J’ai découvert avec beaucoup d’intérêt le premier tome d’un diptyque intitulé « Le Sang d’encre » (Editions du Rouergue) d’une jeune autrice, Nena Labussière, dont c’est le premier roman. Et rarement roman porta mieux son titre ! En effet la cité de Kaalun est ravagée par une maladie redoutable, qui frappe au hasard aussi bien pauvres que riches (même le prince héritier des Terres-Mêlées est atteint) : du roi au dernier de ses sujets, tous se font, selon l’expression consacrée, un sang d’encre quant à l’extension de ce mal qui, justement, présente comme symptôme la transformation du sang en un sang bleu, littéralement un sang d’encre donc, qui s’écoule des crevasses, fissures et écailles qui petit à petit recouvre le corp et s’ouvrent douloureusement au moindre mouvement. Pour soigner son fils aîné le roi va faire appel à Olga, une jeune fille mutique et solitaire, aux origines inconnues car trouvée bébé, qui a un don hors pair pour guérir les pauvres qui l’entourent. Son intégration dans le personnel du château des Chimères et sa création d’un dispensaire, les liens qui vont s’établir entre elle et son royal patient, vont bouleverser les fragiles équilibres politiques, les tensions interpersonnelles et les complots internes divers.
En effet, nous sommes dans un monde où des dons magiques font parfois surface chez des individus, où les fées et leurs descendants ont disparu mais leur mémoire reste vivace, où les haines entre familles rivales sont plus que vives et où les luttes souterraines pour recouvrer le pouvoir perdu le sont tout autant. Nena Labussière excelle dans la peinture des personnages - que ce soit Olga, le Sénéchal et sa femme, la redoutable soldate qu’est Petra, soeur du roi, Devlin le fils cadet de celui-ci, ou le légat Timoteus Lettfeti, entre autres – à la psychologie souvent tourmentée et dont nous suivons l’évolution au cours du roman. L’intrigue est prenante à souhait, et l’insertion, à intervalles plus ou moins réguliers, des cantos de « La légende des fatas et des petites fays », est un excellent artifice d’écriture qui nous permet de mieux comprendre la politique complexe et l’action en cours en établissant nous-mêmes les connections. De plus nous ressentons une forte sympathie pour Olga et son assistant Follet, qui vont apprendre à ne plus se reposer que sur eux-mêmes mais à faire confiance à d’autres – un message qui me semble être répété souvent dans les romans en ces temps d’individualisme et d’égoïsme forcenés – et découvrir que les apparences sont souvent trompeuses.
Il m’a été difficile de reposer le roman une fois commencé, d’autant plus que la structure du roman, de courts chapitres mettant en scène chacun un personnage, rend sa lecture totalement addictive. Une autrice et un roman à découvrir !