisation françaises, chercheuse associée au laboratoire LIS, Université de Lorraine. Membre du CERLI (Centre d’Études et de Recherche sur les Littératures de l’Imaginaire), spécialiste de l’imaginaire et de la littérature jeunesse, et plus spécifiquement de l’imaginaire féerique.

Elle répond à nos questions concernant Les Clichés de l’histoire, les actes du colloque du festival Fest’Ain d’Histoire qu’elle a dirigés et qui seront publiés par l’association Didaskalie, en cours de financement sur Ulule jusqu'au 10 avril 2020.

Actusf : Avant d’aborder les Actes du colloque, pouvez-vous nous présenter le festival Fest’Ain d’histoire, s’il vous plaît ?

Noémie Budin : Fest’Ain d’Histoire est un festival historique multi-époque, c’est-à-dire qu’il a pour vocation de raconter et mettre en scène l’Histoire en présentant parallèlement plusieurs périodes historiques. Contrairement aux fêtes médiévales, par exemple, l’idée est de montrer l’évolution des modes de vie des populations à travers une sorte de frise chronologique vivante. Pour ce faire, nous avons invité des compagnies de reconstitution historique du Paléolithique à la Seconde Guerre mondiale en passant par l’Antiquité, le Moyen Age et la Renaissance, afin que des personnages de ces différentes époques puissent présenter au public leurs caractéristiques et particularités. Comme nous voulions que ce festival propose une vision de l’Histoire à travers différents points de vue, nous avons également invité des figurinistes et wargamers, des artisans, des chercheurs et des Youtubers. Tous ont ainsi pu parler de leurs sujets de prédilection en lien avec l’Histoire. Enfin, nous avons aussi tenu à inscrire ce projet dans le département de l’Ain et nous avons privilégié les contacts et les partenariats locaux pour son organisation.

Actusf : Le colloque était-il prévu dès le départ ?

Noémie Budin : Oui, dès le départ nous avons souhaité organiser le colloque. Plusieurs raisons ont motivé ce souhait. D’abord, en tant que chercheuse, c’est un mode de communication que je connais bien et auquel je tiens. Mais je trouve dommage que la plupart du temps les chercheurs restreignent leur parole à des lieux tels que les bibliothèques et les universités. Pour moi, le savoir doit être plus largement diffusé et vulgarisé. Un festival est le lieu idéal pour ce type d’exercice car le public y est varié, on y croise des personnes qui possèdent d’importantes connaissances historiques et un public profane mais très curieux, dont les familles avec enfants.
Ensuite, nous avons pensé aux reconstituteurs : ces derniers effectuent leurs recherches pour la mise en place de leurs camps et la création de leurs personnages en lisant les ouvrages des chercheurs. Quant à ces derniers, leurs théories sont parfois remises en question grâce aux reconstituteurs qui, en mettant en scène l’histoire, se rendent compte que certaines choses sont par exemple impossibles. Nous avons pensé qu’il serait très intéressant de permettre à ces deux groupes de se rencontrer et d’échanger le temps d’un weekend.
Enfin, nous voulions créer à travers Fest’Ain d’Histoire un événement original. Il existe en effet plusieurs festivals historiques dans la région, tels que des fêtes médiévales, des festivals mettant en avant l’Antiquité, des célébrations pour les guerres mondiales, etc. L’idée du festival multi-époque était déjà originale mais pas totalement inédite. Lui rajouter une dimension scientifique lui a donc permis de gagner une forme de sérieux auprès des potentiels sponsors, tout en en faisant un évènement singulier grâce à un concept novateur.

Actusf : Comment a été arrêté le choix de la thématique : « Les Clichés dans l’histoire » ?

Noémie Budin : L’idée de cette thématique nous est venue très simplement. En tant que reconstituteurs médiévaux, nous avons l’habitude de combattre les clichés, notamment issus du cinéma ou de la littérature, au cours des fêtes auxquelles nous participons. Si nous devons par exemple régulièrement expliquer que non, au Moyen Age on ne prend pas seulement un bain une fois par an, nous avons pensé que le même type de stéréotype devait exister pour les autres périodes historiques et qu’il serait intéressant de les évoquer. Il s’agit également d’un thème large qui peut intéresser tout le monde et qui peut aussi permettre d’aborder l’Histoire avec humour. Cela nous semblait donc une excellente thématique pour cette première édition du festival.

Actusf : Le colloque fait intervenir des universitaire et enseignants mais aussi des vidéastes de chaînes YouTube spécialisées, comme Sur le champ ou Confessions d’histoire. C’est assez inédit, non ? Vous avez voulu réunir des vulgarisateurs et des vulgarisatrices au sens large du terme ?

Noémie Budin : C’est exactement cela. Si les universitaires et enseignants ont un statut reconnu d’un point de vue scientifique, ils ne sont pas spécialement réputés pour être de bons vulgarisateurs. Au contraire, les Youtubers ont le vent en poupe depuis quelques années et un public de plus en plus important s’intéresse à l’Histoire à travers leurs chaînes sur Internet, même si leur démarche n’est pas toujours aussi approfondie que celle d’un scientifique. Là encore, il nous a semblé pertinent de croiser les points de vue et les manières de travailler. Chacun touche un public différent, mais une collaboration entre les deux peut se montrer très intéressante. Et ce fut le cas lors de Fest’Ain d’Histoire puisque chercheurs et youtubers ont échangé des discussions des plus passionnantes, se donnant mutuellement des idées et des questions à creuser. Cette dynamique est également très intéressante pour le public qui peut échanger de vive voix avec eux et participer lui aussi aux réflexions ainsi suscitées.

Actusf : Comment est né le projet de publication des actes de ce colloque ?

Noémie Budin : Publier des actes de colloque est quelque chose de très fréquent dans le milieu scientifique parce qu’il est toujours intéressant de garder une trace des réflexions suscitées par un questionnement. C’est aussi un moyen pour ceux qui n’ont pas pu assister aux conférences de s’intéresser aux thématiques abordées ou pour le public qui s’est déplacé d’approfondir les débats.
En ce qui concerne le colloque de Fest’Ain d’Histoire, nous avions abordé cette question dès le départ, mais nous ne savions pas comment cela se ferait dans la mesure où nous ne sommes en collaboration avec aucun laboratoire universitaire pouvant financer un tel projet. Nous avions donc laissé la question en suspens, le temps de nous décider quel serait le format de ces actes (articles sur internet, publication papier, etc.) et les financements possibles pour mettre en place la publication. C’est alors que nous avons rencontré des membres de l’association Didaskalie qui se sont montrés intéressés par un tel projet et dont les valeurs de vulgarisation et de diffusion des savoirs coïncident parfaitement avec les objectifs du festival. Nous avons donc décidé d’entrer en partenariat avec eux pour la réalisation de ce beau projet.

Actusf : Était-il prévu dès le départ que les interventions donneraient lieu à une communication papier ? Ou a-t-il fallu rédiger des articles spécifiquement pour la publication des Clichés de l’histoire ?

Noémie Budin : Si l’idée d’une potentielle publication avait été abordée avec les participants du colloque, celle-ci n’était pas certaine pour que les articles puissent être préparés en amont. Par ailleurs, on ne rédige pas de la même façon un article visant à être publié dans des actes de colloque et le discours pour ce dernier dans la mesure où il s’agit de deux situations de communication très différentes.
D’abord, le public n’est pas le même : une personne qui vient assister à une conférence ne va pas nécessairement acheter un ouvrage de vulgarisation historique et vice versa. À l’écrit, on peut ajouter des notes de bas de page avec des définitions, des dates, une bibliographie, et toutes sortes de données et de précisions qui devront être présentées autrement à l’oral. Lors d’une conférence, on peut aussi être amené à répondre à des questions posées en direct, on peut montrer des objets et des images, faire écouter des musiques, par exemple. Mais surtout, à l’oral il y a une grande part d’improvisation : contrairement à un texte écrit figé, une conférence va s’adapter au public et au contexte de la communication : s’il voit qu’il y a beaucoup d’enfants en face de lui, le communicant va par exemple employer un vocabulaire et des images qui vont davantage leur parler, il peut aussi ajouter plus facilement de l’humour à son discours qu’à l’écrit…
En bref, un article et une communication sont deux formes de vulgarisation très distinctes et elles se complètent énormément. C’est pourquoi les textes des actes du colloque sont très différents des discours prononcés lors du colloque lui-même.

Actusf : En 2018 avait eu lieu le premier colloque des Imaginales d’Épinal, sur le thème fantasy et histoire, sur lequel vous êtes intervenue. Un colloque international intitulé Jeu de rôle et transmission littéraire s’est tenu à l'Université de Lausanne. En 2020 il y aura une nouvelle éditions du colloque des Imaginales sur le thème "Game of Thrones, nouveau modèle pour la fantasy ? " et un autre pendant Fest’Ain d’histoire…
Les colloques s’ouvrent de plus aux genres et à la pop culture en général. Pourquoi ?

Noémie Budin : Effectivement, on peut constater depuis quelques années une ouverture de la recherche à la pop culture. Le Centre d’Études et de Recherche sur les Littératures de l’Imaginaire (CERLI) rassemble d’ailleurs de nombreux chercheurs qui travaillent sur ces thématiques. Pourquoi ? Cela est probablement dû à l’influence anglo-saxonne : si la recherche universitaire française a longtemps boudé la pop culture, considérée comme un sujet de recherche non sérieux, ce n’est pas le cas des chercheurs anglo-saxons et notamment américains qui s’intéressent depuis longtemps à ces thématiques qui touchent un large public.
Cela est également lié au rapport que nous avons avec notre époque contemporaine : il ne s’agit plus aujourd’hui de n’étudier que des œuvres passées qui n’intéressent plus qu’une élite mais de se questionner sur ce qui fait notre époque actuelle, c’est-à-dire les centres d’intérêt de la population dans sa plus large acception en ce moment-même, sans hiérarchiser la culture en une culture élitiste sérieuse et digne d’intérêt, et une sous-culture (on parle parfois de subculture) qui serait celle du peuple, méprisée par les personnes plus cultivées…
En somme, l’objectif de ces différents colloques et manifestations comme Fest’Ain d’Histoire, c’est de porter une réflexion sur le monde actuel à travers son imaginaire, qu’il s’agisse de la façon dont il met en scène l’Histoire ou de la manière dont il se raconte des histoires… et aussi, il s’agit de casser les barrières qui séparent les universitaires du public profane en questionnant leurs intérêts communs.

Actusf : Une nouvelle édition du festival Fest’Ain d’histoire se tiendra du 10 au 11 octobre 2020. Vous pouvez nous en toucher un mot et nous présenter l’appel à communications en cours pour son colloque : Un temps pour l’Histoire ?

Noémie Budin : Les 10 et 11 octobre 2020 aura lieu la deuxième édition de Fest’Ain d’Histoire que nous souhaitons organiser tous les deux ans. Comme lors de la première édition, seront invités des passionnés d’Histoire de tous genres : reconstituteurs d’époques diverses, figurinistes, artistes, artisans, conférenciers, etc. Il y aura de nouvelles animations et des participants toujours aussi motivés pour mettre en scène l’Histoire et partager leur passion avec le public.
Un nouveau colloque est également organisé, en lien avec le projet ANR AIÔN (ANR-19-CE27-0008), il s’agit d’un projet de recherche national qui s’intéresse aux loisirs alternatifs, c’est-à-dire les loisirs issus de la pop culture comme la pratique du Quidditch, la reconstitution historique, le jeu de rôles, etc.
La thématique du colloque reposera sur la question du temps : nous chercherons à savoir comment le temps est mis en scène dans notre quotidien à travers les fictions, la scénographie des musées, les reconstitutions historiques…Cela nous permettra d’aborder la manière dont on interprète l’Histoire et les perceptions fausses qui peuvent par exemple découler d’une mauvaise lecture de sources archéologiques. Cela promet de nouvelles discussions des plus passionnantes !

Vous pouvez commander Les Clichés de l’histoire par ici .

L’appel à communication complet pour le colloque Fest’Ain d’Histoire 2020.

Et vous pouvez réécouter la conférence de Noémie Budin « Les Fées historiques, entre Histoire et fiction » pendant le Colloque l'édition 2018 des Imaginales.

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