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Les Enfants de Mathusalem

Sparth (Illustrateur de couverture), Frank Straschitz (Traducteur), Robert Anson Heinlein ( Auteur)
Cycle/Série : 
Langue d'origine : Anglais US
Aux éditions : 
Date de parution : 31/03/2005  -  livre
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Les Enfants de Mathusalem

Bien trop brillant pour s'embourber dans une série sclérosante, Robert Heinlein décide de mettre un point final à son Histoire du Futur en 1963. Un point final obligatoirement en forme de point de suspension.

Pour cette réédition augmentée, Folio a fait le choix de rassembler en un seul volume les deux derniers tomes. C'est un choix pertinent, puisqu'il s'agit en fait de deux longues novellae. Notre porte-monnaie leur en rend grâce.

Si ses tentatives de se hasarder sur la longueur avaient jusqu'à présent été frustrantes, Heinlein s'impose cette fois avec la même évidence que sur des formats plus courts. Les Enfants de Mathsalem, qui à dire vrai tient plus du roman que de la nouvelle, convaint sans l'ombre d'une réserve.

Les membres des Familles Howard vivent vieux. Très vieux. Entre cent cinquante et deux cent cinquante ans. Il n'y a derrière cette exceptionnelle longévité qu'une habile sélection naturelle discrètement encouragée par la Fondation Howard. Après près de trois cents ans d'anonymat, et de "mascarade", il leur a semblé que le moment était venu de se révéler aux yeux du Monde. A ces "éphémères" du XXIIème siècle dont ils partagent l'existence depuis si longtemps. Un groupe test d'une dizaine de milliers d'individus s'est porté volontaire pour dévoiler sa vraie nature. Mais hélas, à l'heure du bilan, un triste constat s'impose. Malgré leur haut degré de civilisation et malgré le Pacte, instauré à la chute des Prophètes, l'Homme n'était pas prêt. Pire. Il se redécouvre prêt à tout pour arracher aux Familles ce secret. Car nécessairement, secret il y a. Il ne reste plus qu'une seule échappatoire aux Familles : quitter la Terre, et même le système solaire.

L'apparente simplicité de l'intrigue n'empêche pas Heinlein d'en exploiter à merveille toutes les facettes. L'évidence même de l'idée lui permet justement d'aborder très en profondeur les travers de ses semblables confrontés à leurs limites. Et en est-il de plus ultime que la mort ? Apprendre que même devant elle, l'égalité n'est plus de mise bouleverse tous les repères, et lui permet de nous livrer quelques très belles pages sur la nature humaine. La seconde partie de l'histoire, celle qui va conduire les membres des Familles aux confins de notre galaxie, gagne en inventivité ce qu'elle perd en profondeur, même si toute réflexion, loin de là, n'en est pas exclue. Heinlein exploite tout autant le potentiel de ses personnages que celui de son intrigue, le débonnaire Lazarus Long ou le pragmatique Grand Administrateur Ford sont tout à la fois complexes et attachants avec leurs défauts et leurs qualités. Assez représentatifs en somme de cette humanité en miniature exilée aux confins de l'espace.

Et justement parce que Les Enfants de Mathusalem est incontestablement un chef d'œuvre, on s'enflamme moins à la lecture des Orphelins du ciel. Certes, l'idée de cette première expédition humaine vers Ultima du Centaure, ruinée par une mutinerie et laissant les descendants de l'équipage terrien dans la certitude que le vaisseau est l'Univers, est astucieuse. Mais la relecture de ce procès de Galilée est beaucoup plus datée, moins universelle dans ses thématiques, et surtout beaucoup plus schématique dans sa résolution.

Indubitablement le meilleur tome de la série, on pourrait voir dans ce quatrième volume l'aboutissement d'un compagnonnage, celui d'un novelliste se muant en romancier. Quoiqu'il en soit sa lecture ne prend tout son sens qu'à la suite des trois autres. Car cette Histoire du Futur est à considérer dans sa globalité. On peut au final lui reprocher d'être de qualité inégale, d'être parfois datée. On peut s'amuser de son américanocentrisme, se moquer de la morale un peu rigide qu'elle véhicule parfois, mais elle est le parfait témoignage d'une époque, et surtout, traduit merveilleusement le parcours d'un homme dans cette même époque. Et c'est son portrait qui se dessine en creux. En cela, cette excellente réédition est le parfait marchepied vers l'œuvre colossale, mais mal connue de Robert Heinlein. Un auteur protéiforme et un homme qui ne transigeait pas avec ses principes. En tout cas quelqu'un qui mérite notre attention et notre respect.

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