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Proto, Les Univers de Mathieu Lauffray

Mathieu Lauffray (Scénariste, Dessinateur)
Langue d'origine : Français
Aux éditions : Collection :
Date de parution : 30/06/2004  -  bd
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Proto, Les Univers de Mathieu Lauffray

Les amateurs de Mathieu Lauffray ne vont pas être déçus par ce magnifique ouvrage qui retrace le parcours de l’illustrateur. Né en 1970 à Paris, Mathieu Lauffray a très rapidement su que sa vie serait liée à sa passion, le dessin. Son bac en poche, il s’inscrit à l’Ecole d’Arts Décoratifs de Paris où il fera deux rencontres déterminantes, celles de Denis Bajram, que l’on ne présente plus, et de Frédéric Contremanche. Avec ce dernier, il réalise le premier tome du Serment de l’Ambre (Delcourt) pour sa thèse de fin d’études en 1995. Guy Delcourt décide de le publier la même année. Voilà Mathieu Lauffray lancé dans la cour des grands. Le reste, vous le découvrirez en feuilletant les pages somptueuses de cet ouvrage qui retrace magnifiquement la jeune carrière, seulement dix ans, de cet artiste hors pair et curieux de tous les médias. Plongez-vous dans son univers, ou plutôt ses univers…

Bande dessinée, illustration, cinéma, jeu vidéo, les différentes facettes de Lauffray

Le livre se découpe en plusieurs chapitres qui se proposent de montrer les diverses facettes du travail de Lauffray. C’est par la bande dessinée que tout commence. Bien qu’il n’ait que deux séries à son actif, Le Serment de l’Ambre (Delcourt) avec Contremanche au scénario, dont il a confié les rênes dès le deuxième tome à d’autres, et Prophet (Les Humanoïdes Associés), dont le premier tome était scénarisé par Xavier Dorison, il a durablement marqué les esprits. La rencontre avec Vatine et Blanchard lui a permis de réaliser les couvertures d’une trentaine d’albums de Star Wars pour Dark Horse.

Et c’est naturellement presque qu’il commence à travailler pour le cinéma. En 1997, il fait la connaissance de Christophe Gans qui lui propose de développer graphiquement l’univers de son long métrage Némo. Le projet est emballant et l’entreprise pharaonique. Marc Caro en est le directeur artistique et c’est d’après ses premiers designs que Lauffray dessine encore et encore. Mais finalement cette adaptation libre de Vingt mille lieux sous les mers de Jules Verne tombe à l’eau. Christophe Gans fait de nouveau appelle à lui pour son film Le Pacte des Loups. Il s’y consacre totalement et s’attèle au story-board et crée également les carnets de voyage du chevalier Grégoire de Fronsac. De nombreuses fois ses dessins apparaissent à l’écran et il va jusqu’à doubler la main de Samuel Le Bihan lorsque de Fronsac dessine. Le cinéma fantastique a décidément trouvé un dessinateur à la hauteur de ses fantasmes. Il réalise, en 2001, le dossier de pré-production de Vidocq à la demande du chef décorateur Jean Rabasse, puis Doug Headline fait appel à son talent pour qu’il crée des dessins originaux dans l’esprit du XIXème qui devaient apparaître dans son film Brocéliande. Enfin, il retrouve Pascal Laugier, qu’il avait rencontré sur Le Pacte des Loups, pour lequel il devient directeur artistique de son premier long-métrage Saint-Ange, produit par Richard Grandpierre et… Christophe Gans.

Troisième volet évoqué dans l’Art Book, le jeu vidéo. Dès 1996, Darkworks fait appel à lui pour concevoir les nombreuses peuplades, et les dieux qui les gouvernent, pour le jeu Khaos. Dans le même temps, il travaille sur les couvertures de Star Wars, le boulot ne manque donc pas, et les journées de vingt-quatre heures ne suffisent plus. Claire Wendling, alors sur le premier tome des Lumières de l’Amalou, lui donne tout de même un sérieux coup de pouce. Elle a réalisé finalement pas moins d’une vingtaine de créatures pour Khaos. Il renouvellera sa collaboration avec Darkworks en 2000 pour la création du jeu vidéo Alone in the Dark 4. Il doit alors concevoir les personnages mais également des illustrations.

Un ouvrage d’art indispensable pour tous les amateurs de Lauffray


Auteur aux multiples talents, vite reconnu par le monde professionnel, il ne restait plus à Mathieu Lauffray qu’à conquérir la reconnaissance du public, et c’est chose faite avec ses deux séries Le Serment de l’Ambre et surtout Prophet. L’Art Book que publie aujourd’hui Soleil est à proprement parlé un beau livre, extrêmement riche et à la mise en page impeccable. Il est une invitation à se plonger dans les fantasmes de l’illustrateur à l’imagination débridée et fertile. Mathieu Lauffray a un pouvoir unique, celui de plaire à un vaste public sans pour autant sacrifier au conventionnel son imagerie. Comme le souligne Xavier Dorison dans la Préface, « dans n’importe quelle image de Mathieu se dégage un pouvoir d’évocation unique, autant par sa force, son intensité, son originalité, que par sa capacité à communiquer au plus grand nombre ».

Le dessinateur, qui a été inspiré bien plus par le comic book américain que par l’école franco-belge, nous explique ses démarches, son processus de création. Il livre des clefs sur sa méthode, sur ses techniques, sur son monde. De pleines pages en esquisses, de crayonnés en illustration terminée, on découvre tout un pan caché de son univers. Tout au long de cette aventure, il nous accompagne en nous racontant un peu trop brièvement parfois, son parcours et ses rencontres qu’il salue toujours avec enthousiasme. On s’émerveille devant son dessin nerveux qui touchera d’abord les amateurs d’univers décalé, dérangeant et perturbant. Christophe Gans ne tarit pas d’éloges et évoque « son trait tourmenté, inconfortable […] qui tente d’aller derrière la surface des choses pour en donner une version convulsée, écorchée ». L’on rentre dans ses fantasmes, dans la noirceur de son imaginaire, parfois morbide. Il y a pourtant une dimension épique dans ses illustrations, qui vient sans doute de la démesure de son graphisme. Jamais grandiloquent mais souvent héroïque, il décrit des univers sombres et terrifiants dans lesquels on se plonge avec crainte et délice. A la fermeture de Proto, un seul regret nous effleure l’esprit, pourquoi Némo n’a-t-il jamais été réalisé ? Les illustrations de Lauffray nous ont impressionnés et titillés notre curiosité, on aurait voulu voir ce que cela allait donner sur grand écran. Peut-être, un jour, le rêve de voir ce cauchemar se réalisera-t-il…

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