La créature de l’étang

Arsène, fruitier de Franche-Comté, un peu fruste et revenu traumatisé de la grande guerre, trouve un jour en pêchant une créature étrange, mi-femme mi-poisson : une vouivre. Il la ramène chez lui, ignorant les questions de sa fille boiteuse, Huguette, et les regards lourds de sa femme. Car Arsène éprouve vite une passion violente et torride pour la vouivre et la viole plusieurs fois. Arsène finit par se rebeller contre sa passion et chasse la vouivre de chez lui malgré les protestations d’Huguette. Elle est un temps parqué avec des dauphins avant d’être repérée par une nonne naturaliste, Louise Simone qui se pose la vraie question : d’où vient cette créature qui attire l’œil et suscite tant de désirs ? Dont le sien…

Un roman envers et contre tout

Prix Masterton 2025, Visqueuse est l’œuvre de Morgane Caussarieu, jeune autrice qui semble avoir décidé de consacrer un livre à chaque monstre du panthéon fantastique en l’ancrant dans un terroir ou un paysage français, d’où Vertèbres pour le loup-garou et Dans tes veines pour le vampire, publiés déjà chez Au diable vauvert. Visqueuse, consacré à une créature vite baptisée Vouivre (comme dans le livre éponyme de Marcel Aymé, ce dernier apparaît d’ailleurs dans l’histoire) surprend. D’abord parce que le roman est bien écrit, dans le sens où Caussarieu a une conscience aigue de l’importance du travail stylistique ; c’est assez rare. Visqueuse est aussi un roman sur le corps, guère étonnant si on a en mémoire d’autres livres de Morgane Caussarieu (sans compter qu’elle est aussi tatoueuse). L’itinéraire de cette sirène ou vouivre, bientôt rebaptisé Mélusine, la confronte à la violence masculine, ce qui est dans l’air du temps. Au final, on est assez ébloui par cette histoire qui secoue, violente un peu le lecteur (d’aucuns penseront que certaines pages sont assez malsaines). Il est en tout cas indéniable que Morgane Caussarieu possède un talent d’écriture singulier qui ne laisse pas indifférent.

Sylvain Bonnet