Camille Ragot nous présente Oneiroi, une nouvelle maison d'édition des littératures de l'imaginaire, actuellement en cours de financement sur Ulule jusqu'au 11 juillet.
Actusf : D'abord, parlez nous de votre rapport au steampunk et à la fantasy ?
Camille Ragot : Je commence par la fantasy car c’est ce que j’ai découvert en premier quand j’étais adolescente. Jusqu’à la moitié du collège, je n’aimais pas lire. Un jour, en cours de français, j’ai découvert Agatha Christie puis Harry Potter que j’ai décidé de lire parce que mon petit frère avait le premier tome. Ç’a été une révélation ! J’ai réalisé que j’aimais lire, je n’avais simplement pas trouvé le genre qui me convenait. La sortie du Seigneur des Anneaux en film a achevé de m’entraîner dans la fantasy ! C’est pour moi une littérature qui fait sortir du quotidien : la fantasy montre de façon symbolique qu’on peut toujours combattre l’injustice, le « mal », la tyrannie, même quand on semble insignifiant, même quand tout espoir semble perdu, il ne faut jamais renoncer. C’est une littérature qui donne du courage pour se dépasser soi-même. De plus, elle véhicule énormément de valeurs humanistes, de tolérance, s’interroge sur l’éthique... La fantasy est un moyen formidable et infini d’aborder des questions philosophiques et sociétales. Et en plus, il y a de la magie !
J’ai découvert le steampunk beaucoup plus tardivement, grâce aux festivals d’imaginaire et à leurs visiteurs costumés. La Breizh Steam Punk Society et la Bible steampunk ont complété ma formation. Au delà de l’esthétique sublime du genre, j’aime son côté punk : c’est un mouvement qui, comme la fantasy, s’intéresse à la société, à ses problématiques, à ses marginaux. J’aime l’engagement du steampunk, ses valeurs et ses messages. C’est pour cela que je l’ai choisi comme axe principal de ma ligne éditoriale.
Actusf : Qu'est-ce qui vous a donné envie de monter une maison d'édition ?
Camille Ragot : Quand j’ai découvert le métier d’éditeur, je savais que je voulais l’exercer dans le domaine de ma passion et donc dans les littératures de l’imaginaire. Malheureusement, ce n’est pas un secteur de l’édition qui recrute. L’idée a donc germée dans mon esprit de créer mon propre emploi et de me lancer dans l’aventure entrepreneuriale. Ainsi, je peux concilier ma vie professionnelle à ma vie personnelle, avoir un travail qui me ressemble et me correspond, qui met à profit mes différentes formations (droit, arts, lettres et édition).
Monter ce projet, c’est pour moi deux choses : répondre à ma passion du livre et de l’imaginaire, et conserver ma liberté. J’ai besoin que mon travail ait un sens autre que celui de mettre du beurre (salé) dans les épinards. J’aime faire les choses moi-même et faire les choix qui orienteront le projet.
En plus, tout au long de mon parcours, j’ai eu la chance de rencontrer de nombreux professionnels du livre dans le secteur de l’imaginaire qui m’ont tous encouragée – sans me cacher que ça n’est pas une entreprise facile de mener une maison d’édition – et montré qu’il existe une solidarité réelle entre passionnés d’imaginaire. Cette énergie m’a portée et me porte encore tous les jours où le découragement se fait sentir, me rappelant que rien n’est impossible !
Actusf : Qu'est-ce que vous souhaitez y publier ?
Camille Ragot : Vous l’avez compris, le steampunk aura la part belle chez Oneiroi. Notre collection principale lui est consacré, avec romans et nouvelles. Nous proposerons annuellement une anthologie de quatre nouvelles destinées à faire découvrir le genre par le biais de grands thèmes propres au steampunk et en lien avec l’actualité si possible. Ainsi, notre première anthologie s’intitule Écologie et folie technologique. Elle rassemble des auteurs aux styles très différents les uns des autres : Francis Jr Brenet, Emmanuel Chastellière, Romain d’Huissier et Audrey Pleynet.
Une deuxième collection est consacrée au polar d’imaginaire, c’est-à-dire des livres mêlant codes du polar classique à ceux de l’imaginaire que ce soit en fantasy, science-fiction ou fantastique. On inaugure la collection avec un thriller de SF, Le Septième continent, premier roman de Norman Jangot.
Enfin, une troisième collection est dédiée à mes premières amours : la fantasy. Habituée aux cycles longs de fantasy épique ou héroïque, j’avais envie d’autre chose. J’ai donc décidé de ne proposer que des one-shot ou des cycles courts (au maximum 4 tomes) permettant aux lecteurs de se faire plaisir sans avoir à attendre des années la fin de l’histoire. Et pour le coup, on commence avec une novella, courte mais intense, signée par Michèle Devernay, Boulevard des pas perdus, dont c’est également le premier roman. Comme on aime le mélange des genres chez Oneiroi, on est ravi de vous proposer cette fantasy urbaine teintée d’esthétique steampunk...
Oh et un petit dernier se prépare, hors collection. Sorte de guide pratique pour les voyageurs temporels. On vous en dit plus bientôt sur nos réseaux sociaux. (Facebook, Instagram)
Actusf : Il y a un crowdfunding qui se prépare. Pourquoi passer par cette étape et à quoi va-t-il vous servir ?
Camille Ragot : Il y a plusieurs objectifs dans cette campagne. Le plus évident est bien sûr l’objectif financier : en complétant mon apport, les contributeurs me permettront de démarrer mon activité de manière plus sereine car la fabrication des livres sera intégralement payée.
Ce crowdfunding est aussi une manière de communiquer sur le lancement de la maison, d’agrandir et renforcer la communauté d’Oneiroi, de récompenser la patience de ceux qui nous suivent depuis trois ans et de les gâter. On y dévoile l’état d’esprit de l’entreprise : des univers immersifs qui s’étendent au delà des livres, car nous ne sommes pas seulement férus de littérature mais aussi d’univers étendus. Pour en savoir plus, faites un tour sur la page Ulule et jetez un œil aux contreparties.
Enfin, en tentant de remplir ces deux objectifs, on teste le projet directement auprès du public. La campagne nous jette dans le grand bain, fini les suppositions, les prévisions, etc, c’est l’heure d’entrer dans l’arène et de voir de quoi nous sommes capables.
Et si le test est réussi, cela nous permettra d’acquérir encore plus de crédibilité et de légitimité auprès de partenaires comme la banque ou pour obtenir des subventions.
Alors on compte sur vous !
Actusf : On pourra lire les premiers livres quand ? Y'a-t-il déjà des titres qui ont été choisis ?
Camille Ragot : Si vous contribuez à la campagne, vous recevrez votre contrepartie en septembre en ce qui concerne l’anthologie et le thriller SF, et en novembre pour la novella de fantasy (le travail sur le texte étant moins avancé). Dans tous les cas, en contribuant, vous aurez les livres avant les autres.
Les sorties officielles sont en septembre pour l’anthologie, en octobre pour Le Septième continent et en décembre pour Boulevard des pas perdus.
On prépare déjà la suite. La deuxième anthologie aura un thème plus social que la première... Le démarchage d’auteur a déjà commencé lors des dernières Imaginales et c’est plutôt prometteur. On attend la confirmation de plusieurs auteurs avant d’en dire plus.
Pour ce qui est des romans, on a plusieurs manuscrits sous le coude dans lesquels il va falloir faire des choix.
Actusf : Et j'ai vu que vous cherchiez des textes. Quels types de récits souhaitez-vous recevoir ?
Camille Ragot : J’ai fermé les soumissions de romans de fantasy car nous en avons encore un grand nombre à traiter (et si peu de temps) dont certains qui attendent une réponse depuis novembre dernier.
En revanche, je recherche toujours LE roman steampunk qui saura m’accrocher et qui correspondra à ma ligne éditoriale. J’entends par là que le steampunk est trop souvent traité comme une esthétique et non comme un véritable genre. Souvent, je reçois des textes présentés comme steampunk mais je me rends compte à la lecture qu’il s’agit de romans de fantasy à esthétique steampunk. Or, ce n’est pas ce que je recherche. Je souhaite vraiment mettre en avant le côté punk, engagé du genre, j’aimerais trouver des textes qui véhiculent des messages, qui prennent parti, qui initient une réflexion chez leurs lecteurs.
Je recherche toujours des polars d’imaginaire également. Comme dit plus haut, des textes qui mêlent codes du roman policier ou du thriller à ceux des genres de l’imaginaire. J’ai quelques pistes de ce côté-ci mais encore rien de décidé alors n’hésitez pas à tenter votre chance !