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Trois bonnes raisons de lire Anergique de Célia FLAUX
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Trois bonnes raisons de lire Anergique de Célia FLAUX

On vous donne aujourd'hui trois bonnes raisons de lire Anergique de Célia Flaux, paru en janvier dernier aux éditions Actusf.

Angleterre XIXe siècle. Lady Liliana Mayfair est une garde royale, mais aussi une lyne capable de manipuler la magie. Elle et son compagnon Clément, dena, partent en Inde sur les traces d’une violeuse d’énergie. Leur unique piste : Amiya, ami de Clément, la seule victime à avoir survécu à la tueuse.

De Surat à Londres, la traque commence.

Remarquée avec Le Cirque Interdit (Scrineo), Celia Flaux nous plonge cette fois dans une palpitante aventure victorienne, entre steampunk et magie.

Anergique vient de paraitre sous le label Naos aux éditions Actusf, ce qui le range dans la catégorie Young Adult. Et pourtant, j’ai pris un réel plaisir à le découvrir, même si j’aurais aimé voir l’autrice approfondir ses merveilleux personnages et leur univers assez original. Pour moi, le grand talent de Célia Flaux est de nous donner à lire un roman d’apprentissage. Pas celui de ses protagonistes (encore que…) mais celui de ses lecteurs.

A la découverte des littératures de l’imaginaire et de la magie

Et si Anergique était LE livre pour commencer à se faire à l’idée que les littératures de l’imaginaire peuvent nous apporter tout le sel de la lecture qui nous emporte ailleurs, demain, ou hier, avec des réflexions qui ne laissent pas de marbre ? Avec ce roman, l'autrice nous emporte vers un univers où la magie fait partie du quotidien et interroge nos propres préjugés par ce biais.

L’histoire se partage entre l’Inde et le Londres du XIXe siècle. Lady Liliana Mayfair, lyne, et son compagnon Clément, dena, sont appelés à l'aide par le meilleur ami de Clément qui vit en Inde, pour traquer une violeuse d'énergie qui tue ses victimes après les avoir vidés de leur énergie. Amiya est un rescapé, le seul, au bord du gouffre après son agression.

Célia Flaux a fait des lynes des êtres capables de produire de la magie, de combattre avec force et de lancer des sorts à condition de s'abreuver de l'énergie des denas. Ils fonctionnent un peu selon le principe des vampires et de leurs familiers, et d'ailleurs, la façon de boire l'énergie des lynes fait penser à celle des vampires, le sang en moins, mais avec le même besoin sous peine de dépérir. Les denas, font don de cette énergie, souvent par obligation, parce qu’il faut évacuer le trop-plein et parce qu’ils sont nés pour ça. Mais la peur de tomber sur un lyne trop goulu en fait des êtres inférieurs et l’autrice est très douée pour nous montrer les difficultés qu'ils rencontrent.

Une ode à la différence

Le système mis en place dans cette histoire est un rappel flagrant de ce qui a existé et de ce qui existe encore. La petite histoire dans la Grande. La nature énergétique régit la place de chacun dans cette société. Un système de castes à la fois original et tellement dénonciateur de ce qui a pu se passer ou se passe encore dans certains pays. Là, c’est la nature énergétique de chacun qui régit sa place dans la société.

Derrière cet ouvrage apparemment simple, se profilent bien des sujets : comment dépasser les préjugés, s’accepter, aller vers l’autre et essayer de le comprendre : les thèmes ne sont pas nouveaux. Mais l’univers crée par l’autrice permet de les singulariser, de se familiariser avec, de pousser à échanger, de continuer à les faire siens.

La façon de nous attirer de Célia Flaux dans la traque de Lady Liliana Mayfair, c’est de faire de cette énergie bue, un échange et non une offre à sens unique dans le cas de nos protagonistes. Mais il n’en reste pas moins que cette héritière sort de sa caste pour ce faire. Le plus qui ravira les amateurs du genre c’est que cette Lady est une garde royale : elle est sortie de son tracé familial, d’un système de partage pas très égalitaire : ceux qui ont besoin de l’autre sont les plus riches, ceux qui donnent les marginaux, les laissés pour compte. Une claque !

Une introduction aux questions sociétales

Il y a dans ce livre un savoir-faire certain pour faire passer des messages sans trop de lourdeur. C’est aussi pour cela que je parle de livre d’initiation du lecteur. Ou comment parler de disparités sociales, de violence, de maltraitance, de revanche, d’anorexie même sans que ce soit un pamphlet lourdingue et grâce à des personnages certes magiques, mais proches de ce qu’on peut trouver dans d’autres ouvrages par leurs positions, leurs problèmes, les jugements des autres, l’hypocrisie et les mensonges familiaux.

Tout est abordé par le biais d’une écriture assez simple, mais ce n’est pas un défaut. Il y a suffisamment de force dans les thèmes abordés. Le seul petit bémol est peut-être l’utilisation fréquente du mot « violeuse » un peu fort à mon gout. Mais cela se comprend avec ce qu’a voulu sans doute transmettre l’autrice : il y a eu atteinte à l’intégrité de la victime, et à ce qui fait sa substantifique moelle, son énergie, un acte odieux qui détruit le corps et l’esprit.

« Il ne s’agit pas du viol que nous connaissons dans notre monde réel, mais ce personnage me permet d’évoquer les thèmes du traumatisme et de la résilience. Le fait qu’il s’agisse d’un personnage masculin est important pour moi, car cela me permet de sortir des stéréotypes de genre » nous dit l’autrice.

« Comme son corps a cessé de produire de l’énergie, la société le juge faible et inutile. Il possède pourtant une résilience et une force morale impressionnante. Il est doux, sensible et mélancolique, tout le contraire de la virilité toxique. Amiya lutte sur tous les fronts pour garder son intégrité. Il s’effondre parfois, et se relève toujours. »

Alors, initiation à l’imaginaire ? Oui mais avec un parti pris réaliste, une histoire parfois glaçante mais qui fait écho aux discriminations bien connues de nos sociétés, des regards croisés des personnages pour mieux vivre leur présent et leurs ressentis, un livre qui donne envie d’approfondir les littératures de l’imaginaire, plus loin, ailleurs, demain ou hier. A vous de lire !

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