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Voile vers Sarance - Les secrets d'écriture de Guy Gavriel Kay
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Voile vers Sarance - Les secrets d'écriture de Guy Gavriel Kay

A l'occasion de la réédition le 26 septembre du premier volet de La Mosaïque Sarantine aux éditions L'Atalante, Guy Gavriel Kay revient sur l'écriture de Voile vers Sarance.

Actusf : Voile vers Sarance vient d'être republié. De quoi celui-ci parle-t-il ?

Guy Gavriel Kay : C'est le premier volume d'un diptyque inspiré par Byzance à l'époque de Justinien et de Théodora, les années de la construction de Sainte-Sophie et des guerres pour reconquérir l'Italie. Le protagoniste principal (même si j'ai toujours beaucoup de personnages pour le lecteur !) est un artiste en mosaïque de génie avec du caractère. Ce livre a été suivi par Le Seigneur des empereurs (Lord of Emperors), que republiera L’Atalante l’année prochaine. Je suis ravi que ces livres (qui semblent avoir été parmi ceux les mieux accueillis) reçoivent une seconde jeunesse en France.

Actusf : Dans ce roman, vous plongez le lecteur dans un VI e siècle fantasmé à Constantinople. Pourquoi avoir choisi ce cadre ? Avez-vous un attrait particulier pour ces régions ? Ou cette période ? Ce n’est pas un choix très commun.

"Les mosaïques antiques, en particulier, restent une obsession, et sur Twitter, les gens m'envoient toujours des photos !"

Guy Gavriel Kay : À l'époque où je l'ai écrit, je ne savais presque rien de cette période ! Mais ma lecture, mes recherches, ma correspondance avec des érudits m'avaient complètement fasciné. À ce jour, je le suis toujours. Les mosaïques antiques, en particulier, restent une obsession, et sur Twitter, les gens m'envoient toujours des photos ! Si vos lecteurs ne sont jamais allés à Ravenne, laissez-moi les exhorter à y aller ! Je suis toujours intéressé par travailler avec des personnages féminins forts, et cette période dramatique m’a offert plusieurs possibilités, notamment dans la figure de l’impératrice Théodora (ma «Alixana»).

Actusf : Vous êtes-vous inspiré de personnages historiques ? Lesquels ? Avez-vous eu beaucoup à les romancer ?

"Mais je ne veux pas «utiliser» de vraies vies, ni prétendre savoir à quoi ressemblait, par exemple, le mariage et la sexualité de Justinien et de Theodora."

Guy Gavriel Kay : Comme je l'ai écrit ci-dessus : vraiment beaucoup ! Mais je ne veux pas «utiliser» de vraies vies, ni prétendre savoir à quoi ressemblait, par exemple, le mariage et la sexualité de Justinien et de Theodora. Je préfère, lorsque j'implique des personnes réelles, les modifier légèrement, laisser le lecteur voir l'inspiration, mais aussi prendre conscience du fait que nous sommes en train de ré-inventer le passé. Et je travaille toujours avec des personnages entièrement inventés.

Actusf : L'écriture de ce roman a-t-elle nécessité beaucoup de recherche ? Comment vous y êtes vous pris ?

Guy Gavriel Kay : Des années de recherche, en fait, mais je le fais toujours ! Livres, articles, images, correspondance, prise de notes. J'avais besoin d'apprendre beaucoup sur les mosaïques, évidemment, mais aussi sur les courses de chars ! Et ce fut un processus difficile mais très agréable. Les Byzantins du 6ème siècle étaient obsédés par les courses de chars, divisés en factions extrêmement acharnées (les Bleus et les Verts), et je voulais ancrer mes livres autant que possible dans la réalité.

Actusf : Votre héros, Crispin de Varène, est un artiste et un artisan. Pouvez-vous parler de ce personnage ?

Guy Gavriel Kay : Au début du roman, Crispin est un homme amer, voire en colère : il a perdu sa femme et ses filles à cause de la peste (le 6ème siècle a vu de terribles fléaux). Il est profondément attaché à son art, mais il se demande également pourquoi il continuerait. Son associé plus âgé reçoit une invitation de l'empereur à venir à Sarantium (Constantinople) et à participer à la confection des mosaïques de Hagia Sophia en construction (ces invitations à des artisans ont bel et bien eu lieu), et cet associé la remet à Crispin. Son partenaire ne souhaite pas voyager et il pense également que Crispin a besoin de ce voyage, de quelque chose pour changer sa vie. Beaucoup de choses, beaucoup de gens le changent au fur et à mesure qu'il se rend dans l'est du pays, puis lorsqu'il s’occupe de ce qu’il trouve dans la Cité d’Or.

Actusf : Vous parlez de religion, d’art, de paganisme et, bien sûr, de guerre. Ce sont des sujets qui sont importants pour vous? Pourquoi ?

"Je suis toujours intéressé par les sociétés, les cultures, à la limite du changement, cela offre un matériel extraordinaire pour un romancier, d’explorer comment les gens réagissent à ces changements possibles, ou d’essayer de les provoquer."

Guy Gavriel Kay : Eh bien, ce sont quelques-uns des grands thèmes, n'est il pas ? (Avec l’amour, aussi !) Je suis toujours intéressé par les sociétés, les cultures, à la limite du changement, cela offre un matériel extraordinaire pour un romancier, d’explorer comment les gens réagissent à ces changements possibles, ou d’essayer de les provoquer. Les tensions entre les croyances païennes et la religion institutionnelle (et les guerres au sein de la foi institutionnelle, aussi) étaient extrêmement importantes à cette époque, et cela m’a fasciné. La relation entre l’art et le pouvoir (qui est complexe, et pas toujours évidente) m’a également intéressé tout le long de ma vie d’écrivain, et dans les livres de La Mosaïque Sarantine, je traite ce sujet probablement plus directement.

Actusf : Quelles sont vos principales inspirations?

Guy Gavriel Kay : Sincèrement, ma réponse est que pour la plupart d’entre nous, le processus de vivre notre quotidien, nous inspire. Nous pouvons désigner d’autres écrivains, artistes, lieux, mais tout cela relève du thème plus large de la vie que nous vivons. Je suis maintenant un homme différent de celui que j'étais quand j’ai commencé à écrire des livres à la vingtaine, et ce que j’écris, comment j’écris, ce que je veux dire a changé à cause de cela. Si nous continuons de penser et de créer à 40 ou 60 ans de la même façon qu'à 25 ans, soit quelque chose ne va pas, soit nous avons trouvé une veine très commerciale et avons décidé de rester là. Je n’ai jamais voulu faire cela, alors mes thèmes et mes inspirations ont évolué.

Actusf : Quels sont vos projets en cours et à venir ?

Guy Gavriel Kay : Je viens de publier mon dernier roman, A Brightness Long Ago, inspiré par des chefs de guerre et des princes du 15ème siècle en Italie, et des réflexions sur la mémoire et l’interaction entre le hasard dans la vie et la planification. La Roue de la Fortune. En ce moment, pendant que je vous parle, je lis et je réfléchis à ce qui pourrait arriver ensuite.

(Photographies de Petar Milošević - Théodora et Justinien, basilique Saint-Vital de Ravenne)

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