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Nottingham - Les secrets d'écriture de Vincent Brugeas et  Emmanuel Herzet
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Nottingham - Les secrets d'écriture de Vincent Brugeas et Emmanuel Herzet

Robin des bois est de retour !
Vincent Brugeas et Emmanuel Herzet ont imaginé dans l'excellent premier tome de Nottingham un Shériff de Nottingham se muant peu à peu en Robin des bois. Des débuts complexes et tiraillés entre deux fidélités pour un homme qui n'avait aucune inclinaison à devenir un rebelle. On a posé quelques questions aux deux scénaristes autour de la renaissance de cette légende aux éditions Le Lombard...

Actusf : Qu'est-ce qui vous a donné envie de vous attaquer à l'histoire de Robin des Bois ?

Emmanuel Herzet : En réalité, c’était surtout l’envie de travailler sur le Shériff de Nottingham.
Vincent Brugeas : Au départ, c’était même une simple envie de Moyen-âge pour Emmanuel. En effet, après environ trois ans de collaboration, presque entièrement tourné vers la trilogie sur La Cagoule et donc la France des années 30… Emmanuel me réclamait du sang, des tripes et des armes blanches ! Ce qui n’était pas pour me déplaire.
Emmanuel Herzet : Cependant, Vincent est un homme exigeant, alors, du médiéval, d’accord, mais pour dire quoi ? Pour raconter quoi ? C’est à ce moment que je lui ai parlé de mon envie d’écrire la légende de Robin des Bois avec le point de vue du Shériff. Je voulais montrer que le Shériff n’était pas aussi mauvais, qu’il avait ses raisons, ses buts… Et Vincent m’a répondu en en se voulant ironique…
Vincent Brugeas : J’ai dit, sur le ton de la blague : « Bah, t’as qu’à dire que c’est lui Robin des Bois… ». Un long silence a suivi… ça a fait tilt pour tous les deux. Nous avons tout de suite compris que nous tenions un pitch en or.
Emmanuel Herzet : Et la réaction de Mathias, éditeur au Lombard, que nous avons rencontré deux semaines plus tard, à confirmer l’aspect prometteur du projet.

Actusf : Est-ce qu'il y a une appréhension avec ce genre de personnage dont l'histoire a déjà été maintes et maintes fois racontée ? Et qu'aviez-vous envie de faire ?

Vincent Brugeas : L’intérêt de notre pitch de départ est d’avoir éradiqué toute trace d’appréhension… en même temps, sans lui, nous ne nous serions jamais frottés à une telle légende. C’était cette approche si particulière qui rendait le projet alléchant.
Emmanuel Herzet : Par contre, très vite, nous voulions éviter de faire un récit de simple justicier, avec un Shériff multipliant les actes de bravoures tout en gérant sa double identité. Nous voulions aller plus long, proposer quelque chose d’un peu plus complexe.
Vincent Brugeas : C’était, de toute façon, nécessaire pour amener un Shériff à devenir Robin des Bois. Il fallait une raison solide. Le pitch était accrocheur, mais encore fallait-il le rendre crédible, que le lecteur accepte de nous suivre.

Actusf : Comment avez-vous travaillé à partir des histoires déjà écrite et de la légende orale initiale ? Et puis le contexte historique également. Ça vous a demandé beaucoup de documentation ?

Emmanuel Herzet : Nous nous sommes très vite rendus compte qu’il existait autant de Robin des Bois que d’auteur ayant écrit sur Robin des Bois. Les légendes varient énormément, que ce soit entre les écrits, les films… même Alexandre Dumas s’y est frotté.
Vincent Brugeas : Nous avons donc choisi les versions des légendes qui nous arrangeaient le plus...
Emmanuel Herzet : Sans pour autant nous encombrer plus que de raison… l’origine de Robin des Bois est très floue. Il n’a même pas toujours été placé à la même époque… Nous n’avions donc pas grand-chose à « trahir ».
Vincent Brugeas : De même, la documentation n’a pas été un problème, contrairement à notre travail sur la trilogie sur La Cagoule, où la recherche fut laborieuse et, en majorité, faite par Emmanuel !!
Emmanuel Herzet : Oui, l’idée de La Cagoule m’était venu en lisant un bouquin dessus, un été sur la plage. Quand j’ai proposé l’idée à Vincent, nous sommes tombés d’accord qu’il fallait nous attribuer à chacun un rôle bien précis : le documentaliste et le scénariste. L’idée était que l’un d’entre nous reste vierge de toute idée préconçue et puisse réagir en tant que « simple » scénariste, sans être prisonnier des détails historiques…. Ayant lu le livre, j’ai hérité de la tâche documentaire…
Vincent Brugeas : Et ce fut l’inverse sur Nottingham. Il faut dire qu’après ma trilogie du Roy des Ribauds, je suis comme un poisson dans l’eau avec cette période… le premier tome du Roy des Ribauds et celui de Nottingham n’ont que deux ans de différence !! Je connais très bien l’époque, les lieux, les noms, les coutumes. Je joue donc les encyclopédies, mais avec une facilité qu’Emmanuel n’avait pas sur La Cagoule… le monde est injuste…
Emmanuel Herzet : Ou c’est juste toi qui est fourbe…
Vincent Brugeas : Je préfère le terme de rusé…


Vincent Brugeas

Actusf : Ce qui est intéressant, c'est que ce personnage de Robin est tiraillé entre deux loyautés, deux causes. Vous le vouliez tourmenter ?

Vincent Brugeas : Un personnage tourmenté est un personnage intéressant ! Et ce genre de tourment est un moteur puissant pour une histoire.
Emmanuel Herzet : Nous voulions aussi éviter de raconter une simple histoire à la Zorro, avec un William qui rit sous cape, effectuant ses missions à la tombée de la nuit, échappant à ses propres hommes et à ses adversaires pour retourner s’enfermer dans son bureau et en ressortir en tant que Shériff, au nez et à la barbe de ses adversaires. EN plus de ne pas être très crédible, nous aurions vite tourné en rond et notre pitch prometteur se serait révélé une coquille vide.
Vincent Brugeas : De plus, comme nous l’avons déjà dit, pour qu’un Shériff devienne un hors-la-loi, il fallait une motivation puissante, concrète.

Actusf : Il y a aussi le personnage de la châtelaine, la narratrice d'une partie de l'album. Comment pourriez-vous nous la présenter ? Vous aviez envie d'un tiers pour raconter l'histoire ?

Emmanuel Herzet : C’est notre réinterprétation de Marianne. L’un des aspects important dans la légende de Robin des Bois, très souvent repris, c’est son ascendance saxonne.
Vincent Brugeas : Robin des Bois est souvent un noble saxon désargenté, se dressant face à l’arrogance et à la violence sociale des normands, maître de l’Angleterre depuis 1066 et la conquête Normande par Guillaume le Conquérant. Or, en étant Shériff, William était forcément un normand et non un saxon.
Emmanuel Herzet : Nous avons senti que Marianne était prête à endosser le rôle sans problème. Son point de vue étant celui des saxons, elle est donc presque un ennemi naturel des normands et de William. Il était donc intéressant de la confronter aux actes de Shériff et de faire d’eux des alliés par la force des choses.
Vincent Brugeas : La situation politique en Angleterre, avec l’absence de Richard, permet d’expliquer de manière presque logique cette alliance contre-nature. Cependant, cela promet aussi de nombreux conflits à venir et c’est une chose toujours intéressante pour une série.
Emmanuel Herzet : De plus, cela nous permet d’avoir un narrateur absolument pas objectif, bien au contraire. Cela permet de rendre son discours plus intéressant à lire, moins didactique. Marianne donne son avis, ses impressions, ses sentiments, elle se ment à elle-même.

Actusf : Comment avez-vous travaillé avec les dessins de Benoit Dellac ?

Vincent Brugeas : Ce fut un vrai bonheur ! Benoît est un vrai bourreau de travail, rapide, efficace et surtout très imaginatif d’un point de vue narration. Désormais, nous essayons même de trouver à le piéger en lui faisant dessiner les situations les plus tordus, mais le rascal relève toujours le défi… et avec le sourire !!
Emmanuel Herzet : Benoît nous a été présenté par le Lombard et on peut dire que c’est un mariage heureux… et fécond !! (Rires) Sa seule exigence est de posséder l’ensemble du scénario et du découpage d’un album avant de s’y mettre…
Vincent Brugeas : En même temps, nous ne connaissons pas une autre manière de travailler, donc cela ne nous dérange aucunement !! De plus, cela nous permet de réaliser le story-board d’une traite et donc de régler tous les détails de narration en amont. Plus pratique pour tout le monde, éditeurs comme auteurs.

Actusf : Que pouvez-vous nous dévoiler du deuxième tome ?

Vincent Brugeas : Le deuxième tome va nous permettre de résoudre en partie le conflit naissant entre Marianne et William. De plus, ce dernier va devoir revêtir à nouveau la capuche, contre son gré et faire un choix.
Emmanuel Herzet : Et surtout, deux personnages emblématiques de l’univers de Robin des Bois vont faire leur « apparition ». Que serait Robin des Bois sans Frère Tuck et Petit Jean ?


Emmanuel Herzet

Actusf : Sur quoi travaillez-vous désormais ? Quels sont vos projets ?

Vincent Brugeas : Nous travaillons actuellement sur le tome trois de Nottingham et nous comptons bientôt travailler sur un nouveau projet avec notre éditeur de La Cagoule, sur la Guerre de Succession de Bretagne. De mon côté, j’ai plusieurs marrons au feu, entre une série d’aventures au Lombard, intitulé Cosaques, la suite du Roy des Ribauds, un gros one-shot sur les pirates, avec Ronan aux pinceaux, La République du Crâne… et enfin, je commence une grosse série de SF qui devrait venir dans les prochaines années… Histoire de ne pas être considéré comme un simple scénariste « historique ». Le reste est encore trop lointain ou hypothétique pour être mentionné.
Emmanuel Herzet : De mon côté, je continue à travailler sur la série Alpha, en compagnie d’Alain Queireix. J’ai aussi un projet de série en cours, des enquêtes policières dans le milieu de l’aéronautique militaire, du JAG à la française.

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