A l'occasion de la parution le 3 octobre de Nécropolitains aux éditions Critic, Rodolphe Casso revient sur l'écriture de son roman.
Actusf : Nécropolitains doit paraître le 3 octobre prochain aux éditions Critic. Quelle a été l’idée à l’origine de ce roman ?
"L’idée directrice était de poursuivre l’exploration la ville après l’apocalypse zombie, de présenter de nouveaux personnages qui ont investis d’autres quartiers de la capitale, en jouant toujours sur les clichés et le patrimoine culturel des lieux investis."
Rodolphe Casso : L’idée a germé pendant l’écriture de mon premier roman, PariZ, qui se situait déjà dans un Paris envahi par les morts-vivants. Dès cette époque, j’ai posé les bases d’une continuation de cet univers, qui ne serait pas une suite mais plutôt une variation sur le même thème. C’est pourquoi, et c’est important de le préciser, on peut lire Nécropolitains sans avoir lu PariZ… et inversement. L’idée directrice était de poursuivre l’exploration la ville après l’apocalypse zombie, de présenter de nouveaux personnages qui ont investis d’autres quartiers de la capitale, en jouant toujours sur les clichés et le patrimoine culturel des lieux investis. Cette ville est un décor de rêve et de légende, un terrain de jeu extraordinaire, quasiment inépuisable, pour imaginer ce genre d’histoire.
Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur son intrigue ?
Rodolphe Casso : Un an après que les morts-vivants aient ravagé la capitale – et sans doute le monde entier –, des soldats de l’armée régulière se sont réfugiés dans la base militaire de Taverny, un complexe essentiellement souterrain, situé non loin de Paris, et absolument imprenable. Là, les militaires sont entrés dans un état végétatif, totalement désarmés face à l’ampleur de la catastrophe. En désespoir de cause, le général de la base charge l’un de ses meilleurs éléments, le capitaine Franck Masson, de sauter sur Paris pour rencontrer des communautés de survivants. L’enjeu n’est plus de nettoyer la ville de ses zombies – c’est impossible – mais de renouer un lien social et humain avec les citoyens et, pourquoi pas, envisager de reconstruire un avenir commun. Grâce aux images satellites que reçoit encore la base, on sait que trois poches de survivants, trois camps retranchés, se sont constitués : au sommet de la butte Montmartre, dans le parc des Buttes-Chaumont et sur l’île de la Cité. Mais nul ne sait comment ils survivent ni qui ils sont…
Actusf : Votre héros, le capitaine Franck Masson, va découvrir un monde ravagé et ce n’est pas vraiment une partie de plaisir. Comment l’avez-vous créé ? A-t-il suivi la route que vous lui aviez tracé ou vous a-t-il surpris ?
"Franck est surtout un vecteur, un vaisseau dans lequel le lecteur embarque pour une traversée de Paris assez barrée, presque tragi-comique."
Rodolphe Casso : Franck est un soldat d’élite, un type à mi-chemin entre le boy-scout et le tueur à gage. C’est un personnage assez rigide, pétri de convictions, mais qui n’est pas dénué d’humour. Franck est donc un tueur, mais un tueur éduqué, patriote et croyant, ce qui lui fixe des limites. Je ne peux pas dire qu’il m’ait surpris, car je savais exactement où je voulais l’emmener, quelles épreuves je voulais lui faire traverser, et quelles prises de conscience il devait opérer. Ce sont plutôt les autres personnages du roman, qui sont des dizaines et des dizaines, qui m’ont offert un espace de liberté et d’improvisation. S’il est doté d’une forte personnalité, qui va bien sûr évoluer au fil de son périple en zone interdite, Franck est surtout un vecteur, un vaisseau dans lequel le lecteur embarque pour une traversée de Paris assez barrée, presque tragi-comique.
Actusf : Fin du monde, complot, secrets de l’âme humaine… Franck Masson a de quoi s’occuper. Ces sujets étaient quelque chose que vous aviez envie d’aborder depuis longtemps ?
Rodolphe Casso : Ce que je développe dans Nécropolitains, c’est que même après la fin du monde, certains êtres humains continuent de fonctionner selon un esprit de conquête ou de domination. C’est plus fort qu’eux. Il est des personnes en ce bas monde qui, tant qu’il y aura des hommes et des femmes autour d’eux, s’escrimeront à les soumettre à leur volonté. En revanche, d’autres peuvent faire le choix d’un fonctionnement plus éclairé, plus égalitaire, mais ils s’exposent alors à des résistances, des opinions contraires, ce qui n’est pas moins dangereux. D’autres encore peuvent carrément choisir la fuite en avant et brûler la chandelle par les deux bouts. Chacune des trois « tribus » visitées ont fait des choix très différents, qui comportent autant d’avantages que d’inconvénients. C’est ce que Franck va découvrir, parfois à ses dépends.
Actusf : Y-a-t-il d’autres sujets qui vous tiennent à cœur et que vous aimeriez traiter ?
Rodolphe Casso : Je ne raisonne pas trop en termes de sujets… Je crois que, pour résumer, j’aime bien raconter des histoires de fous.
Actusf : Peut-on voir dans Nécropolitains une critique de notre société actuelle ? De ce que vous pensez de notre monde ?
"Après avoir terminé l’écriture de Nécropolitains, je me suis posé une question troublante : et si, finalement, ce n’était pas les zombies, masse misérable et malodorante, qui étaient chez eux, à Paris ?"
Rodolphe Casso : Pendant sa mission, le capitaine Franck Masson, bien qu’il ait autrefois combattu pour la France au péril de sa vie, se retrouve soudain dans la peau d’un migrant en son propre pays. Il doit demander l’hospitalité, comme un vagabond, et se soumettre aux règles, parfois absurdes, de ces « tribus » qui se foutent désormais pas mal des grands principes républicains. Et puis j’explore aussi ce fameux « esprit village » que chaque citadin recherche en son fort intérieur, et particulièrement à Paris. Un village desservi par le métro, à 10.000€ du mètre carré, y a quand même de quoi rire… Cette gentrification accélérée, qui touche maintenant d’autres grandes villes de France, repousse les plus modestes aux bans de la cité. Pendant ce temps, les possédants se renferment de plus en plus sur leur pré-carré, leur petite communauté rassurante et socialement filtrée. Après avoir terminé l’écriture de Nécropolitains, je me suis posé une question troublante : et si, finalement, ce n’était pas les zombies, masse misérable et malodorante, qui étaient chez eux, à Paris ? Et non pas ces trois communautés de survivants, sortes de classes moyennes post-apocalyptiques, qui vivent barricadées dans leurs camps retranchés, derniers représentants d’une espèce en voie d’extinction…
Actusf : Avez-vous eu des sources d’inspiration en particulier ?
Rodolphe Casso : Étrangement, certaines influences me sont apparues a posteriori, une fois le texte terminé, lorsque mon éditeur m’a posé la question. J’ai alors réalisé que j’avais imaginé une histoire proche de New York 1997 de John Carpenter. Mais aussi que j’avais sans doute été inspiré par l’anticipation sociale de J.G. Ballard – je pense notamment à Millenium People. Pour les influences plus évidentes, il y a les scènes de vide urbain au début des films 28 jours plus tard ou Je suis une légende. J’ai adoré voir ces personnages se balader dans des mégalopoles absolument désertes, seuls au monde, au milieu des vestiges d’une civilisation glorieuse. Une ville vide, c’est une aberration qui m’a toujours séduit. Sinon, je citerais aussi Le Village de M. Night Shyamalan. L’organisation autarcique et hors du temps de cette communauté, obnubilée par le danger extérieur alors que le plus redoutable se tapit à l’intérieur, m’a marqué. Enfin, et je sais que je ne vais pas faire preuve d’originalité, je pense à La Route de Cormac McCarthy et à la dose massive d’horreur et de désespoir qu’il inocule avec une remarquable économie de mots. J’ai d’ailleurs tout autant aimé le film, chose rare quand on a déjà lu le livre.
Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Rodolphe Casso : Sur pas grand-chose. Nécropolitains m’a pris plus de deux ans de ma vie. J’ai vécu tout ce temps avec cette histoire qui tournait dans ma tête, tous les jours… Une longue période pendant laquelle les nombreux personnages de l’histoire se sont imposés comme des amis imaginaires. J’ai adoré ça, mais je ne suis pas prêt d’écrire de sitôt une histoire aussi longue. J’ai envie de textes courts. Très courts. J’ai commencé à écrire une nouvelle, et j’ai d’autres idées pour ce format. Ce serait aussi l’occasion d’explorer d’autres genres que le post-apo. En tout cas, je vais laisser les zombies de côté pendant un bon moment. Entre PariZ et Nécropolitains, je leur ai consacré plus de mille pages, je crois que j’ai eu ma dose !
Actusf : Où peut-on vous rencontrer dans les mois à venir ?
Rodolphe Casso : Le lancement de Nécropolitains se fera à Paris, à la libraire La Dimension fantastique, le 4 octobre. Le lendemain, 5 octobre, je serai à Gibert Joseph pour une autre séance avec Estelle Faye et mon éditeur pour parler des 10 ans des Éditions Critic. Puis je participerai au salon Imagibière, le 19 octobre, qui se déroule dans une brasserie parisienne : la Brasserie de l’Être. Le 26 octobre, je serai au Cultura de Sainte-Geneviève-des-Bois. Le 23 novembre, je me rendrai à Rennes, dans la librairie Critic, pour dédicacer au sein de la maison mère ! Je serais ensuite présent à Sèvres pour les Rencontres de l’imaginaire, le 30 novembre.