Le voleur de foudre
Les aventures de Persée Jackson (car c'est son nom de scène dans Olympus Story) sont le coup d'éclat de Rick Riordan, un auteur bien américain qui aime New York et la mythologie grecque, parce que sa biographie pourrait se résumer à ces deux centres d'intérêt. Mais à la lecture du résultat, O Zeu ! On irait volontiers faire un tour au 600ème étage de l'Empire State Building...
Car c'est là que se trouve l'Olympe, après des millénaires d'errance céleste. Les dieux grecs sont parmi nous ! Hélas, pauvres mortels, nous ne pouvons nous en rendre compte, car ils sont bien dissimulés dans la Brume... Les héros, en revanche, comme Percy Jackson, sale gosse de 12 ans dyslexique et pire élève que les collèges américains aient jamais connus, risquent à tout moment de se retrouver embarqués dans des quêtes herculéennes... Des quêtes qui peuvent les amener des Héspérides aux Enfers en passant par l'antre de Méduse... Mais on n'en dira pas plus.
Etre un demi-dieu, c'est mortel
Cette année, après pas moins de cinq ans de développement depuis la publication du Voleur de foudre, Percy Jackson se retrouve dans les salles obscures. L'occasion de faire le point en rappelant que Hollywood n'est pas seulement l'entrée des Enfers : c'est aussi l'enfer des auteurs qui ont la (mal)chance de voir leurs oeuvres portées sur grand écran. Car Percy Jackson, le film, n'a pas grand chose à voir avec le roman original, comme vous vous en douterez. D'abord, pour faire synthétique, parce que le roman est une histoire digne de ce nom tandis que le scénario du film pourrait tout aussi bien être celui d'une comédie américaine lambda. Quelles sont les différences notables ? D'abord le Percy Jackson du roman est un héros d'un genre relativement outsider à la littérature fantastique jeunesse. Il n'est ni le meilleur élève de Poudlard, ni un espion malgré lui. C'est un môme new-yorkais empêtré dans une vie de famille pas grandiose, réfractaire à toute forme d'autorité et presque carrément antipathique. Mais encore mieux : Percy partage avec sa filiation divine une personnalité totalement improbable, détachée, presque indifférente à tout ce qui se passe autour de lui. On est bien loin de son avatar cinématographique, qui n'est rien de plus qu'une tête à claque de plus au panthéon des héros prépubères d'Hollywood. Avertissement donc : si vous avez vu le film, ne vous fiez pas à ce que vous avez vu dans votre appréciation de l'oeuvre de Riordan.
Le voleur de foudre
La qualité du roman de Riordan ne tient pas seulement à son approche de Percy. Outre des qualités littéraires indéniables, son récit est d'une solidité à toute épreuve. Le twist final, sans être ingénieux, introduit avec justesse les romans suivants (l'éditeur annonce d'ores et déjà trois séquelles). Mais la valeur ajoutée du roman, ce petit plus qui a dû séduire les producteurs du film (et qu'ils ont exploité à outrance et sans aucune finesse), c'est bien entendu la transposition de la mythologie olympienne à notre univers contemporain. Et là, tout est réussi ! Non seulement certaines situations prêtent à un comique délicieux, mais sont de surcroît l'occasion pour Rick Riordan de brosser une analyse intelligente et très pertinente de la place des mythes dans notre civilisation occidentale et dans une certaine mesure de la religion (notamment dans une scène des Enfers très astucieuse et inoubliable, étrangement absente du film). Mention encore à l'auteur pour son approche juste et touchante de la filiation paternelle, qui ne tombe jamais dans le sentimentalisme dégoulinant d'un Harry Potter.
En résumé, un roman que je recommande absolument. Rien n'est à jeter ici, l'auteur ne tombe jamais dans le simplisme ou la facilité. Le lectorat jeunesse adorera, le lectorat adulte y prendra tout autant de plaisir. Kai alloi theoi !