Une étoile filante
Il s’agit ici d’un manuscrit inachevé d’Emmanuel Jouanne et repris par Jacques Barbéri (auteur de Narcose). Mais au fait, qui était Jouanne (se demandent les jeunes générations) ? Un jeune prodige littéraire, publié par la prestigieuse collection Ailleurs et demain de Gérard Klein (Nuage en 1983), récompensé par des prix littéraires (Prix Rosny ainé pour Damiers imaginaires en 1983 et Ici-bas en 1985, Prix Galaxie pour Nuage). Jouanne, protégé d’Elisabeth Gille (qui lui confia aussi à traduire des romans de Lafferty et des nouvelles de Philip K. Dick), avait un caractère difficile qui lui coûta beaucoup de soutiens dans le milieu de l’édition (tout autant que sa tentative de rénover le genre avec le groupe Limite). Son œuvre maîtresse, le cycle de Terre, reste inachevée en grande partie à cause de ses démêlés avec Gérard Klein puis Jacques Chambon. Décédé en 2008, Emmanuel Jouanne a cependant laissé une trace...
Un tueur sur la route
Le stathouder Arec a reçu comme mission d’éliminer Anjelina Séléné contaminée par de mystérieuses entités dénommées « les autres ». Arec remplit sa mission avec zèle et c’est là que tout commence. Avoir tué cette femme le poursuit. Son camarade et ami Kô s’embarque quant à lui dans une curieuse aventure avec sa compagne Lia. En fait, le monde n’est pas ce qu’il paraît et le héros et sa bande sont partis pour un long voyage au-delà de leurs certitudes…
Résurrection
C’est Richard Comballot qui a eu l’idée de confier Mémoires de Sable à Jacques Barbéri pour qu’il le termine. C’est cependant la trace assez unique de Jouanne qui l’emporte. Surtout par la forme qui est au cœur de l’entreprise littéraire de cet auteur, influencé autant par Frank Herbert que par le surréalisme… Et le polar.
« Le stathouder Arec ne regardait pas la mer.
Il ne s’intéressait pas davantage aux alignements proprets de ces cabines de plage d’un blanc immaculé que la cité de Houlgate avait tenu à préserver en les isolant sous bulles pour attirer les touristes. Il n’enregistra pas le fait que les totems multicolores répartis sur la grève figuraient des espèces animales disparues, dodo, microcèbe, maki, dauphin, hulotte…
La tenue de cuir noir qu’il considérait depuis toujours comme son uniforme, et sur laquelle il avait cousu à hauteur du cœur un insigne en argent représentant un chat stylisé, tous crocs dehors, pour faire bonne mesure, le protégeait du vent du large, frais et violent, et l’isolait de la bruine salée en provenance de ce ressac gris et blanc qui l’indifférait jusqu’à l’exaspération. »
Qui a écrit quoi ? On ne saura jamais et c’est tant mieux. Mémoires de sable constitue un curieux mélange qui intrigue, déconcerte, stimule aussi. À lire, peut-être parfois dans un état second pour pouvoir assimiler le kaléidoscope d’images proposées par cet infernal duo.