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Répliques - Les secrets d'écrture d'Emmanuel Delporte
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Répliques - Les secrets d'écrture d'Emmanuel Delporte

"C’est un roman à la croisée des genres, à la fois thriller, roman d’aventure, récit de SF et Fantastique."

A l'occasion de la parution de Répliques, le 5 septembre dernier aux éditions Critic, Emmanuel Delporte revient sur l'écriture de son roman.

Actusf : Répliques est paru le 5 septembre dernier aux éditions Critic. Quelle a été l’idée à l’origine de ce roman ?

"Concernant le fond, le récit en lui-même, ça faisait un moment que j’avais imaginé une agence de renseignements omnipotente, chargée d’enquêter sur des évènements classés comme surnaturels, et entourée d’une aura de mystère. Une agence si nébuleuse qu’elle tendrait à échapper à tout contrôle et à se fixer ses propres objectifs (voire à assassiner, ou faire assassiner les gens qui la menacent)."

Emmanuel Delporte : Plus qu’une idée, c’était d’abord une envie. Celle d’écrire sur la Nouvelle-Zélande, où j’étais parti un mois avec ma femme, un pays dont nous sommes tombés amoureux. On a vraiment eu du mal à raccrocher les wagons à notre retour. (d’ailleurs, cette expérience a sans aucun doute contribué au projet qui dix ans plus tard, nous a poussés à nous installer au Canada.)
Concernant le fond, le récit en lui-même, ça faisait un moment que j’avais imaginé une agence de renseignements omnipotente, chargée d’enquêter sur des évènements classés comme surnaturels, et entourée d’une aura de mystère. Une agence si nébuleuse qu’elle tendrait à échapper à tout contrôle et à se fixer ses propres objectifs (voire à assassiner, ou faire assassiner les gens qui la menacent). Toute ressemblance avec des agences réelles est évidemment voulue. Quant à Ellis Dawn, le personnage principal, je l’avais déjà mis en scène dans plusieurs nouvelles, et comme je l’aimais bien, je voulais renforcer son background, le développer. L’intrigue s’est mise en place d’elle-même, au fur et à mesure. Je n’avais pas vraiment d’idée de départ, à part une volonté de creuser ces éléments et de raconter une bonne histoire, à la fois distrayante, un peu effrayante, mais porteuse de sens.

Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur son intrigue ?

Emmanuel Delporte : D’accord, mais pas trop, parce qu’il y a quand même un peu de suspense ! Le roman relate la première mission d’Ellis Dawn, sniper des Navy Seals laissé pour mort en Afghanistan, recruté par le Styx, une agence secrète dont on ne sait pas très bien quels sont ses tenants et aboutissants (disons que moi, je le sais, mais je garde des cartouches pour d’éventuelles aventures futures). Ellis Dawn est envoyé en Nouvelle-Zélande en compagnie d’un agent expérimenté afin d’enquêter sur un objet très ancien exhumé lors d’une série de tremblements de terre. Cet objet est au centre de plusieurs intrigues qui se croisent et mettent en scène des policiers, un riche industriel et un groupe de suprémacistes blancs. Sur fond de climat de fin du monde, Ellis Dawn va découvrir la véritable nature de cet objet, tout en en apprenant davantage sur l’origine du Styx. C’est un roman à la croisée des genres, à la fois thriller, roman d’aventure, récit de SF et Fantastique.

Actusf : Votre héros, Ellis Dawn va avoir découvrir faire face à une situations sans précédents. Comment l’avez-vous créé ? A-t-il suivi la route que vous lui aviez tracé ou vous a-t-il surpris ?

"Je l’avais alors imaginé comme un mélange d’Indiana Jones et de Hellboy, un homme d’action chargé de traquer et d’éliminer des créatures venues d’ailleurs. Mais il a beaucoup évolué depuis, dépassant cette image un peu lisse pour se complexifier, gagner en densité."

Emmanuel Delporte : Comme je le disais plus tôt, je l’ai créé il y a déjà quelques années, lorsque je l’ai fait intervenir dans plusieurs nouvelles et un roman (Amnésie, Chasseur de monstres et Stalingrad). Je l’avais alors imaginé comme un mélange d’Indiana Jones et de Hellboy, un homme d’action chargé de traquer et d’éliminer des créatures venues d’ailleurs. Mais il a beaucoup évolué depuis, dépassant cette image un peu lisse pour se complexifier, gagner en densité. C’est d’abord un homme qui a été privé de son identité, à qui on a volé son passé. Le Styx l’a fait passer pour mort et l’oblige depuis à travailler pour elle. C’est cet aspect qui m’a vraiment intéressé et je me suis attaché à développer son côté humain, tiraillé entre son devoir patriotique (c’est un soldat d’élite), les doutes que ses missions en Afghanistan avaient déjà éveillés et sa vie familiale brisée. On est donc en partie dans le roman initiatique, où le héros subit un changement radical entre le début du récit et la fin. Et en effet, cette initiation ne se fait pas sans dégâts, pour le grand plaisir des lecteurs/lectrices, je l’espère !

Actusf : Fin du monde, complot, racisme, catastrophe écologiques de grande ampleur… Ellis Dawn a de quoi s’occuper. Ces sujets étaient quelque chose que vous aviez envie d’aborder depuis longtemps ?

"J’ai des enfants et je connais la valeur cathartique des contes. Lorsqu’on lit une histoire effrayante à un enfant, c’est afin de l’aider à rationaliser sa peur et mieux la contrôler. J’ai donc écrit sur des sujets qui me flanquent la trouille."

Emmanuel Delporte : Mon premier but était d’écrire une histoire divertissante. Mais selon moi, un bon récit porte toujours davantage de sens que ce qu’il laisse paraître au premier abord. Je voulais écrire une sorte de blockbuster, un récit hérité des films d’action des années 90, les grandes heures de James Cameron, John Mc Tiernan ou Tony Scott. Or, si vous vous souvenez de ces films, ils allaient au-delà de leur simple vitrine spectaculaire (Ok, peut-être pas Top Gun). Abyss, Terminator, Piège de Crystal ou Predator avaient tous ce petit truc en plus qui les inscrivait dans leur époque. Je ne dis pas qu’il s’agissait d’œuvres militantes ou philosophiques, mais elles transmettaient en filigrane les questionnements ou idéaux de leurs créateurs. J’ai des enfants et je connais la valeur cathartique des contes. Lorsqu’on lit une histoire effrayante à un enfant, c’est afin de l’aider à rationaliser sa peur et mieux la contrôler. J’ai donc écrit sur des sujets qui me flanquent la trouille. Je me souviens que lorsque la catastrophe de Fukushima a eu lieu, j’étais avec des amis proches, et on s’était tous regardés en se disant que cette fois, c’était la fin du monde. Je suis avec la même angoisse, l’évolution désastreuse de notre climat, la montée en puissance des pensées nationalistes et xénophobes, et le terrain que gagnent les théoriciens du complot en diffusant leur pensée nauséabonde sur le terrain numérique mondial. Je n’ai pas la prétention de changer le monde avec Répliques, mais si je peux instiller quelques axes de réflexion au lecteur / lectrice tout en le / la divertissant, je serais heureux.

Actusf : Peut-on voir dans Répliques une critique de notre société actuelle ? De ce que vous pensez de notre monde et du futur de notre planète ? Est-ce une façon pour vous de tirer la sonnette d’alarme ?

"Il y a des instants dans l‘histoire qui sont décisifs, et j’ai peur que l’on ne prenne pas nos responsabilités, que l’on passe à côté de ce qui est important. "

Emmanuel Delporte : Encore une fois, je ne suis pas un lanceur d’alerte, et certainement pas un moralisateur. J’écris pour me libérer de mes démons et j’essaie de le faire d’une manière qui soit intéressante et amusante à lire. Mais oui, je regrette que notre civilisation oublie son histoire et ne tire pas les enseignements du passé, et soit tentée de retourner vers des ténèbres que nous avons déjà connues. Il y a des instants dans l‘histoire qui sont décisifs, et j’ai peur que l’on ne prenne pas nos responsabilités, que l’on passe à côté de ce qui est important. Qu’une jeune femme de 17 ans se montre plus courageuse et lucide que les gouvernants en charge de la destinée du monde est à la fois inspirant et inquiétant. Peut-être qu’il n’est pas inutile de mettre son poids dans la balance idéologique, afin d’aider à équilibrer des débats en grande partie saturés par des trolls, théoriciens du complots ou vendeurs de soupe pseudo-culturelle. L’appât du gain, la recherche du profit à court terme et les déséquilibres sociaux ne peuvent qu’engendrer des catastrophes, sociales, politiques, écologiques. Le fait que le grand méchant de Répliques se prénomme Donald n’est pas un hasard !

Actusf : Avez-vous eu des sources d’inspiration en particulier ?

Emmanuel Delporte : J’ai une écriture visuelle, et mon inspiration vient d’abord de films, de séries ou de BD/comics/mangas (ou de jeux vidéos). Outre les films d’action que j’ai évoqués plus tôt, j’ai été influencé entre autres par le comics Hellboy de Mike Mignola. Mon éditeur a évoqué une ressemblance avec les romans de Preston & Child. Et puis, Répliques laisse passer de temps à autres quelques traces de ma fascination pour les récits de Lovecraft, que j’ai réfrénée de mon mieux, afin de ne pas la laisser envahir mon histoire ou mon style. (Ça me fait penser que les deux tomes de la traduction de sa biographie m’attendent dans ma bibliothèque !)

Actusf : Y-a-t-il d’autres sujets qui vous tiennent à cœur et que vous aimeriez traiter ?

Emmanuel Delporte : Toutes les heures sombres de l’histoire et toutes les conneries que nous faisons à grande échelle m’intéressent et m’inspirent. Autant dire que je ne suis pas prêt de manquer d’inspiration. Je n’en ai pas fini avec la Seconde Guerre mondiale, que j’ai déjà traitée dans mon roman Stalingrad et dans plusieurs nouvelles. Mais ma grande ambition est de prolonger la carrière d’Ellis Dawn, de continuer à le développer, tout en faisant grandir le Styx. J’ai des projets un peu dingues à leur sujet et j’espère pouvoir les mener à bien.

Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Emmanuel Delporte : En ce moment, je m’acharne surtout à interpréter des rythmes cardiaques sur un ECG, pour valider mon intégration professionnelle au Canada (je sui infirmier en soins intensifs). C’est moins fun que de faire exploser des avions ou de déclencher des séismes à l’autre bout du monde ! Blague à part, j’ai un roman de SF qui devrait sortir début 2021 chez un éditeur français, je planche sur une nouvelle destinée à un éditeur de SF que j’adore et avec qui j’ai eu l’immense chance de travailler dans le passé (ce qui ne me donne aucune garantie pour ce texte), j’affine le plan d’une suite possible à Répliques et je tente de placer divers manuscrits (dont un jeunesse) en France et au Québec.

Actusf : Où peut-on vous rencontrer dans les mois à venir ?

Emmanuel Delporte : Je n’ai pas prévu de rentrer en France prochainement. Donc si vous me voyez, ce sera dans un hôpital de Montréal, au bout de mon stéthoscope ou de ma seringue, ce qui voudrait dire que vous avez eu un sérieux pépin. Je ne vous le souhaite pas ! Par contre, je suis facilement joignable sur les réseaux sociaux ou par email, alors n’hésitez pas à me contacter si vous le souhaitez.

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