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Les Trois doublons

Cycle/Série : 
Langue d'origine : Français
Aux éditions : 
Date de parution : 30/04/2010  -  bd
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Les Trois doublons

C'est après avoir réalisé les trois tomes des Plombs de Venise, parus chez Treize étrange entre 2004 et 2005, que Patrick Mallet, créateur de bandes dessinées d'origine suisse né en 1970 et maintenant installé à Paris, démarre la série Achab chez le même éditeur. De l'Italie de Casanova, il emmenait donc le lecteur aux Amériques, sur l'île de Nantucket, lieu de naissance du célèbre capitaine Achab Hawthorne, le personnage mythique du non moins légendaire roman d'aventures maritimes Moby Dick. Après un détour par la littérature fantastique avec une adaptation d'un texte de Charles Nodier, Smarra, le scénariste et dessinateur, qui s'est spécialisé dans l'adaptation plus ou moins libre de romans et nouvelles du XIXème siècle, revient à l'univers des baleiniers.

Ainsi retrouvons-nous, dans Les Trois doublons, Achab, qui avait embarqué, dans le tome précédent, et pour sa première campagne de pêche, sur le Bruce. Mais le navire avait croisé la route de Moby Dick. Ce qui devait arriver arriva : le cétacé coula le bateau et emporta son équipage au fond de l'océan. Les deux seuls rescapés sont Achab et Elie, qui a miraculeusement survécu à son engloutissement dans le ventre du cachalot. Devenu fou suite à cette expérience, il est un piètre compagnon de naufrage pour un Achab qui est d'autant plus déterminé, après cette tragique expérience, à abattre l'animal qui a emporté son père et l'un de ses frères et a tenté de lui faire suivre le même chemin au fond de la tombe...

Où Patrick Mallet réussit à tirer du personnage de Melville la substance d'une captivante bande dessinée

Le personnage d'Achab Hawthorne est haut en couleurs et son enfance fut évidemment des moins ordinaires. C'est ce qu'a dû se dire Patrick Mallet en imaginant écrire, et surtout dessiner, l'enfance, l'adolescence, puis les débuts de la carrière de capitaine du célèbre personnage de Melville. Un projet ambitieux s'il en est, dont le créateur de BD s'est très bien tiré aussi bien dans le premier tome que dans le second épisode de la série.
Il poursuit l'édification de sa saga avec tout autant de réussite dans Les Trois doublons, album dans lequel on découvre de quelle manière le jeune homme a croisé des cannibales et comment il est devenu – enfin – le capitaine de son premier navire. Patrick Mallet réussit parfaitement à décrire la détermination du personnage, qui ne vit, en fin de compte, que pour voir Moby Dick mourir sous ses coups de harpon. Mais Achab apparaît aussi comme un homme, avec des faiblesses. Son obsession pour le cachalot blanc va ainsi détruire toute possibilité pour lui de construire une vie comparable à celle de ses collègues baleiniers.

Dans ce troisième album de la série, Patrick Mallet alterne les narrateurs, au travers du journal de naufragé d'Achab, et celui de sa fiancée Emily, qui l'attend à Nantucket. En modifiant la façon de raconter son histoire, en injectant plus de subjectivité dans la narration, Patrick Mallet réussit d'abord à rapprocher le lecteur du personnage d'Achab alors qu'il est confronté à des situations atroces. Puis, alors que l'adolescent se transforme en un homme obsédé par sa vengeance, il bascule complètement de narrateur, les impressions d'Emily devenant l'angle unique par lequel le lecteur observe Achab. Son abnégation qui tend vers la folie furieuse n'apparaît alors que plus clairement.

Ce procédé permet surtout à l'auteur de se détacher de son personnage principal, dont les actes deviennent de moins en moins ceux d'un homme au jugement serein. Doublé de l'introduction de tous les éléments qui constituent la légende de Moby Dick – éléments que le lecteur découvrira par lui-même car c'est ce qui fait le sel des préquelles –, Mallet prépare admirablement la suite des aventures maritimes haletantes, empreintes de sensibilité, d'Achab Hawthorne, à paraître très prochainement.

C'est donc avec une impatience certaine que l'on attend maintenant le tome 4 de la série, ravi(e) à l'avance de lire un album dans lequel Patrick Mallet nous servira des planches dessinées de son style un peu naïf caractéristique et mises en couleur, probablement, par Laurence Croix, sa coloriste attitrée qui effectue elle aussi un travail remarquable.

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