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Sauve qui peut Demain la santé - Retour sur la nouvelle anthologie des éditions La Volte
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Sauve qui peut Demain la santé - Retour sur la nouvelle anthologie des éditions La Volte

A l'occasion de la sortie de Sauve qui peut Demain la santé, Stuart Calvo, qui a coordonné l'ouvrage, revient sur la création de cette anthologie aux éditions La Volte.

Actusf : Demain la santé vient de paraître aux éditions La Volte. Comment est né cet ouvrage ? Est-il dans le même esprit que Demain le travail ?

Stuart Calvo : Demain la santé est le fruit d’une longue période de doutes et d’interrogations, comme je l’exprime dans la postface du livre. Je suis depuis longtemps passionnée par l’histoire des luttes sociales, la manière dont celles et ceux qui nous ont précédés ont tenté de faire en sorte, par leurs revendications et leurs combats, que le monde devienne habitable pour toustes. La manière dont une société se construit, son histoire, les forces qui l’animent, les rêves et aspirations qui la portent me fascinent.
Pour moi la SF a toujours été un complément indissociable de l’histoire afin d’appréhender notre présent, une manière stupéfiante de donner à voir et à ressentir, par le récit, les luttes qui s’y trament, de démêler les nœuds et d’y voir plus clair dans le mouvement général.
Lorsque j’ai eu besoin de trouver des réponses sur ce que signifiait le travail au XXIe siècle, c’est naturellement vers la SF que je me suis tournée, en même temps que j’ai dévoré moult livres d’histoire, essais et romans tel que La Bombe de Frank Harris, La Jungle d’Upton Sinclair ou Les Travaillants de Grégoire Courtois.
En ce qui concerne Demain la santé, le chemin a été plus difficile. Je me suis longuement interrogée sur ma légitimité à coordonner un tel recueil, parce que non soignante, parce que, quelque part « extérieure » au système. Mais les autrices et auteurs de La Volte, avec qui nous avions pu en discuter, ont tout de suite voté « pour » la santé : un sujet « qui nous touche toutes et tous ». Initialement, si j’ai eu envie d’aborder ce thème, C’est parce que la crise que traverse notre système de santé depuis des années, ses impacts humains et sociaux, la souffrance des soignants qui va crescendo m’interpellent profondément sur l’avenir qui s’offre à nous. La crise sanitaire qu’a traversé la Grèce à partir de 2015 a été un électrochoc pour moi sur le mur que nous allions prendre, qui était déjà là. Et puis, j’ai été particulièrement frappée de découvrir aux alentours de 2015 l’existence de tout un pan du système de santé que je ne connaissais pas, avec les patients partenaires ou encore patients enseignants, les associations d’usagers, les expériences de santé communautaire, le tournant majeur qu’a représenté « La grande révolte des malades du sida » dans les années 80-90… autant de sources d’inspirations phénoménales pour construire autrement, ensemble, préserver le prendre soin et la santé comme « commun ».
Demain la santé, c’était la volonté d’interroger tout cela, de donner la parole à toutes et à tous, que chacun.e puisse témoigner, au prisme de la science-fiction, sur la manière dont iels perçoivent demain.

Tout est résumé dans l’appel à textes par ici.

Demain la santé s’est annoncé dès le début comme un recueil résolument social – dans la veine de la social science-fiction chère à Doris Lessing ou à Ursula Le Guin - et engagé.

Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur les textes qui composent cette anthologie ?

Stuart Calvo : Compliqué de résumer l’esprit de 15 textes, mais il me semble que si quelque chose se dégage du recueil, c’est bien cette volonté d’envisager la transmission du soin et des savoirs autrement, de rompre avec la hiérarchie sachants vs patients – patient au sens littéral du terme, c’est-à-dire celle ou celui qui patiente, qui est passif.ve – pour aller vers plus de communauté et d’agir ensemble. Je pense aux textes de Chloé Chevalier, de Raphaël Granier de Cassagnac, d’Elio Possoz…
C’est aussi un recueil féministe à mon sens, une critique du paternalisme médical qui perdure, en témoignent les textes de Ketty Steward ou de Théodore Koshka.
Demain la santé c’est encore une critique acerbe de la standardisation des soins et du risque de société à deux vitesses que pourrait faire émerger un progrès technologique sans véritable projet politique en amont : avec les textes de Mélanie Fievet ou de Benno Maté, celui de Sabrina Calvo aussi, qui se veut en même temps une ode à la profession d’infirmière tout comme le texte de Chloé Chevalier, à la sororité.
Je peux évoquer également la nouvelle de Tristan Bultiauw qui interroge sur la notion même de santé : est-ce qu’une société sans maladie signifie pour autant que chacun est en bonne santé ? Celle de Lauriane Dufant, qui interroge la place des personnes en situation de handicap face à la normalisation validiste, le texte de Norbert Merjagnan avec son médecin dépossédé de l’acte de soigner…

J’aime à dire que Demain la santé est un recueil insurrectionnel et de la reconstruction.

Mais il y aurait tant à dire, cet exercice est frustrant !

Actusf : Comment avez-vous travaillé ? Appel à texte ouvert ? Cherchiez-vous des textes (propos) en particuliers ?

Stuart Calvo : Comme j’ai pu l’évoquer plus haut, l’idée était de donner la parole à toutes et à tous.
C’était la démarche politique qui présidait au recueil : que chacun puisse écrire, se sente l’autorisation d’écrire, parce que le sujet de la santé nous appartient à toustes. L’appel à texte ouvert, nous y pensions depuis longtemps et Demain la santé nous a permis de passer à l’acte.
Bien sûr, nous espérions rencontrer de nouvelles plumes – ce qui a été le cas – et bien sûr nous souhaitions composer un recueil qui abrite une diversité de thèmes, tout en restant fidèle à la ligne éditoriale de la Volte, à savoir l’expérimentation littéraire.
La sélection parmi les 250 textes reçus a nécessité la création d’un comité de lecture et l’élaboration de laborieux tableurs visant à identifier les thèmes abordés, les points de vue adoptés, la qualité et l’originalité littéraire, le respect des consignes de l’appel à texte…
Au final, je pense que nous sommes parvenus à rassembler et à faire cohabiter une grande variété de styles. Quant aux thèmes… nous avions assez peur de recevoir blinde de textes transhumanistes, de récits de vies augmentées ou de tentatives de prospective scientifique, ce qui n’était pas du tout l’objet du recueil. Il y en a eu quelques un, mais très peu, au final.

Actusf : Avec la pandémie du Covid 19, votre regard sur Demain la santé a-t-il évolué ?

Stuart Calvo : Oui et non.
Non : Demain la santé met en exergue des problématiques déjà présentes, que la crise sanitaire n’a fait qu’amplifier : professionnels de santé épuisés et sursollicités, système de santé à bout de souffle, faible ou mauvaise implication par les pouvoirs publics de la société civile et des patients, inégalités de santé et d’accès aux soins…
Et oui : je suis immensément fière et bluffée par ces auteurices qui ont placé au cœur de leur texte la réflexion autour de nouvelles manières d’organiser la transmission des savoirs, du prendre soin, qui ont pensé la nécessité d’actions collectives. Je suis immensément fière de ce recueil.

Actusf : Avez-vous une anecdote à nous confier concernant ce livre ?

Stuart Calvo : Mon émotion devant la richesse des débats suscités par les textes, lorsque nous avons lancé Demain la santé à la librairie Quilombo, en présence des auteurices Sabrina Calvo, Mélanie Fievet et Elio Possoz, ainsi que de Caroline Izambert, Responsable de plaidoyer chez AIDES, et de Fanny Vincent, sociologue et co-autrice de La Casse du siècle, À propos des réformes de l’hôpital public. Mon ressenti, tout comme pour Demain le travail, est que ce sont lors des interactions avec le public que les textes prennent vie et revêtent tout leur sens. Qu’un texte de science-fiction puisse devenir le vecteur de l’expression des uns et des autres, un moyen de d’alimenter le débat démocratique, voilà qui justifie pleinement des centaines d’heures de travail.

Actusf : Quels sont vos autres projets en cours et à venir ?

Stuart Calvo : Nous avons été très frustrés de ne pouvoir choisir que 15 textes parmi le flot qui nous est parvenu. Nous avons donc présenté un dossier au DICREAM afin de créer un outil d’écriture collaborative à partir de 3 univers narratifs imaginés par 3 binômes d’auteurices.
Nous avons obtenu les financements et sommes en train de travailler à la création de l’architecture techno et des univers : lancement prévu pour février 2021, mais nous avons prévu de communiquer sur notre démarche prochainement…

Par ailleurs, j’ai de mon côté rejoint le Master en Santé publique du LEPS (Laboratoire d’éducations et pratiques en santé), à Paris 13. La fameuse école de Bobigny ! Tout un programme, en cours et à venir (rires).

Actusf : Où peut-on vous rencontrer dans les semaines à venir ?

Stuart Calvo : Nous étions le 12 octobre dernier à La Bellevilloise, dans le cadre d’un partenariat avec l’Espace Ethique Île-de-France. Étaient présents les auteurices Raphaël Granier de Cassagnac, Chloé Chevalier, Sabrina Calvo et Tristan Bultiauw pour échanger avec les chercheuses et chercheurs de l’Espace Éthique. La captation sera mise en ligne prochainement.

Nous serons le 14 novembre prochain à la librairie Ombres Blanches à Toulouse, avec Sabrina Calvo, Lauriane Dufant, Lise N. et l’auteur et médecin Baptiste Beaulieu.

Enfin, nous sommes invité.e.s le 22 mars prochain à intervenir au Tambour, par l’Université Rennes 2, dans le cadre de la semaine de sensibilisation nationale sur les questions de santé mentale : plus d’informations très bientôt …

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