Vous n’avez pas pu le rater : fin 2022, l’auteur américain Brandon Sanderson annonçait dans une vidéo qu’il avait écrit en « secret » non pas un mais bien quatre romans inédits se déroulant dans son univers partagé, le Cosmère. Après une campagne de financement participatif plus que réussie (plus de 13 millions de dollars récoltés!), les romans sont donc en cours de publication simultanément en anglais chez Dragonsteel et en français au Livre de Poche.
Yumi et le peintre des cauchemars est le troisième de ces romans secrets et nous propose cette fois l’histoire de jeunes personnages liés par l’art et le destin :
« Sur une planète baignée de lumière et écrasée par la chaleur, Yumi est une yoki-hijo, une prêtresse qui invoque les esprits pour venir en aide à son peuple.
Dans une cité froide entourée de ténèbres perpétuelles, Peintre repousse chaque jour les manifestations physiques des cauchemars des habitants grâce à ses pinceaux.
Tout les oppose, ils ignorent même jusqu’à l’existence du monde de l’autre. Pourtant, leurs destins vont littéralement s’entremêler le jour où ils commencent à échanger leur place à chaque réveil. Parviendront-ils à mettre leurs différences de côté et à travailler ensemble afin de sauver leurs peuples d’un désastre imminent ? »
Une histoire proche de ses personnages
Tout oppose Yumi et Peintre : le monde dans lequel ils vivent, l’un froid, l’autre brûlant, leur caractère flegmatique pour l’un et sérieux pour l’autre, et leur ambition inexistante pour Peintre et forcée par sa situation pour Yumi. Sanderson lui-même dit dans ses remerciements avoir souhaité cette fois, et sous l’impulsion de sa femme, ajouter une touche de romance dans ses histoires.
Le roman commence par une alternance de point de vue entre ces deux protagonistes si différents, jusqu’à la rupture, lorsque Peintre se retrouve dans le corps de la jeune fille dans la ville de Torio mais bloqué sous forme d’esprit dans ça propre ville une fois qu’il se réveille. Et inversement ! Incapables de déterminer la raison de cet étrange échange, Yumi et Peintre vont devoir s’adapter aux coutumes de l’autre :
« Dans le royaume de Torio, on ne voyageait que la nuit, et seulement à bord de chariots flottants que tiraient des engins volants créés par les esprits. Inutile de préciser que la plupart des gens restaient chez eux. »
Quand ils se réveillent sur Torio, le jeune homme se retrouve à devoir incarner le rôle de yoki-hijo qui pèse sur les épaules de Yumi depuis sa naissance. Interdite de faire quoi que ce soit seule (de manger à se baigner ou s’habiller) ou de vivre comme une jeune fille ordinaire car elle est considérée comme sacrée, Yumi est en effet capable d’invoquer des esprits afin d’aider les villages dans lesquels elle passe. Difficile alors pour Peintre de s’adapter et de comprendre ce monde quand on sait qu’il est, dans son monde, un peintre des cauchemars plutôt médiocre qui protège en effet son peuple des cauchemars incarnés qui viennent les attaquer en les transformant en images inoffensives du trait de ses pinceaux, mais ne fait jamais de zèle et s’en tient à la solution la moins fatigante.
Progressivement, ils vont apprendre à comprendre la vision des choses de l’autre, à s’apprécier, et ainsi, à prendre consciences des qualités ou défauts de son propre monde.
« — Vous devez regarder la forme du cauchemar, énonça Sukishi. Vous devez y adapter votre dessin, transformer la forme naturelle du cauchemar en quelque chose d’innocent, d’inoffensif. »
L’importance de l’art
Que ce soit Yumi qui empile des cailloux pour invoquer les esprits ou Peintre qui peint pour les repousser, tous deux sont liés par l’amour et respect de l’art. Entre mission sacrée et pulsions humaines, leur art est à la base des sociétés auxquelles ils appartiennent.
« C’est l’un des aspects les plus merveilleux de l’art : le fait que les gens décident de ce qui est beau. »
C’est en apprenant à vivre comme l’autre ils vont tenter d’élaborer des théories concernant leur situation : sont-ils élus des esprits ? Yumi vient-elle de la planète dans le ciel de Peintre, celle qui empêche la lumière du soleil de réchauffer son monde ? Le décalage d’évolution de leurs peuples explique-t-il un voyage dans le temps ?
« Peintre ne pouvait pas se contenter de voir un cauchemar. Il devait voir ce qu’il pouvait être, ce qu’il aurait pu être, s’il n’avait pas été produit par la terreur. »
Perdus dans cette situation insoluble, Yumi et Peintre garderont pourtant tout au long de récit une grâce et une délicatesse particulière inhérente à leur âme d’artiste.
La voix de Sanderson
Comme dans les multiples romans qui composent l’œuvre de Brandon Sanderson et notamment ceux appartenant au Cosmère, on plonge à nouveau dans une histoire en bordure de plusieurs genres. Un bon mélange de SF puisque le narrateur de toute cette histoire voyage entre les planètes du Cosmère et nous décrit parfois des technologies révolutionnaires, et fantasy dans les thèmes et créatures ou autres entités qui peuplent les mondes de Yumi et Peintre.
On y retrouve avec plaisir la narration enjouée de l’auteur et de son porte-voix Hoid qui nous narre l’histoire entre scènes immersives entre les deux protagonistes et digressions décalées. Yumi et le peintre des cauchemars est donc une belle aventure de 600 pages que tout fan de Sanderson dévorera avec plaisir.
Le roman Yumi et le peintre des cauchemars est disponible depuis juillet 2023 en inédit au Livre de Poche en version classique brochée et collector reliée.