Place aux momies ! Après deux numéros, la petite anthologique périodique des éditions de l'Oxymore continue son exploration des grands thèmes du fantastique. On avait eu les Vampyres pour le tome 1, les Sortilèges pour le 2, voici donc les Momies pour le trois. A chaque fois, le principe reste le même. Emblèmes propose des nouvelles (souvent francophones) sur le sujet abordé ainsi que des articles et une bibliographie. Le concept est sympathique et les deux premiers volumes tenaient la route. Rien d'étonnant donc à ce que ce soit avec un certain plaisir que l'on entame la lecture du tome 3, en attendant les prochains sur les Rêves (Novembre 2001), Venise (Février 2002), l'Extrême-Orient fantastique (Mai 2002) et Les cités perdues (Août 2002).

Des momies bien vivantes...

Même si elle a l'air moins présente dans la littérature fantastique que les vampires par exemple, la momie n'en est pas moins un des thèmes classiques. On pourra d'ailleurs s'en rendre compte avec le premier chapitre du roman de Bram Stocker, Le joyau aux sept étoiles, publié ici pour l'occasion, et les références prélevées ça et là par Léa Silhol et Alain Pozzuoli. On y trouve pelle-mêle des citations de Baudelaire, Mallarmé, Alfred de Vigny ou Victor Hugo se rapportant à la dame aux bandelettes.

Pour autant, elle n'est pas l'apanage des auteurs confirmés. Alain Pozzuoli, l'anthologiste de ce numéro d'Emblèmes a fait le choix de prendre plusieurs textes d'auteurs débutants. Sur les neuf écrivains présents au sommaire, trois font ici leurs premières armes. L'entreprise peut paraître risquée mais ces petits nouveaux n'ont pas à rougir de leurs nouvelles. Elles sont du même niveau que la plupart des autres. Malheureusement, elles souffrent aussi du même défaut : un certain classicisme par rapport à la thématique imposée.

Mais bien trop classiques…

Ce qui frappe principalement, est le manque d'imagination général. On est peu emballé lorsqu'Estelle Valls de Gomis emmène un aventurier affronter une bande de prêtres fanatiques tentant de rendre tous les pouvoirs à une momie surpuissante (Tire la bandelette et la chevillette cherra). On l'est d'ailleurs pas plus par l'obsession d'un adolescent pour un jeu vidéo dangereux sur les momies dans la nouvelle de Didier Rouge-Héron (Un jeu d'Enfer). Quant au gardien alcoolique et paumé de Jean Rohwald (Le remplaçant), on préfère carrément l'oublier lorsqu'il doit surveiller toute une nuit une momie terrifiante alors qu'il est seul dans le musée. Intrigues convenues, maladresses, personnages caricaturaux… la plupart des nouvelles du recueil ne sont pas d'un niveau démentiel. Surtout, on regrette qu'elles empruntent toutes les mêmes chemins balisés. Seul par exemple Jean-Michel Calvez tente de se démarquer avec Cinémomie, l'histoire d'un cinéphile visionnant une vieille bande bien énigmatique. Malheureusement, sa tentative est vaine. Il n'y a rien non plus d'emballant de ce côté là.

Le salut vient d'Anne Duguël et de Nancy Kilpatrick. La première est la seule à avoir choisit un point de vue un tant soit peu originale. Avec Face à face, elle s'est carrément mise dans la peau d'une momie à qui des scientifiques enlèvent les bandelettes. L'effet est saisissant. On est tellement pris par sa narration que l'on dévore son texte. Quant à sa collègue, son histoire vaut surtout pour les relations entre ses personnages. Alors qu'il a asservit sa femme au point d'en faire une esclave, un homme morbide et fou décide de visiter le quartier des momies de nuit dans un musée. Evidemment, le fantastique n'est pas loin… Ton ombre te connaît bien est une nouvelle forte qui marque les esprits.

On peut aussi compléter ce duo avec N'oublie pas les Nuits du Caire de Jeanne Faivre d'Arcier. L'auteur y mélange ce qui ressemble à une histoire de fantômes avec le thème des momies. Un bon petit texte à la conclusion étonnante.

Pas de quoi réveiller un mort

Ce numéro 3 d'Emblèmes est en demi-teinte tirant vers le négatif. On aurait vraiment aimé être surpris et bousculé par ces Momies qui hantent les pages. A la place, on a une belle brochette de nouvelles façon, série B, à laquelle s'ajoute pas mal de soucis dans la structure et la narration. Bref, l'anthologiste Alain Pozzuoli a manqué son coup. Dommage. Saluons quand même l'effort pour publier de jeunes auteurs et les bons textes de Jeanne Faivre d'Arcier, Anne Duguël et de Nancy Kilpatrick. Pour le reste, vivement le prochain numéro