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Les Temps Ultramodernes - Les secrets d'écriture de Laurent Genefort
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Les Temps Ultramodernes - Les secrets d'écriture de Laurent Genefort

A l'occasion de la parution des Temps Ultramodernes, Laurent Genefort revient sur l'écriture de ce nouveau roman paru aux éditions Albin Michel Imaginaire.

Actusf : Les Temps Ultramodernes est paru il y a peu aux éditions Albin Michel Imaginaire. Comment est né ce roman ?

Laurent Genefort : C’est un projet qui remonte au début des années 2000, abandonné après le refus d’un éditeur, et repris lorsque Gilles Dumay m’a demandé un pitch pour la collection qu’il montait chez Albin Michel. Il aura eu le temps d’arriver à maturité !

Actusf : De quoi cela parle-t-il ?

Laurent Genefort : Il s’agit d’un roman feuilletonnesque, qui mêle quatre personnages emblématiques d’un monde gouverné par la cavorite : un métal ayant la propriété d’annuler la gravité, dont on a découvert des gisements à la fin du XIXe siècle. Le roman commence en 1924.

Actusf : On y suit donc les aventures de Renée et de son protégé. Comme l’avez-vous créée ? Que représente-t-elle ?

Laurent Genefort : Renée fait partie de ces « personnages-instances » censés représenter l’esprit d’une époque. C’est une institutrice de province, à l’esprit saint-simonien. Elle monte à Paris à la suite d’une crise économique impactant le monde entier. Son esprit universaliste va être mis à l’épreuve d’une étrangeté radicale en la présence soudaine d’un Martien, qu’elle va prendre sous son aile (si j’ose dire).

Actusf : Renée n’est pas la seule à vivre cette époque troublée et l’on rencontre aussi Marthe et Georges. Qui sont-ils ?

Laurent Genefort : Marthe est une journaliste scientifique, que l’on ne prend pas beaucoup au sérieux. Une mission lui échoit, qui va lui permettre de s’affirmer. Georges est un artiste, ou plutôt, quelqu’un qui aimerait l’être ; il va être confronté aux dures réalités de la chose et être happé par la politique – une issue commode pour lui. En fait, c’est peut-être le personnage le plus en prise avec la situation actuelle, où le politique s’invite dans l’art sans grandes nuances.

Actusf : Cette fois-ci, avec Les Temps Ultramodernes, vous vous attaquez à un univers mélangeant uchronie et rétrofuturisme. Qu’est ce qu’il vous plaît dans ce mélange ?

Laurent Genefort : L’expérience de pensée, déjà : le point de départ est que la cavorite est partout, ce qui permet de prendre un état du monde précis – 1900 – et de le tordre à l’aune unique du principe de lévitation des objets. Mais il y a évidemment le côté esthétique : entre l’Art nouveau et l’Art déco, les avant-gardes, la ligne paquebot, la cavorite qui rend possible les délires futuristes… une mine inépuisable d’images dans laquelle je n’avais qu’à puiser.

Actusf : Comment avez-vous travaillé ? Avez-vous du faire beaucoup de recherches pour rendre la cavorite crédible ?

Laurent Genefort : Je dirais que j’ai procédé comme d’habitude, à partir de documentation… sauf qu’avec l’Histoire, la documentation est abondante et « sauvage ». Il faut savoir discriminer dans toute la masse de livres et de thèses, sans avoir la rigueur d’un historien rompu à la méthode. La cavorite, finalement, c’était le plus facile car elle relève de la physique. L’Histoire, elle, ne se laisse pas dompter comme ça.

Actusf : Comment avez-vous choisi votre point de divergence ?

Laurent Genefort : Je n’ai pas voulu procéder à la façon uchronique classique, en l’occurrence l’altération d’un événement historique qui produit une timeline alternative. Ici, c’est l’existence d’un élément et d’une physique imaginaires qui détermine le monde entier ; les déviations historiques sont des conséquences et non des causes. Par ailleurs, la part de la source fictionnelle est très importante, et se mélange très intimement avec les sources réelles.

Actusf : Peut-on y voir une critique de notre société actuelle et des problèmes qu’elle rencontre aujourd’hui avec le pétrole et certaines terres rares ?

Laurent Genefort : Indéniablement. Le monde de la cavorite constitue l’essence même d’une économie-monde, fondée sur une seule ressource – même si l’on se trouve déjà dans l’ère des moteurs à essence, ce qui implique le pétrole. Quand commence le roman, on est déjà dans une logique de « course à la cavorite » entre puissances, ce qui laisse augurer guerres, territoires disputés, alliances opportunistes entre le secteur minier et les empires, etc.

Actusf : Quelles ont été vos sources d’inspiration ? Jules Verne ?

Laurent Genefort : Pas Verne à vrai dire (même si vous reconnaîtrez évidemment le clin d’œil au Gun Club), mais H.G. Wells et surtout Gustave Le Rouge, assurément. Les Temps ultramodernes est un « World Newton », la rencontre de deux univers littéraires… enfin, pas tout à fait, car des Premiers hommes dans la Lune, je ne reprends que la cavorite, et du Prisonnier de la planète Mars, je ne conserve que le décor martien et les Martiens autochtones. Mais là est justement l’intérêt : à partir de ces deux matériaux de base, j’ai pu effectuer un travail d’écrivain de SF moderne, en inventant une rétrophysique alternative d’un côté, et une évolution de la biosphères et des Martiens d’un autre côté.

Actusf : Le titre est-il un hommage au film Les Temps modernes de Chaplin ?

Laurent Genefort : Pas au film lui-même, en tout cas pas à son contenu, mais à l’époque de sa sortie. Le film de Chaplin était une balise évidente.

Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Laurent Genefort : Des nouvelles et des articles, surtout. Et de la documentation pour mon prochain roman, qui se déroulera dans un futur proche. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il y aura des aliens. Plein, plein plein d’aliens !

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