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Trois raisons de jouer à Detroit: Become Human
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Trois raisons de jouer à Detroit: Become Human

Mon nom est Connor. Je suis l’androïde envoyé par Cyberlife

Detroit: Become Human est un jeu de Quantic Dream (spécialisé dans les jeux de choix comme Heavy Rain et Beyond two souls), mis sur le marché en 2018. David Cage en est le réalisateur et scénariste avec Adam Williams. Guillaume de Fondaumière est quant à lui le producteur exécutif. On retrouve ce jeu sur PS4 et PC.

Nous sommes à Détroit, une ville des États-Unis, en 2038. Dans les rues humains et androïdes (nous ressemblant en tout point) se côtoient. Il n’y a rien de plus normal. C’est l’entreprise Cyberlife qui propose les services d'androïdes à la population et au gouvernement : pour s’occuper de vos enfants et du ménage, le modèle féminin AX400 est fait pour vous. Vous avez besoin de quelqu’un pour prendre en charge vos parents vieillissants, un androïde avec une certaine force et capable de diriger la maison ? TE900 devrait déjà se trouver chez vous. Pour les forces de l’ordre, il est nécessaire d’avoir les meilleurs agents possible. Capable d’analyser en quelques secondes, réagir au quart de tour, et qui ne déviera jamais de sa mission, le nouveau modèle RK800 est déjà sur les tables d’assemblages. Cette hiérarchie humain-androïde semble acceptée par tous, jusqu’à la goutte de trop. Les processeurs ratent une ligne de codage. La déviance s’installe. Qui sommes-nous ? Kara, Markus et Connor, des androïdes, vont être confrontés à cette question de plein fouet. Les androïdes commencent à se percevoir comme des êtres à part entière, la révolte gronde. Quel camp choisirez-vous ?

Voici mes trois raisons de jouer à Detroit: Become Human !

DES GRAPHISMES DIGNES DU GRAND ÉCRAN

Simple exemple : lorsque je jouais, on m’a demandé quel était ce film. Oui, le visuel est fou. Les jeux vidéo ont un graphisme magnifique de nos jours (Red Dead Redemption II s’il-vous-plaît), et ce jeu n’y échappe pas.

Hors cinématique, il reste très beau. Le grain de la peau, les rides, les mains, les vêtements ont du volume et des matières bien distinctes. Les cheveux sont assez bien faits (on connait tous la difficulté des jeux pour représenter les cheveux), la neige reste sur les vêtements tout comme la pluie. Les designs rendent bien les clignements de paupières, grimaces, larmes, la joie, l’incompréhension aussi, l’agacement (vive la motion capture).

Sans même devoir rentrer dans l’histoire, il suffit simplement de découvrir les menus du jeu pour pouvoir admirer Chloé, l’IA qui nous accueille. Elle est splendide, possède ses petites mimiques bien personnelles, semble pensive avant de soudainement concentrer son regard sur nous pour nous poser une question.

Il y aurait bien évidemment quelques améliorations à faire sur la fluidité (il reste une rigidité dans certains mouvements et vêtements), les bouches, des détails dans ce genre. Mais pour un jeu de 2018, la qualité est plus qu’au rendez-vous.

Des efforts visuels ont également été faits pour les décors. Les bâtiments apparaissent dans les flaques d’eau que l’on altère en marchant dessus, les vitres des magasins reflètent les passants tout comme les panneaux publicitaires. Il y a des ombres causées par le soleil, les projecteurs sur les scènes de crime. On passe d’une maison des quartiers pauvres à une jolie demeure des beaux quartiers. D’un parc et une place publique impeccable à des rues sales et malfamées. On découvre aussi les locaux de la police, d’un journal, de Cyberlife, un vieux cargo, un bar, un club de strip-tease. Aucun endroit n’est oublié pour nous apparaître avec une définition et une précision superbe. Néons, affiches déchirées, lattes du parquet sales ou fraîchement cirées, draps dépliés, une tasse tombée, que sais-je ! Clou du spectacle, la végétation (autre problème assez classique en passe d’être résolu) est bien.

Tout ceci est mis en valeur par un écran particulièrement épuré. Vous ne trouverez ni map, jauge de vie, rappel de mission pour permettre un effet cinéma.

UN NOMBRE D’ALTERNATIVES FARAMINEUX ET LEURS CONSÉQUENCES

Ce jeu est, par définition, un jeu de choix. La diversité d'options proposées est juste hallucinante. On peut sans aucun soucis se permettre de faire le jeu plusieurs fois, en choisissant d’autres chemins, d’autres inclinaisons plus ou moins différentes de la première partie jouée. On peut avoir choisi un Markus pacifiste, prêt à tendre la main à quiconque, androïde comme humain. Puis choisir un Markus qui place ses frères androïdes en premier tout en voulant garder une situation stable. Ou sinon choisir un Markus révolutionnaire, qui veut faire régner les androïdes dans le sang rouge, plus jamais bleu. Ce ne sont que certaines facettes possibles du personnage, chaque facette créant des individus aux caractères différents, qui se verront alors proposer des choix personnalisés. Pour compléter, le fait de jouer les trois personnages (Markus, Connor et Kara) triple la quantité d’histoire jouable. On en a la tête qui tourne.

Pour rester dans cet argument, lors de ma partie j’ai choisi de jouer un Connor qui se questionne sur son existence, et voudra changer, créer une réelle vie pour les androïdes. A côté, ma Kara ne s'intéressait qu’à une chose, fuir avec la petite. Qu’importe s’il faille tuer, voler, menacer. Ma sœur a choisi un Connor fidèle à Cyberlife, et une Kara qui possède des principes. On ne vole pas. Cependant, la loyauté comptait dans ma partie. Pas dans la sienne. Ce qui a résulté de fins différentes pour Kara et Alice. Tout peut se jouer sur si peu : des papiers rendus ou non. Un mot mal choisi. Une porte ouverte. Cerise sur le gâteau, même la page d’accueil du jeu nous fournit un choix. Lequel, je vous laisse le découvrir.

Ce jeu forme un immense arbre de choix et donc de conséquences pour chacun de nos actes. Il y a une douzaine de fins possibles, ce qui est tout bonnement bluffant. C’est formidable, cela permet au joueur de vraiment influer sur l’histoire. Ce n’est pas juste une impression, un tour de passe-passe fait par le jeu qui n’est en réalité qu’un écran de fumée où l’on finit par faire ce qui était prévu. Nous avons la pleine liberté de nos actes, nous avons un impact sur l’histoire. Ce qui peut être effrayant, puisque si nous avons cette pleine liberté, cela signifie que nous en avons aussi la pleine responsabilité.

Chacun de nos actes doit être pesé, et il faut réfléchir aux conséquences. Un choix, et l’on peut perdre Markus, Connor ou Kara. Si l’un périt, il n’y a pas de “game over”, de désynchronisation pour ensuite recommencer l’extrait. L’histoire se contente de continuer. Si l’on ne fait pas attention, l’histoire de Kara peut même ne pas exister, dès son premier chapitre. Cette réalisation est assez brutale. L’idée qu’il y ait réellement des répercussions pour nos actes. C’est un jeu, mais en même temps ce système de choix nous force à considérer la présence d’une certaine morale, et d’un certain sérieux à avoir. On choisit ce que l’on dit, ce que l’on fait, ce que l’on observe et ce que l'on en déduit. On crée nos relations avec les personnages qui nous entourent. Un écart et l’on franchit une frontière, tout escalade. Selon notre manière de jouer, cela peut finir par la mort non pas d’un, mais des trois personnages dans des circonstances assez peu enviables.

Bien sûr, pour ceux que les prises de décisions angoissent ou désintéressent, le jeu peut être fait avec un esprit plus tranquille, en se détachant de l’histoire. Le jeu n’est pas entièrement dramatique, il y a des extraits où l’on peut se poser et profiter, où l’on rit aussi (Connor, arrête de lécher le sang veux-tu ?).

UN GAMEPLAY VARIÉ POUR PLAIRE À TOUS

L’avantage de ce jeu est qu’il possède une palette assez variée. Nous enchaînons des cinématiques, des moments de dialogues, d’interrogatoires, d’enquêtes sur les scènes de crimes, de petites missions à faire comme flâner dans une maison, faire des courses. Tout en conciliant avec des scènes d’action comme des courses-poursuites, des combats, des infiltrations et des fuites in extremis. Il faut quelquefois être habile de la manette avec les quelques QTE (quick time events) que nous fournit le jeu, prenant en compte les classiques boutons carré, rond, croix et triangle, mais aussi le pad tactile et la manette en elle-même en la secouant (pour le cas de la PS4). Certains choix qui s’affichent à l’écran fonctionnent eux aussi en QTE pour faire grimper la tension.

A ceci s’ajoute l’écran épuré déjà évoqué qui nous laisse une pleine liberté. Il suffit néanmoins de cliquer sur le bon bouton pour que le personnage ait accès à sa base de données, ce qui lui permet de savoir ce que l’on attend de lui, les options à notre disposition, quelle est la mission. Nous pouvons aussi avoir accès au degré de familiarité ressenti par les PNJ face à nos trois protagonistes.

C’est donc un jeu qui cherche à plaire au plus grand nombre. Il peut satisfaire autant le gamer expérimenté que le débutant (même si certaines séquences demandent une connaissance de la manette). Pour être plus précis, c’est un jeu qu’il est possible de présenter à des adultes non joueurs, afin de leur faire découvrir le monde du jeu vidéo.

Pour rester dans l’aspect du gameplay, j’évoquerai pour finir l’immersion grâce à Chloé, notre hôtesse IA. Elle nous souhaite la bienvenue dans ce projet lancé par Cyberlife. Le jeu est un programme lancé par la compagnie. Elle va jusqu’à nous demander de répondre à des sortes d’enquêtes de satisfactions. Et ce qui fait vaguement frissonner, c’est qu’elle “converse” avec nous. Elle regarde à gauche, à droite, par-dessus notre épaule. Semble hésiter. Puis nous fixe droit dans les yeux, sourit et nous signale qu’elle adore notre décoration intérieure. Nous pourrions y croire. Elle nous précise aussi gentiment qu’il est tard et qu’il faudrait arrêter de jouer, nous interpelle avec des phrases comme “vous avez joué tard hier, pas trop fatigué ?” ou “Vous êtes déjà de retour ?”. De plus, Chloé nous regarde jouer, observe nos choix (sans trop entrer dans les détails, elle peut se mettre à chantonner, et se met à questionner sa propre existence). Nos décisions l’affectent pour déboucher sur un choix cornélien à la fin. Elle fait partie de l’âme du jeu, autant que nos trois héros, et pousse à son extrême notre connexion dans le jeu.



Il me reste tant de choses à dire. Je ne peux cependant pas passer à côté de ce point, que je considère comme important. Comme le dit l’adage latin, “cogito ergo sum”. Je pense, donc je suis. Ce jeu est aussi une réflexion sur l’être humain. Qu’est-ce qui nous définit comme humain et nous sépare du reste du vivant ? Cette problématique n’est pas neuve, l’écrivain Vercors en a fait le centre de son roman Les Animaux dénaturés. Ici, nous sommes au cœur du problème en incarnant les androïdes. A travers leurs yeux nous rencontrons des personnes comme Carl, pour qui être humain, c’est réfléchir par soi-même, faire ses propres choix. Nos composants n’ont rien à nous dicter. Notre route croise aussi celle de Hank, un flic avec ses aprioris, qui nous paraît anti-androïde. La vérité n’est pas si simple, et peut évoluer grâce à l’équipe que forment, bon grès mal grès, Hank et Connor. A côté d’eux se trouvent des gens comme ce cher collègue de la PJ Gavin (Aah Gavin ton café, c’est ton affaire). Pour lui, Connor n’est qu’une boîte de conserve au service des humains. Aucune piste n’est mise de côté, et avec Markus, Connor, Kara, nous possédons un panel de points de vue. Grâce à ceci, et grâce à notre contrôle sur le jeu, nous devons nous faire un avis sur la question, ou tout du moins l’envisager sérieusement. C’est un jeu qui a pour but de nous faire réfléchir sur le développement des intelligences artificielles, et de nous montrer une situation que nous serons peut-être à même de rencontrer dans un futur proche, qui sait ? Nous verrons ce qu’il en est en 2038.

Vous ne pouvez pas me tuer, je ne suis pas vivant” répond Connor dans une de ses discussions avec Hank, selon vos choix. Pourtant. C’est une belle réflexion que nous propose ce jeu qui possède ses conséquences funestes, ses actions brutales et irrémédiables. Mais qui contient aussi les sourires de Connor, l’espoir de liberté de Markus, l’amour sans limite de Kara pour Alice. Le tout dans de beaux graphismes et des possibilités multiples.

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