A l'occasion de la parution de Tepuy, aux éditions Critic, François Baranger revient sur l'écriture de ce roman.
Actusf : Comment est née l'idée de ce roman ? Qu'aviez-vous envie de faire ?
François Baranger : Après l’écriture de « L’Effet domino », un thriller historique qui m’avait demandé beaucoup de recherches et un long travail préparatoire, j’avais envie d’un roman plus intuitif, dont l’écriture serait plus directe, qui ne nécessiterait pas des semaines de préparation. J’ai donc repris une idée que j’avais notée quelques années plus tôt : un personnage se réveille amnésique au sommet d’un tepuy, l’un de ces hauts plateaux très spectaculaires du Venezuela, cernés de falaises abruptes de 1000m. Situation délicate !
J’avais aussi envie de m’essayer à l’écriture du « page turner », ces romans construits de telle manière qu’on ne peut plus les lâcher après les avoir commencés !
Actusf : C'est un thriller qui flirte avec la science-fiction et le fantastique. Les références à Aliens ou Lovecraft vous vont-elles ?
François Baranger : Plus ou moins. La série Alien est franchement dans le registre science-fiction futuriste, ce qui n’est pas mon cas. Quant à Lovecraft, malgré tout l’intérêt que je porte à ses œuvres, vous vous en doutez, je ne perçois pas vraiment la parenté avec Tepuy. Comme il s’agit d’un thriller avec une tendance SF, je penserais plutôt naturellement à un auteur comme Michael Crichton.
Actusf : Est-ce que vous pouvez nous dire ce qu'est un tepuy et pourquoi avez-vous voulu y placer une partie de votre intrigue ?
François Baranger : Les tepuys sont de gigantesques plateaux aux contours particulièrement abrupts, présents dans la forêt amazonienne (au sud du Venezuela, pour la majorité d'entre eux). Les plus grands mesurent plusieurs centaines de kilomètres carrés et s'élèvent à plus de 1000 mètres au-dessus de la jungle. De fait, leur surface est virtuellement séparée du reste de la forêt, et la plupart des espèces qu'on y trouve sont endémiques.
Tout ceci en fait un décor naturel très tentant pour un auteur de fiction. Je ne suis d'ailleurs pas le premier à y avoir pensé puisque Arthur Conan Doyle avait situé les dinosaures de son "Monde perdu" (1912) au sommet de l'un d'entre eux. C’est un roman que j’avais dévoré lorsque j’étais adolescent et j’avais toujours gardé dans un coin de l’esprit l’idée de m’en servir un jour. Comme on peut le voir dans mes illustrations, je suis très sensible aux décors, ils m’inspirent beaucoup.
Actusf : Pourquoi avoir rendu amnésique Ruzena, votre personnage féminin ? Qu'est-ce que cela vous permettait en tant qu'auteur ?
François Baranger : Cela induit une façon très différente de raconter l’histoire. Le point de vue d’une personne qui n’a plus accès à ses souvenirs est plus brut, plus instinctif, que celui d’une personne qui peut sans cesse se référer à son expérience passée. Cela a aussi un intérêt dans ses rapports avec les autres protagonistes, surtout lorsqu’ils ont connaissance de cette amnésie. Et, pour finir, il y a aussi un avantage en termes d’identification au personnage principal : au début de l’histoire, le lecteur se trouve exactement dans la même situation que l’héroïne puisque les deux ignorent tout de ce qui a précédé et ce qui va suivre.
Actusf : Pouvez-vous nous dire un mot de Clinton Fisher ? Qui est-il ?
François Baranger : Clinton est un détective privé un peu paresseux, qui se passionne davantage pour la lecture que pour les enquêtes, et qui va se trouver entraîné lui aussi dans cette histoire, quoique pour des raisons bien différentes que celles de Ruzena, l’héroïne. Clinton, c’est aussi l’image trompeuse du type sympa, débonnaire, facile à embobiner, mais qui va se révéler bien plus retors que certains ne le pensaient au début.
Actusf : Le suspens monte peu à peu. Comment avez-vous construit votre roman ? Tout était planifié dès le départ ?
François Baranger : Pour un thriller qui comporte une certaine part de polar, il vaut mieux savoir où l’on va. J’ai donc construit un plan assez précis de l’ensemble. De toute façon, quel que soit le genre d’histoire que j’écris, je procède toujours ainsi. J’aime beaucoup cette phase de construction où l’on met sur pied petit à petit une histoire, basée sur une idée que l’on trouve bonne, mais dont le développement initial est bourré de défauts ; puis, à force de le travailler, de l’affiner, on finit par sentir une cohérence générale se dégager et les derniers éléments se mettent en place tous seuls ! De plus, tout construire au préalable me permet de mieux me concentrer sur le style proprement dit au moment de l’écriture.
Actusf : Le roman parle aussi des multinationales pharmaceutiques. Pourquoi aviez-vous envie d'évoquer ce sujet ?
François Baranger : C’était plus un impératif scénaristique qu’une envie, à vrai dire. D’ailleurs, il est parfois étonnant de constater qu’une histoire qu’on a écrite longtemps avant peut résonner avec l’actualité au moment de la sortie du livre. Par exemple, sans trop divulgâcher, il y a une scène de décontamination des personnages qui craignent d’avoir été exposés à un virus, pour laquelle il avait fallu que je me documente un peu afin de la rendre la plus réaliste possible... et, pendant l’épidémie de coronavirus, j’y pensais presque chaque fois que je me lavais les mains au gel hydroalcoolique !
Actusf : Un petit mot sur votre récent prix Imaginales pour Les Montagnes hallucinées... J'imagine qu'il vous a fait particulièrement plaisir...
François Baranger : Évidemment, c’est toujours un très grand plaisir de recevoir un prix, surtout venant d’un festival que j’aime beaucoup comme celui des Imaginales. Maintenant, il va falloir me le redonner l’an prochain pour le tome 2 !!
Actusf : Quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous ?
François Baranger : Eh bien, sur le tome 2 des Montagnes hallucinées, justement ! Qui devrait sortir mi-octobre. J’ai aussi commencé à écrire mon prochain roman. Je préfère ne pas te dire de quoi il parlera, mais, comme à mon habitude, il n’aura rien à voir avec mes trois précédents livres. Tout ce que je peux dire à ce stade, c’est qu’il s’agira probablement d’une saga…
Qu'en pensez-vous ?