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Peste

Chuck Palahniuk ( Auteur), Alain Defossé (Traducteur)
Langue d'origine : Anglais UK
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 30/04/2009  -  livre
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Peste

Né en 1962, Chuck Palahniuk est étiqueté comme « auteur à scandale » depuis la parution de son premier roman Fight Club écrit en 1996, et surtout depuis le film qui en a été tiré. Il aime bousculer les conventions et l’ordre social avec des écrits subversifs et donc dérangeants. Son fonds de commerce : les comportements marginaux, le sexe et la violence. En 2006, dans une interview sur Fluctuat.net, il s’enorgueillissait que plus d’une centaine de personnes soient tombées dans les pommes en l’écoutant lire des extraits (et notamment la nouvelle Tripes) de son dernier roman : A L’estomac. Un roman en forme de huis clos entre plusieurs héros enfermés volontairement ensemble dans une maison. Pour Peste, il nous raconte l’histoire de Rant Casey, un individu hors du commun vu à travers les témoignages de tous ceux qui l’ont approché de près ou de loin.

Rant, petit garçon à part

Né dans la petite ville de Middleton en plein cœur de l’Amérique, Rant Casey est un enfant un peu turbulent. Depuis qu’il a été piqué par une veuve noire et qu’il a survécu, il passe son temps à essayer de se faire mordre ou piquer par tous les insectes et les animaux du secteur. En parallèle, il trouve une sorte de trésor qu’il distribue aux autres enfants en échange de leurs dents de lait, destabilisant peu à peu l’économie de Middleton, faisant grimper les prix des commerçants qui leur vendent des bonbons notamment et entraînant une inflation terrible dans le secteur. Devenu adulte, il répandra la rage autour de lui, devenant pour les uns le pire criminel de l’histoire des Etats-Unis, et pour les autres un véritable héros.

Un roman étrange et passionnant

Avec Peste, Chuck Palahniuk a choisi de ne jamais se mettre dans la peau de son héros mais de multiplier les témoignages autour de lui après sa mort. C’est donc un portrait en kaléidoscope qu’il nous propose avec comme conséquence, puisque chaque témoignage est morcelé en petits bouts, une narration très dynamique et vive. On saute littéralement de passage en passage, en se faisant peu à peu une idée du personnage principal et de son histoire. Le procédé est inhabituel mais diablement efficace, même si parfois l’abondance de ces témoignages lasse un peu, avec ce sentiment que le récit s’enlise, notamment lorsqu'il évoque le "crashing", une pratique de chauffards aimant se chatouiller les pare-chocs la nuit en pleine ville et créer de faux accidents.

Dans ce puzzle de déclarations, Rant apparaît comme un homme trouble et mystérieux. Adulé par les uns, détesté par les autres qui voient en lui un criminel, il en ressort comme un personnage décalé mais finalement pas bien méchant. On a même l’impression qu’il ne se rend pas véritablement compte qu'il est l’épicentre de l’épidémie de rage qui se propage dans tout le pays. Rage qu'il a attrapée en se faisant mordre par des animaux sauvages. Tout comme étant enfant, il déstabilise l’économie de Middleton sans pour autant qu'on ait le sentiment qu’il l’ait vraiment prévu ou calculé. En ce sens, il garde tout son mystère, agissant semble-t-il pour lui seul et sans prendre véritablement en compte les conséquences de ses actes et de ses décisions. Il devient un demi-dieu presque par hasard. Et en même temps on ne peut pas forcément dire qu’il n’a pas conscience de ce qui se passe dans sa vie. Certains passages montrent même qu’il en a une idée bien précise. Ce qui est sûr, c'est que ses motivations ne sont à aucun moment dévoilées puisque la voix du narrateur n'est jamais la sienne.

Et au moment où les contours du personnage commencent à apparaître, un double élément science-fictionesque intervient. Le premier est presque anodin. Palahniuk a imaginé une Amérique coupée en deux, dans laquelle chacun choisit dans les grandes villes s’il veut vivre la nuit ou la journée. Une séparation aussi bien économique que sociale qui a pour objectif d'endiguer le chômage par exemple. Mais ce faisant, chaque communauté s’éloigne peu à peu l’une de l’autre et ce découpage permet à l’auteur de mettre en exergue toutes les tensions qui ressortent lorsque la rage se propage, les diurnes accusant les nocturnes d'en être à l'origine par exemple. Des tensions dans lesquelles il faut bien évidemment voir une critique féroce de l’Amérique d’aujourd’hui.

L’autre élément de SF est le voyage dans le temps. Un jeu avec le passé qui éclaire certains moments clefs de la vie de Rant. C’est grâce à lui qu’il devient une sorte de demi-dieu, l’explication scientifique de ce genre de voyage passant carrément au second plan tant son importance dans l’histoire est grande. Cette dernière partie jette le trouble sur le héros tout autant qu’elle l’éclaire. Et évidemment on en ressort sans que le mystère Rant Casey ne soit véritablement levé.

Moins violent qu’A l’estomac, moins sanglant, Peste n’en est pas moins intéressant. La critique sociale est toujours aussi présente mais cette fois c’est bien le personnage principal qui prend le pas. Un personnage emblématique de son époque mais surtout hors norme, comme ces héros qui se détachent d’un quotidien uniforme où les comportements sont stéréotypés. Moins violent donc, mais tout aussi acide. Indispensable. Comme d’habitude.

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