Actusf : Est-ce que vous pouvez nous raconter la genèse de Songeurs de Monde ?
"Nous avons commencé à y travailler en 2016, il y a trois ans, et petit-à-petit, réunion après réunion, le projet a pris de l’ampleur. Nous nous sommes découverts des liens forts, des valeurs communes, et surtout une façon de travailler partagée, qui fait la part belle à la spontanéité, à l’élan créatif, et surtout à une approche optimiste du futur."
Ugo Bellagamba : Christophe Dougnac est l’initiateur du projet : il m’avait demandé, en 2015, après quelques rencontres aux Utopiales de Nantes et au Festival d’astronomie de Fleurance (Gers), de faire la postface de son livre précédent, Planètes Humanoïdes, écrit avec Loman Bourdet, qui revisitait les planètes du système solaire à l’aune de son imaginaire poétique. À la suite de ce travail, Christophe avait évoqué la possibilité d’une création partagée avec moi, qui devait s’appeler, initialement, Exoplanètes humanoïdes. Nous avons commencé à y travailler en 2016, il y a trois ans, et petit-à-petit, réunion après réunion, le projet a pris de l’ampleur. Nous nous sommes découverts des liens forts, des valeurs communes, et surtout une façon de travailler partagée, qui fait la part belle à la spontanéité, à l’élan créatif, et surtout à une approche optimiste du futur. Ainsi, la création des personnages, de nos « humanoïdes » a été si stimulante, que nous avons rebaptisé le projet Songeurs de Monde.
Actusf : Qu'est-ce qui vous a donné envie de travailler ensemble ?
Christophe Dougnac : Je connaissais Ugo pour la qualité de ses modérations aux Utopiales et ses idées sur la science-fiction. Il m’a appris à regarder le ciel pendant le festival d’astronomie de Fleurance où nous avons commencé à rêver d’un roman graphique que nous écririons ensemble. Nos sessions d’écriture, à Toulouse, à Nyons, et dans mon atelier à Fleurance, dans le Gers, ont posé les base de notre histoire et notre relation de créateurs. Je n’avais guère lu ses textes, et je ne les ai découverts qu’au fur et à mesure de travail créatif.
Ugo Bellagamba : Ce qui m’a spontanément touché chez Christophe, c’est sa gentillesse et sa générosité, en tant que personne, bien sûr, mais en tant qu’artiste surtout. Il ne fait pas partie de ces créateurs torturés qui, sourcils froncés, avec un sérieux mortel, expliquent leur démarche esthétique. Quand Christophe parle de ses tableaux, ses yeux brillent comme ceux d’un enfant. Ce que j’ai également aimé, c’est son approche de la peinture traditionnelle, alors même qu’il a, au départ, une formation de graphiste. Il ne pose aucune barrière à sa créativité, sa seule chapelle est l’enthousiasme.
Actusf : Et de quelles façons unissez-vous votre récit Ugo avec les illustrations de Christophe Dougnac ?
"Quand je montre ou j’envoie des croquis, des dessins, des roughs ou même des tableaux finis, Ugo sait toujours rebondir avec spontanéité et il me raconte ce qui se cache derrière les traits ou ce qu’on ne voit pas directement dans mes toiles."
Ugo Bellagamba : Il me faut préciser tout de suite que nous n’avons pas du tout travaillé de façon aussi tranchée ; en tant que peintre-auteur, Christophe était déjà engagé dans l’écriture bien avant notre rencontre, et c’est tout naturellement que lui aussi a pris la plume dans ce projet, en plus de ses peintures. D’abord, il est le poète du duo que nous formons, puisque chacun de nos personnages est introduit par l’un de ses poèmes calligraphiés. En terme plus narratifs, s’il est vrai que j’ai écrit et finalisé la plupart des chapitres des Songeurs de Monde, Christophe a été acteur du processus d’écriture et il est l’auteur du chapitre dédié à l’humanoïde nommé Archiboldo, qui s’inspire du peintre maniériste milanais, Giuseppe Arcimboldo. Il est aussi l’auteur quasi-exclusif du cycle de vie des Arénaires, dont je vous laisse, bien sûr, le plaisir de la découverte. De mon côté, je le jure solennellement, je n’ai pas touché une seule fois aux pinceaux et à la palette graphique ; mais j’ai pu contribuer à la conception et à la maquette de l’ouvrage, en donnant mes ressentis esthétiques, en faisant des propositions, dont Christophe a souvent tenu compte spontanément.
Christophe Dougnac : Quand je montre ou j’envoie des croquis, des dessins, des roughs ou même des tableaux finis, Ugo sait toujours rebondir avec spontanéité et il me raconte ce qui se cache derrière les traits ou ce qu’on ne voit pas directement dans mes toiles. Les lieux, les personnages s’étoffent dans un échange permanent qu’on a pris l’habitude de valider tous les lundis par téléphone, car la distance nous a aussi donné la liberté de travailler chacun de notre côté, et en parallèle, des parties différentes du projet. Nous avons notamment co-écrit les parties sur Honorine, Kalista Verne, qui était un personnage que j’avais déjà créé dans mon livre AmuseZ. J’ai écrit le chapitre sur Archiboldo, je suis particulièrement fier du poème qui clôt l’ouvrage… Mais, comme Ugo, je ne tiens pas à tout dévoiler.
Actusf : Qui sont les Songeurs de Monde ?
"Ce sont des voyageurs, avant tout, qui sillonnent le vaste univers pour découvrir de nouveaux mondes et en ramener des rêves pour l’humanité."
Ugo Bellagamba : Ce sont des voyageurs, avant tout, qui sillonnent le vaste univers pour découvrir de nouveaux mondes et en ramener des rêves pour l’humanité. Ils forment un équipage, ou plutôt, une équipe, peut-être même une famille étendue aux confins du ciel. Leur mission est à la fois individuelle et collective et leur engagement, à chacun, est à la mesure de leur parcours. Il y a Ambre, Archiboldo, Enacryos, Honorine, Wong, et Taâm, bien sûr, leur vaisseau pensant. Christophe et moi avons longuement réfléchi à leur histoire, à leurs origines, et à leurs caractères.
Christophe Dougnac : Oui. Et, comme tout être complexe, ils dissimulent des failles, des fragilités, et, parfois, assument mal les causes profondes de leur ambitions. Mais, tous ont en commun la conviction profondément ancrée qu’il faut aller vers la lumière, trouver un nouveau chemin à travers les méandres du ciel… Chaque humanoïde apporte sa « voix » particulière. Comme le dit Taâm : « Il faut aller au bout du livre, jusqu’à la dernière ligne, pour le comprendre. Il faut suivre le dernier trait de l’artiste, le dernier geste, pour mesurer la valeur de son œuvre, et, dans une folle accélération, voir l’origine de l’univers ».
Actusf : Sur le descriptif d'Ulule, vous vous placez dans les pas de Jules Verne, de quelle manière ?
Ugo Bellagamba : L’hommage à Jules Verne, et aux Grands Anciens de la SF, est essentiel. C’est l’esprit des pionniers que nous évoquons. Ainsi, « Taâm », le vaisseau tient tout à la fois du « Nautilus » de Jules Verne et du « Stellarium » de J.-H. Rosny aîné, et, à un certain moment du roman, arrive un personnage qui est directement lié à Jules Verne. Et puis, Honorine porte le nom de l’épouse du grand écrivain des Voyages Extraordinaires. Enacryos est l’un des pseudonymes sous lesquels écrivait Rosny ainé. Mais cette énumération ne rend pas ce que nous avons voulu faire, Christophe et moi. Il faut comprendre que nous avons fait en sorte d’oublier le présent, et les visions normatives et stéréotypées du futur que l’on nous propose aujourd’hui, souvent sombres et pessimistes, pour mieux nous mettre en résonance avec la SF pure des origines, celle d’avant les pulps américains, d’avant même le merveilleux scientifique européen. Celle dont la quintessence est le voyage imaginaire, sans limite.
"L’hommage à Jules Verne, et aux Grands Anciens de la SF, est essentiel. C’est l’esprit des pionniers que nous évoquons."
Actusf : Vous êtes en plein crowfunding, comment vivez-vous cette étape ?
Ugo Bellagamba : Avec un mélange d’exaltation et de stress, bien sûr. Depuis les premiers jours, le pourcentage monte, lentement, et, grâce à l’expérience de Christophe, qui en est à son troisième livre d’art en financement participatif, nous accumulons ces petites victoires sous forme de pourcentage, qui nous disent que les gens croient à notre projet, à sa valeur, à son originalité. Le plus important, si j’ai bien compris, c’est que les gens qui ont déjà souscrit, et qui, pour certains, sont des proches, fassent l’effort de diffuser l’information autour d’eux et motivent eux-mêmes de nouvelles souscriptions. Tout cela fonctionne en dehors des créneaux éditoriaux et de communication commerciale classique. C’est un peu un retour à la plus vieille façon de se faire connaître son travail en tant que créateurs, le « bouche à oreille ». Sauf, qu’en l’espèce, il faut convaincre en amont, et non en aval, de l’impression du livre. Après tout, l’Encyclopédie de Diderot elle-même n’a pu voir le jour que grâce à ses souscripteurs.
Christophe Dougnac : J’en suis à mon troisième ouvrage en souscription et je suis toujours aussi surpris par le fait que ça ne démarre jamais de la même manière. Tout est une histoire de contexte social et politique, d’entourage, et de moment où vous sollicitez votre réseau et de la manière dont vous communiquez sur votre projet. Nous venons, Ugo et moi, de faire notre première conférence sur les Songeurs de Monde pendant la Pop-Con de Toulouse, durant tout un week-end qui s’est avéré très riche en émotions. Le public était très réceptif sur les originaux et sur les extraits de texte. Ugo a même montré la maquette du livre sur son ordinateur et nous avons eu des très bon retours. On reste très motivés tous les deux, mais on est déjà ravis que la campagne ait démarré aussi bien, mais il faut continuer. Cette interview, en particulier, est une très belle opportunité de faire comprendre la valeur de notre travail créatif. Merci à ActuSF.
Actusf : Est-ce que vous avez d'autres projets, d'autres envies ensemble ?
Christophe Dougnac : Oui, je veux illustrer les Contes étrusques d’Ugo et sûrement son petit répertoire que j’aimerai voir en version imprimer, pour l’enrichir et pour le maquetter comme je le fais de mes romans graphiques. Les autres projets restent secrets.
Ugo Bellagamba : Naturellement. L’expérience est trop belle. Je confirme que nous allons travailler ensemble sur mon projet de contes étrusques, c’est déjà programmé. Pour le reste, c’est moins le secret, de mon côté, que la prudence (et l’expérience) qui me fait rester coi. Créer se conjugue au présent.
Lien vers la page Ulule du projet Songeurs de Monde.
Lien vers le site professionnel de Christophe Dougnac.
Lien vers le blog personnel d’Ugo Bellagamba.