Charles Stross est un écrivain anglais né à Leeds en 1964 et a étudié l’informatique et la pharmacie. Il publia sa première nouvelle en 1987, The Boys. Il a depuis écrit un grand nombre de nouvelles, dont La Jungle de béton et Palimpseste qui ont reçu le prix Hugo de la meilleure novella en 2005 et 2010 respectivement. Il est aussi l’auteur de romans dont Accelerando, qui a gagné le prix Locus du meilleur roman en 2006. Charles Stross fut aussi nominé plusieurs fois pour les prix John W. Campbell, Arthur C. Clarke ou encore le prix Hugo du meilleur roman. Les Princes-Marchands sont une de ses séries de romans, dont les trois premiers tomes sont déjà réédités en poche, sur les cinq publiés actuellement.
Une affaire de famille bien mystérieuse
Miriam Beckstein est une jeune journaliste d’investigation qui se fait renvoyer sans indemnité de son journal pour avoir mis à jour un vaste réseau de blanchiment d’argent et mis en cause des politiciens et de grandes entreprises. Sa mère lui remet alors de vieilles affaires de famille dans lesquelles Miriam découvre un étrange médaillon. En laissant son regard et son esprit dériver sur le motif du pendentif, la jeune femme se retrouve propulsée dans un autre monde, une Amérique miroir de la sienne mais exempte de technologies. Mais ses fréquents aller-retour entre les deux univers ne passent pas inaperçus et Miriam est enlevée par des soldats surentrainés. A son réveil, dans le monde parallèle, la jeune femme découvre qu’elle appartient en réalité à une lignée de traverseurs de mondes régnant en maîtres dans les deux Amériques grâce au trafic de stupéfiants.
Le monde des trafiquants est réellement un autre monde
Charles Stross a une écriture fluide, très imagée et recherchée sans être pédante. Le coup de génie de l’auteur est d’avoir eu l’idée de ce monde parallèle, interconnecté au notre sans être son miroir. Plusieurs concepts découlent de cette idée, fabuleusement exploités et explorés par Charles Stross.
Tout d’abord, la possibilité de véhiculer des objets d’un point à un autre du continent en passant par le monde parallèle permet aux traverseurs de monde d’acheminer des marchandises inestimables, telles l’or et la drogue, en toute sécurité des agents fédéraux ou des vols entre gangs. De plus, à travers l’invention de cette Amérique arriérée et sans technologie, l’auteur développe une uchronie très bien tournée : le monde parallèle a raté un évènement historique et son développement s’en est retrouvé extrêmement retardé. Nous assistons à un choc des cultures et de la civilisation entre notre monde policé, technologique, démocratique et ce monde alternatif profondément moyenâgeux. Notre jeune héroïne doit aussi affronter sa nouvelle famille à la mentalité aristocratique et criminelle qui s’oppose fortement aux valeurs démocratiques de Miriam.
Au travers de l’histoire de son personnage principal, Charles Stross joue aussi avec les codes du conte de fée. Là où chacun et chacune a déjà rêvé d’être un enfant perdu d’une grande famille aristocratique, Miriam aurait bien préféré ne jamais la rencontrer tant son mode de vie et ses valeurs sociales basculent contre sa volonté et sans aucun retour possible. Le lecteur découvre une jeune femme forte, avec ses qualités et ses faiblesses, emblématique de la femme moderne. Nous nous attachons à cette héroïne ainsi qu’aux personnages secondaires construits et divers qui gravitent autour d’elle et du récit.
Charles Stross est un maître pour entremêler intrigues, explications historiques ou économiques et vie personnelle de ses personnages. Il mélange les styles policier, fantasy, science-fiction, uchronie, sans jamais s’emmêler la plume et sans perdre ses lecteurs. L’auteur maîtrise aussi les différents niveaux de lecture avec des explications historiques, scientifiques ou économiques très intéressantes mais insérées dans le récit pour ne pas être indigestes.
Avis aux nouveaux lecteurs ou aux afficionados, ce premier tome des Princes-Marchants est donc à lire d’urgence, vous allez adorer !