Histoires épouvantables

Aux côtés de Maurice Leblanc ou Gustave Lerouge, Gaston Leroux fut l'un des derniers grands feuilletonistes français. Grand reporter, il couvrit pour divers journaux quelques-uns des événements les plus marquants du début du vingtième siècle, suivit pendant plus d'un an, en Russie, les derniers soubresauts du régime tsariste, assista au procès Dreyfus... Il mit à profit son expérience et un don certain pour la littérature en écrivant une série de romans qui lui vaudront l'immortalité : Le Fantôme de l'Opéra, Chéri-Bibi, et surtout Les Aventures de Rouletabille, un personnage de détective-reporter dont s'inspirera largement Hergé... Porté vers l'épouvante et le mystère, il ne dédaigna pas ce que l'on allait bientôt appeler le « merveilleux scientifique » avec Le Capitaine Hyx, en hommage à Jules Verne et son capitaine Nemo.

Sur la terrasse du café de la Vieille Darse, à Toulon, quatre vieux loups de mer ont coutume de se réunir pour se raconter les aventures les plus épouvantables qu'ils aient eu l'occasion de vivre. L'horreur suintera de chacun des récits et les crimes de sang commis par les hommes n'ont rien à envier à ceux que l'on attribue aux spectres les plus effroyables. Écoutez donc le récit du capitaine Michel et vous apprendrez, les yeux écarquillés de terreur, de quelle manière il a perdu son bras gauche. Découvrez l'affreux secret de Zinzin, la terrible raison pour laquelle il ne s'est jamais marié. Laissez le capitaine Gobert vous conter la plus cruelle des vendettas corses, avec l'histoire de la femme au collier de velours. Si la lecture de ces six nouvelles par l'auteur de La machine à assassiner vous laisse de marbre, c'est que vous êtes probablement déjà mort !

Un Edgar Poe à la française, jovial et truculent !

Après la préface de l'un de ses célèbres et plus fervents lecteurs, Edgar Faure, le recueil débute par une longue et passionnante biographie de l'auteur par J.-C. Lamy. Écrites dans un style impeccable, à la fois clair et d'une grande richesse, les six nouvelles du recueil sont de véritables modèles de progression dramatique. Paraphrasant Gaston Leroux, on pourrait dire que « La rage des amateurs de fantastique ne saurait se contenter de récits authentiques. » L'auteur part de prémisses absurdes qui auraient pu donner lieu, chez des confrères de moindre talent, à de sinistres bouffonneries que la postérité se serait empressée d'oublier. Seulement, Gaston Leroux les pousse jusqu'à leur comble, jusqu'à atteindre les sommets de l'horreur avec une aisance derrière laquelle perce toujours une pointe d'ironie. Mais s'il semble parfois railler les excès de son propre récit, Gaston Leroux ne se moque pas pour autant de ses lecteurs : il s'amuse en voulant les amuser, comme s'il se réjouissait par avance de leur surprise. Il ne nous laisse à aucun moment oublier qu'il donna au fameux théâtre du Grand Guignol, en 1911, l'une de ses plus durables pièces à succès : L'homme qui a vu le Diable. 

Personnage truculent et d'un optimisme lumineux, Gaston Leroux avait coutume de tirer un coup de revolver à travers la fenêtre de son bureau pour annoncer l'achèvement d'un nouveau roman. Que l'écho de cette détonation vieille de plus d'un siècle soit pour les lecteurs modernes un signal qui marquera la découverte de ces excellentes Histoires épouvantables...