Steven Brust est un auteur américain amoureux, et ça vaut d’être noté, d’Alexandre Dumas. On lit d’ailleurs dans la quatrième de couverture que ce livre a été pensé comme « l’hommage personnel de Steven Brust à Alexandre Dumas ». De fait, on découvre dans Les Gardes Phénix une intrigue plutôt XVIe, qui évoque Les Trois Mousquetaires. Une fantasy Grand Siècle donc, en quelque sorte. A travers un style que l’auteur lui-même qualifie de « baroque », il avoue s’être avant tout amusé, et être surpris par le succès du livre. Pour tout dire moi aussi, j’en suis surpris. Il y a des bons éléments, mais j'en retiens surtout un caractère béni-oui-oui assez irritant.
Messire Khaavren part en quête
Khaavren est un jeune noble désargenté en quête de fortune. Parti de sa région natale, il parvient aux environs de la capitale dans une auberge, où il se lie d’amitié avec la jeune Tazendra, et le sage Aerich. Ensemble ils décident de s’enrôler dans les gardes Phénix, dans l’espoir assumé d’attirer l’attention de quelque seigneur et de se faire un nom à la Cour.
Faisant par la suite connaissance de Pel, ils deviennent vite inséparables.
Mais les intrigues et l’amour les rattrapent avant qu'ils aient le temps de s'en apercevoir, et les voici partis en expédition aux confins du pays, plongés dans un sombre complot. Parviendront-ils à sauver leur honneur et à rester fidèles à leur serment à l'Empire sans perdre la vie ?
Flou et facile
Pour commencer, on peut regretter le manque d’explications quant au fonctionnement de la société que Brust met en scène, et notamment son organisation en Maisons. Ce sont des sortes de castes ou de clans familiaux, presque des races en fait, puisqu'ils partagent même des caractéristiques physiques. On ne trouve, au final, pas de cohérence dans ce système, c'est très déroutant. Mais l’auteur reste schématique : Les Tiassa, ce sont ceux qui ressemblent à D’Artagnan, les Lyorn à Athos… etc. Comme c’est pratique.
On aurait aussi aimé avoir plus d'explications sur la longévité exceptionnelle des personnages. Bien que je ne voie pas ce que ça apporte. Toute longue que soit leur vie, ce qui devrait changer un peu leur manière de voir le monde et de se comporter, les personnages de Brust restent des humains à tous autres égards. Leur acception du temps est celle d'individus normaux. Là ou les elfes de Tolkien par exemple voient le monde d'un œil différent, en ayant une conscience plus aigue des problématiques à long terme, une plus grande ouverture, aussi, due à une expérience plus longue de la vie, les personnages des soldats Phénix restent des hommes avec des points de vue un peu étriqués et à court-terme. C'est assez décevant.
Mais la critique la plus vive que je ferais au livre concerne le caractère des personnages, caricaturaux et bien-pensants. Les personnages principaux se découvrent une passion les uns pour les autres en deux temps trois mouvements, tout en gardant un niveau de formalisme de mauvais aloi. Le pire est la panoplie d’autosatisfaction qui les fait s’esbaudir sur l’intelligence d’untel, la finesse d’un autre… Le summum est atteint lors des passages introspectifs de Khaavren. Un grand moment de comique involontaire...
On voit donc toutes les ficelles de l’intrigue se dessiner, environ 100 pages avant les protagonistes.
Reste le parti pris de l’écrire via un pseudo-historien. Pourquoi pas, mais la vanité du personnage en question ne suffit pas à prendre un recul comique, selon moi.
Du Dumas bas-de-gamme
« Chaque fois que quelqu’un a envie de lire Dumas après avoir lu mon livre, c’est une petite victoire », dit en substance l’auteur. Pourtant, c’est bel et bien un Dumas bas-de-gamme qu’il nous présente. Le beau parler qui fait l’intérêt de l'auteur des Trois Mousquetaires est ici employé en dilettante, à l’excès et certainement pas à la perfection : la limite entre courtoisie et pédanterie est largement dépassée, et la niaiserie des personnages est très pénible. Or le monde où se situe l’intrigue ne sauve rien, au contraire.
En bref, si Steven Brust s’est beaucoup amusé à écrire le livre, moi je me suis beaucoup ennuyé à le lire.