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Lord Gamma

Stephane Duval (Traducteur), Manchu (Illustrateur de couverture), Michaël Marrak ( Auteur)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : 
Date de parution : 30/09/2003  -  livre
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Lord Gamma

Lord Gamma est le premier roman traduit en France de cet allemand dont on connaît quasiment rien. Sous une couverture de Manchu qui laisse - à tord - présager un gros shoot them up à la Starship Trooppers, cet intéressant roman aborde en fait le thème de la réalité virtuelle.

Un univers délirant et hostile

Stan roule depuis trop longtemps au volant d'une décapotable antédiluvienne. Sa route perpétuellement en pente se trouve sur un monde délirant où le temps semble s'être figé sur un éternel coucher de soleil. Régulièrement, il trouve sur son chemin des bunkers dans lesquels se terrent toujours le même groupe d'individus dupliqués par clonage. Tous pensent être les survivants d'une guerre nucléaire. Stan doit y retrouver l'original de sa femme pour des motifs qu'il ne comprend pas. Un mystérieux mentor lui a confié cette mission et le guide dans cette délicate entreprise. Par le biais de son autoradio, Lord Gamma l'aide à détruire les robots qui patrouillent dans ce désert et combattre les maîtres de ce monde : les autres Lords. Tel Sisyphe, Stan est condamné à répéter inlassablement des actions qui lui font horreur. Qui est Lord Gamma ? Quels buts poursuit-il ? Où se trouve réellement Stan ?

Un roman intéressant

Par flash, on peut voir des évocations du Docteur Bloodmoney de Dick pour les aspects post-apocalyptiques et radiophoniques, Le monde aveugle de Galouye pour les survivants terrés après l'holocauste nucléaire, Millenium de Varley (ou la nouvelle Les Langoliers de Stephen King in Minuit 2) pour l'enlèvement des passagers d'un avion, Matrix pour la scène ou Stan se fait soigner par une entité biomécanique qui lui recouvre le corps d'un film de mercure… D'autres y verront des clins d'œils aux deux grands cycles de Farmer : Le Monde du Fleuve ou La saga des Hommes Dieux.

Bref, ces aspects pas forcément empruntés consciemment à leurs auteurs respectifs renforcent le côté fabriqué de l'environnement de Stan et donc d'une réalité virtuelle créée à partir de diverses composantes appartenant ou non à notre réalité.

Dans ses trois premières parties, Lord Gamma fascine comme la plupart des œuvres où il est question de remettre en cause la réalité. En effet, le cocktail confrontation a une fêlure dans la trame du réel (ici une route toujours en pente) mélangé à une bonne dose d'action rend très vite le lecteur accroc. On veut savoir ce qui se passe réellement, dénouer l'imbroglio entre réel et virtuel. Et c'est sur ce " réellement " que repose la subtilité et l'intérêt de la chose.

Et une digression, une !

Pour prendre un exemple concret : dans Matrix, ce que Néo considère comme réel vole en éclat le jour où, dans le bureau de l'agent Smith, il se fait souder les lèvres. La suite du film va consister pour le spectateur à repositionner réel et virtuel dans un nouveau système de référence. Néo demande en se réveillant où il est et Morpheus lui répond que l'important n'est pas de savoir " où " il est mais " quand " il est. Dans ce film, le nouveau système de référence est le futur. Le spectateur, tout comme Néo, peut donc analyser la situation et faire le tri : tout ce qui se passe en l'an 2000 est virtuel et par conséquent modifiable à force de volonté ; tout ce qui se passe en 2200 est réel et donc immuable. Fin du premier épisode mais pas de la digression…

Après une petite gymnastique d'esprit, tout spectateur muni d'un appareil analytique digne de ce nom sait reconnaître le vrai du faux dans Matrix et Matrix Reloaded. Cependant, à la fin de Reloaded, lorsque Néo détruit les sentinelles dans le monde réel, cela ne peut signifier qu'une chose : s'il a un pouvoir sur cette réalité-ci, c'est que tout compte fait, ce n'est pas la réalité mais un niveau supérieur de virtualité. On retombe sur les univers gigognes chers à Dick ou à Galouye (lisez Simulacron 3 si ce n'est pas déjà fait).

Cette petite digression enfin achevée pour dire qu'il est impossible ou au mieux extrêmement difficile - condition humaine oblige - de faire la part des choses entre vrai et faux tant que nous appartenons au système que nous tentons d'analyser. Nous aurons plus de chances d'avoir des réponses à nos questions sur notre univers une fois mort que pendant toute notre vie. D'où notre fascination pour des œuvres qui nous offrent la possibilité de prendre du recul et sur lesquelles, étant extérieur, nous avons un pouvoir d'analyse. Les trois premières parties de Lord Gamma entrent dans cette catégorie, cependant dans les 100 dernières pages, Michael Marrak se perd dans une surenchère hard science pas franchement utile qui ne fait qu'embrouiller le lecteur peu habitué à manier le concept de réalité virtuelle. Une seconde lecture sera par conséquent nécessaire pour remettre tout en place.

Un auteur à suivre

Lord Gamma reste un bon roman malgré quelques défauts (on comprend avant Stan ce qui se passe sans avoir besoin des explications données par Lord Gamma par exemple) et quelques longueurs vers la fin. Sur ce thème, il y a des romans plus abordables comme ceux de Priest (La fontaine pétrifiante, Le monde inverti ou Les extrêmes), de Galouye (Simulacron 3) ou de Dick (Ubik pour ne citer que lui). Au final, même si on est loin du choc provoqué par Des milliards de tapis de cheveux d'Andreas Echbach, autre auteur allemand chez l'Atalante, Michael Marrak maîtrise bien son sujet et c'est avec curiosité que l'on découvrira ses autres romans.

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