Actusf : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Votre carrière ?
Lionel Davoust : Bonjour, je suis Lionel Davoust et je suis sympa, enfin j’espère. J’ai un parcours assez improbable, ingénieur halieute (biologiste marin, en gros) à la base, passé à plein temps dans le monde littéraire en 2001 (et ça n’a pas de rapport avec le 11 septembre, promis). J’ai fait de l’éditorial, beaucoup de traduction (j’en fais encore, mais moins), cependant mon activité principale est l’écriture depuis 2010. J’ai publié une trentaine de nouvelles (ça vous fait bizarre quand vous commencez à dire ce genre de chiffres) et huit livres à ce jour. Je m’efforce aussi de rendre un maximum de ce que je peux apprendre sur le métier à travers mon blog (où l’on trouve les photos de chats indispensables à tout blog), des conférences et un podcast que nous avons lancé avec Mélanie Fazi et Laurent Genefort il y a un an et demi, intitulé Procrastination et qui a entamé sa deuxième saison. Je fais aussi un peu de musique et de sound design pour des jeux vidéo sous le nom Wildphinn.
Les podcasts de Procrastination sont disponibles sur Elbakin.net.
Découvrez le premier épisode de la seconde saison "Qu'est ce qu'une histoire".
Actusf : Le Verrou du Fleuve, le second tome de votre cycle Les Dieux sauvages (Critic) dont la sortie est prévue en mars 2018 sera votre prochaine parution. De quoi cela parle-t-il ?
Lionel Davoust : Hah, c’est difficile à dire sans divulgâcher (spoiler) le tome 1, La Messagère du Ciel. Disons que tout cela s’inscrit dans la série Les Dieux sauvages qui dépeint un univers de fantasy post-apocalyptique, la Rhovelle, une civilisation revenue dans un Moyen- âge dur et dangereux, dominé par une religion patriarcale qui se réclame de l’autorité du dieu qui a détruit le monde ancien. (Une époque où il fait bon vivre…) Toute l’histoire s’articule autour de Mériane, une paria qui a refusé cette société pour vivre libre, mais qui se retrouve au premier plan de l’ultime lutte qui oppose Wer, le dieu de Rhovelle, à son frère maléfique qui emploie des démons-machines et la magie de l’apocalypse pour ses conquêtes. Il y a un parallèle discret, mais assumé avec la Guerre de Cent Ans et l’épopée de Jeanne d’Arc ; c’est une vaste fresque, un roman chorale à la manière de la fantasy contemporaine. Il y a beaucoup d’action, de politique et même un peu d’humour grinçant, et ça me permet d’aborder en filigrane des sujets qui me sont chers, la religion, ses liens avec le pouvoir et (je l’espère) le féminisme.
"Un peu comme notre univers entier naît de quatre forces fondamentales… Ce qui en fait la richesse, c’est la complexité qui émerge de ces règles fortes."
Actusf : Vous aimez créer des univers fouillés et riches comme le monde de Léviathan, votre première série, et maintenant celui des Dieux sauvages, comment les créez-vous ? Petit à petit ou avez-vous dès le début avec une vision d'ensemble ? Avez-vous travaillé de façon différente sur ces deux univers ?
Lionel Davoust : L’univers de La Voie de la Main Gauche (Léviathan) et celui de Les Dieux sauvages sont assez différents. En fait, Les Dieux sauvages s’inscrit dans l’univers plus vaste d’Évanégyre, qui forme une trame lâche sur des milliers d’années où je me déplace à l’envie pour proposer des récits indépendants. La Volonté du Dragon, La Route de la Conquête et Port d'âmes s’inscrivent aussi dans Évanégyre, mais à des époques très différentes et forment des livres à part ; Les Dieux sauvages est la première vraie série dans ce monde. L’univers de La Voie de la Main Gauche s’est toujours organisé à l’origine comme un récit central où pouvaient se greffer des histoires différentes de la trame principale, alors qu’Évanégyre a été construit comme un vaste canevas, un terrain de jeu pour des dizaines d’histoires (dont certaines centrales à cette trame). Mais, avec les années, je me rends compte que l’approche est la même. Et cette approche, c’est la suivante : que ce soit pour La Voie de la Main Gauche ou pour Évanégyre, j’ai mes grands principes, les réponses aux grandes questions, les forces principales à l’œuvre, qui influencent tout le canevas. Dès lors, ça me laisse une grande liberté d’exploration. Or, en plus d’être agréable, cela me semble indispensable pour que le monde vive, évolue, conserve des surprises pour le lecteur comme pour moi. C’est donc ainsi que je procède – de grands principes, forts, mais dont j’explore et découvre toujours davantage les ramifications à travers leurs interactions historiques, technologiques, sociales. Un peu comme notre univers entier naît de quatre forces fondamentales… Ce qui en fait la richesse, c’est la complexité qui émerge de ces règles fortes. Je m’efforce (très humblement !) de fonctionner de la même façon en voyant comment un univers peut être perçu à travers toute la diversité de ce que fait l’humanité.
"Ce qui m’intéresse, ce sont les mythes, c’est la couche d’interprétation et surtout de rêve que l’on plaque sur le réel."
Actusf : Avez-vous des inspirations / influences particulières pour Les Dieux sauvages ?
Lionel Davoust : Comme je le disais, très clairement, il y a l’épopée de Jeanne d’Arc – mais Les Dieux sauvages ne relève absolument pas de la fantasy historique ; je pense d’ailleurs qu’à part quelques éléments très évidents, il faut très bien connaître la période pour retrouver les traces de son histoire. Cela ne m’intéressait pas du tout de réécrire les événements ; des auteurs font cela merveilleusement bien, soit dit en passant, mais ça n’est pas mon projet. Ce qui m’intéresse, ce sont les mythes, c’est la couche d’interprétation et surtout de rêve que l’on plaque sur le réel. Donc, plutôt qu’adhérer aux événements, je me suis abreuvé à une strate « ultérieure », c’est-à-dire à la légende. Mon inspiration n’est pas tant l’épopée de Jeanne d’Arc que le mythe qui en découle, tout ce qu’on a créé autour d’elle, et ce sont ces représentations, ces fantasmes, qui m’intéressent (comme le fantasme de l’empire romain civilisateur inspirait La Volonté du Dragon et La Route de la Conquête).
Actusf : Quels sont vos projets actuels et futurs ?
Lionel Davoust : Survivre à Les Dieux sauvages ! Une fois Le Verrou du Fleuve rendu, je m’attellerai aussitôt au volume 3 de la série, La Fureur de la Terre, que j’aimerais sortir le plus rapidement possible. Et après, ce sera le quatrième et (en principe) dernier volume, qui s’appellera L’Héritage de l'Empire. Tout cela m’emmènera loin en 2019… et si je suis encore vivant, j’ai d’autres idées et projets, mais c’est un peu tôt pour en parler ! En tout cas, je sais que je ferai une pause sur Évanégyre, histoire de ne pas toujours creuser le même sillon, mais j’y reviendrai, bien entendu ; il y aura encore beaucoup à raconter.
Actusf : Où peut-on vous retrouver dans les mois à venir ?
Lionel Davoust : La saison des festivals d’automne étant passée, je serai moins en déplacement, mais je peux notamment signaler que je propose en janvier un gros atelier à l’école Les Mots, à Paris, sur la notion de conflit en narration, qui représente le combustible fondamental des histoires. Un week-end entier à suer sang et eau enfermé avec moi pour plancher sur les moteurs des histoires, c’est quand même vachement mieux qu’une semaine à Ibiza, non ? Maiiiis si.
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