Dans PEST, ce n’est pas tant le scénario qui fait la différence que les personnages et les situations cocasses dans lesquelles ils se retrouvent. Le déroulement de l’histoire est assez classique. Tout le premier tome prend bien le temps de nous présenter les personnages et le trio des tout-puissants qui veut à tout prix maintenir la population dans l’ignorance, histoire de s’enrichir sur son dos. La fin du diptyque apporte une conclusion cohérente, mais peut-être un peu trop convenue. Heureusement, toute la bd est parsemée d’épisodes franchement cocasses. Il y a la fuite des pestiférés dans les marais, la destruction malencontreuse d’un exo-détecteur par Abélard et d’une manière générale, toutes les mimiques des personnages. Mention spéciale également à la naïveté d’Abélard qui fait qu’il devient presque malgré lui l’amant d’Héloïse, la femme du professeur Kilojoule. S’en suit alors une scène d’anthologie avec nos deux amoureux qui utilisent un jargon pas très romantique avant de passer à l’acte… Bouillez s’amuse même à revisiter les masques pointus des médecins de la peste, version plus métallique… En plus de ce décalage dans le ton, c’est l’originalité de l’univers graphique qui marque le lecteur.
Un foisonnement de détails, un univers très particulier
Bouillez nous offre un monde inspiré de l’univers steampunk avec des personnages mi-hommes, mi-machines. Le professeur Kilojoule porte son cerveau dans un bocal transparent sur le haut de son crâne et est juché sur d’immenses pattes articulées. L’exo-détecteur qui poursuit Abélard est même équipé d’une boîte noire que l’on visionne après sa destruction ! Ainsi, hormis les pestiférés, ainsi qu’Abélard et Héloïse, tous voient leurs corps prolongés par d’étranges ramifications mécaniques que l’on passe du temps à détailler.
Il n’y a pas que ces sortes de cyborgs qui attirent l’œil : on peut passer un temps inouï à observer les détails des planches de Bouillez tant son travail est méticuleux. Les intérieurs sont remplis de tableaux, de petits flacons, les maisons sont constellées de petites fissures… même les arbres des marais se différencient les uns des autres ! L’univers de Bouillez se distingue aussi par son choix de couleurs. L’omniprésence du vert, décliné dans toutes les gammes, se marie étrangement bien avec des touches de couleurs plus éclatantes, comme du rouge, avec toujours un fond marron très clair ou violet, qui ajoute un côté étrange au monde de PEST.
Au final, c’est l’immense soin apporté aux dessins et le petit côté décalé des situations que l’on retiendra de PEST. D’ailleurs, dans une interview à ActuSF, Bouillez évoque sa prochaine collaboration avec Eric Corbeyran qu’il qualifie de « très décalé[e] ». On a hâte de voir ça !