Né en 1931 à New York, Gene Wolfe a d’abord intégré la garde nationale du Texas avant de poursuivre une carrière d’ingénieur. Sa carrière d'auteur décolle avec la publication de son premier texte en 1965. Il publie de nombreuses nouvelles et obtient le succès avec son cycle Le Livre du Nouveau Soleil de Teur entamé en 1980. On lui doit également en fantasy un formidable diptyque, Le Chevalier-Mage, et nous retrouvons cette fois l'auteur en Grèce antique, avec Soldat des brumes.

Un guerrier amnésique

En 479 avant J.-C., un an après la célèbre bataille des Thermopyles, erre un guerrier rendu amnésique à la suite d'une blessure reçue à la tête. Latro a ainsi tout oublié de son passé, mais sa malédiction ne s'arrête pas là, puisqu'il oublie chaque journée après d'être endormi. Il se voit alors contraint de tenir un journal, pour affronter ce monde qu'il découvre chaque jour... en contrepartie de cette infirmité, il a cependant reçu un don : celui de voir les divinités et divers êtres surnaturels qui peuplent le monde qui l'entoure...

Un formidable voyage dans la Grèce antique

Gene Wolfe est un auteur singulier, qui n'hésite pas à se jouer des codes et de la structure linéaire du roman : la trilogie réunie ici en deux épais volumes ne fait pas exception à la règle, avec son héros qui oublie tout d'une journée à l'autre. Le fait est que le début du roman est exigeant, nécessitant une lecture attentive afin de reconnaître les différents protagonistes qui entourent le héros, ainsi que l'espace géographique dans lequel il évolue. Chaque chapitre est ainsi comme un nouveau départ, qui vient ajouter de nouveaux éléments au monde que le lecteur parvient à reconstruire à partir du récit, alors que Latro est lui toujours dans le brouillard.

Un éternel recommencement qui aurait pu être répétitif, mais Gene Wolfe déploie ici tous ses talents de conteur, et le procédé lui permet de présenter la Grèce antique par petites touches, et sous tous ses aspects, que ce soit la vie quotidienne ou l'importance des sacrifices aux dieux. Les dialogues font mouche, et les descriptions sont suffisamment évocatrices pour que le récit ne souffre d'aucun problème de rythme.

Si le héros est amnésique, cela n'empêche pas l'auteur de mettre en place une galerie de personnages hauts en couleurs particulièrement bien campés, et si Latro évolue sans certitudes, le monde autour de lui est consistant, et s'étoffe derrière ses pas. L'environnement décrit est ainsi particulièrement vivant, et l'ajout d'éléments fantastiques, avec la capacité du héros à voir les divinités, apportent une dimension supplémentaire à ce récit. On est dans un monde où la magie est encore à l'œuvre, et tous ces éléments donnent au texte le même souffle que les plus grandes épopées.

Un très beau texte en somme, un récit fascinant qu'il est difficile de quitter une fois le voyage commencé !