Les années 50 furent la période faste de Richard Matheson. Premier texte en 1950, Born of Man and Woman : premier chef-d’œuvre. A 24 ans, ce jeune journaliste s’impose d’emblée comme un incontournable du genre. La décennie qui s’annonce ne fera que le confirmer avec une soixantaine de nouvelles dont plusieurs devenues de grands classiques : La Robe de soie blanche, La Chose, La Troisième Planète à partir du soleil, Escamotage... et deux fameux romans : l’inoubliable Je suis une légende et L’Homme qui rétrécit.

Une intégrale à la portée de toutes les bourses

Jacques Chambon avait regroupé pour Flammarion une intégrale des nouvelles de l’auteur en cinq volumes qu’un sixième venait compléter de ses textes les plus récents. Aujourd’hui, J’Ai Lu a non seulement la brillante idée de reprendre au format de poche cette intégrale mais en plus de la condenser en trois volumes.

Une période fertile

Dans ce livre regroupant trente textes, vous trouverez un Matheson en pleine possession de ses moyens. Il explore différentes formes de narrations, dévoile un aspect humoristique de son œuvre trop peu connu avec toujours présente une patte inimitable : sa fameuse économie de moyen au service de coups de théâtres imparables.

L'Examen, Cycle de survie et Au bord du précipice sont trois petits bijoux. La seule présence de ces trois textes dans n’importe quel sommaire rendrait nécessaire l’achat du livre. Soutenus par le reste du présent volume, l’avoir dans sa bibliothèque devient une obligation.

Dans L'Examen, le lecteur se trouve confronté à une scène extrêmement dérangeante puisqu’on y découvre un fils (dans la force de l’âge) en train de faire réviser son vieux père. Le test (on trouvera cette nouvelle sous ce titre dans la plupart des premières publications) qu’il doit passer sert à déterminer s’il est encore utile à la société. S’il peut encore être productif, sa vie reprendra son cours normal jusqu’au jour où il échouera. Lorsque ses réponses ne seront plus satisfaisantes, il sera jugé improductif et par conséquent supprimé. Cette année, le vieil homme a beaucoup baissé et il est très probable qu’il échoue… Une société qui fait froid dans le dos sur un thème on ne peut plus d’actualité.

Cycle de survie est une short story hyper-efficace qui dérouta bien des lecteurs lors de ses premières parutions. Sa structure originale dans laquelle le mot « FIN » apparaît en milieu de première page avait fait penser à beaucoup de monde à une erreur de mise en page. Il n’en est rien, bien entendu, et Matheson livre un texte aussi court que marquant sur la solitude (un de ses thèmes favoris) dans un décor post-apocalyptique. L’auteur nous dévoile un palliatif à cette solitude bien proche de la folie.

Au bord du précipice est à rapprocher de l’œuvre de Philip K. Dick et de ses remises en causes de ce que nous tenons pour réel. Dans une ambiance qui rappelle celle de La Quatrième Dimension (série à laquelle Matheson a donné plusieurs scénarios), un homme va se retrouver confronté à un autre qui prétend très bien le connaître alors que lui est persuadé ne jamais avoir vu cette personne… Un premier pas qui le conduira Au bord du précipice.

Une intégrale incontournable

Ce deuxième volume enfonce le clou. Richard Matheson a ouvert les portes du malaise et de l’angoisse. Il nous plonge en une ou deux phrases au cœur de ses récits. Majoritairement courts, ses textes sont ciselés afin d’atteindre une efficacité maximum. Stephen King y voit un de ses pères spirituels… Ceci explique cela.

Cette fois-ci, vous n’avez plus d’excuse pour ne pas posséder les deux premiers volumes de cette intégrale… En fait, si peut-être une, mais juste une seule alors, attendre la sortie du dernier volume et du coffret que J’ai Lu ne devrait pas trop tarder à publier.