A l'occasion de la sortie de Moi, Polyphème, cyclope et Moi, Méduse, Sylvie Baussier revient sur la création de ces romans jeunesse à paraître le 21 janvier aux éditions Scrineo.
Actusf : En ce début d’année, vous sortez une série pour la jeunesse qui revient sur les grandes créatures de la mythologie grecque. D’où vient cette idée ? Cela vous semblait important de faire connaître ces récits aux plus jeunes ?
Sylvie Baussier : Il me semblait important de faire redécouvrir d’une toute manière ces histoires bien connues. En effet, l’Histoire (qu’elle soit réelle ou mythique) est presque toujours racontée du point de vue du vainqueur. Il me tient à cœur de donner la parole aux autres, ceux qui d’habitude sont traités de monstres. Je pense que c’est chez moi une sensibilité générale, née du fait de côtoyer le handicap. J’ai ainsi écrit le roman « Les Autres mode d’emploi » où c’est un jeune autiste qui raconte son expérience, et ses efforts pour comprendre comment « nous », qui nous considérons comme « normaux », fonctionnons. Dans ce contexte là aussi, je prends un point de vue moins habituel, moins consensuel aussi.
Actusf : Pouvez-vous nous parler des quatre romans que vous avez déjà écrits à ce sujet ?
Sylvie Baussier : Chacun est écrit à la première personne. C’est le « monstre » qui raconte. On épouse donc son point de vue.
Dans « Moi, le minotaure », le jeune prince de Crète Astérios raconte comment il découvre sa « monstruosité » physique, et déroule son histoire et ses émotions.
Dans « Moi, Ligia, sirène », l’une des deux sirènes (dans certaines versions du mythe, elles sont trois) se remémore sa vie de jeune fille, comment elle a été transformée en femme oiseau part la déesse Déméter. Elle nous livre ses rencontres, ses espoirs et désespoirs.
Les deux romans suivants vont paraître en ce mois de janvier 2021:
« Moi, Polyphème, cyclope », est l’occasion de faire parler le fils du dieu des mers, Poséidon. Polyphème est en butte avec le rusé Ulysse et ses marins de retour de la guerre de Troie…
« Moi, Méduse », revient sur la transformation de cette belle jeune femme punie d’avoir été consciente de sa beauté, et d’avoir attiré les regards concupiscents de Poséidon. La mythologie grecque était un brin misogyne, puisque c’est la victime qui est punie et qui est transformée en monstre !
Actusf : Avez-vous utilisé des sources pour écrire vos textes ? Lesquelles ?
Sylvie Baussier : Oui, bien sûr. Pour chacun de ces romans je me suis replongée dans l’histoire, et j’ai lu ou relu les sources antiques. Ainsi, il est vraiment étonnant de voir comment est racontée la rencontre entre Ulysse et le cyclope Polyphème dans l’Odyssée d’Homère : c’est Ulysse qui parle, et son cynisme est sidérant ! Il va jusqu’à envisager de demander un cadeau au cyclope dont il a envahi la demeure. On rêve ! Ulysse est un voleur… Cette histoire est d’ailleurs étudiée par des économistes qui s’intéressent à l’avènement de la pensée capitaliste.
Actusf : On parle souvent des dieux ou des grands personnages de la mythologie comme Dédale. Pourquoi choisir de revenir sur ceux que l’on désigne comme des monstres ? L’un d’entre eux vous fascine-t-il plus que les autres ?
Sylvie Baussier : Ces histoires sont connues… mais souvent de façon stéréotypée. Ce qui m’intéresse, c’est de montrer que celui ou celle qui est désigné comme un monstre n’est pas responsable de son sort. Par exemple, le Minotaure a une tête de taureau en raison d’une faute commise par son père envers le dieu de la mer. Lui, il n’y est pour rien. Il subit un sort décidé par les divinités avant même sa naissance. Je trouve que cette injustice mérite d’être soulignée, dans des récits dépoussiérés.
Actusf : Ce sont des mythes tout de même violents : Méduse transforme les hommes en pierre et finit décapitée, les sirènes dévorent les marins… Comment fait-on pour écrire ces histoires pour un jeune lectorat ?
Sylvie Baussier : Oui, la mythologie comporte de nombreux éléments violents. Elle n’a pas été créée pour les enfants : les histoires des divinités étaient liées, dans l’Antiquité, à une religion. Ce qui est étonnant pour moi, c’est qu’on soulève cette question de la violence quand c’est un autre que le vainqueur qui parle. Bien plus rarement quand l’histoire est racontée comme on s’y attend. Ensuite, c’est une question de mots et de choix dans la perspective du récit. Je veux préserver la sensibilité des enfants, tout en leur racontant tout le mythe.
Actusf : Avez-vous un attachement particulier à la mythologie ? D’où cela vient-il ?
Sylvie Baussier : Les mythes me fascinent depuis longtemps. Depuis que j’ai découvert l’Égypte ancienne en fait, lorsque j’étais enfant ! Chaque civilisation a inventé des récits pour expliquer les mystères du monde (pourquoi le soleil se lève, comment la terre a-t-elle été créée, pourquoi y a-t-il des humains, pourquoi on meurt…), et ces récits sont magnifiques. De plus, même si la science a fait des progrès incroyables, nous sommes encore loin de tout savoir !
Actusf : Si vous pouviez être une créature mythologique, laquelle seriez-vous ? Pourquoi ?
Sylvie Baussier : Si vous le voulez bien, je reste à ma place d’autrice. Je n’ai envie ni de devenir immortelle, ni de ma changer en une créature manipulée par des divinités toute puissantes !
Actusf : Avez-vous d’autres projets pour 2021 ? Pensez-vous vous attaquer à d’autres récits mythologiques ?
Sylvie Baussier : Oui, j’ai de nombreux projets. J’adore apprendre et j’adore écrire, donc c’est merveilleux ! Je vais continuer cette collection sur les monstres de la mythologie chez Scrineo : deux titres paraîtront début 2022. Mais chut, leurs héros sont encore un secret.
Je vais aussi publier un roman pour adolescents, toujours chez Scrineo, co-écrit avec Pascale Perrier. Sortie en mai 2021. Je continue mes séries de premiers romans, je prépare un nouveau titre pour la super collection BAM de chez Gallimard…
Pour en savoir plus, je vous propose de visiter mon site.
