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La puissance d'un dieu

Philippe Caza (Illustrateur de couverture), Jean-Pierre Pugi (Traducteur), Mack Reynolds ( Auteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 30/09/79  -  Livre
ISBN : 2702409555
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fredcombo   - le 31/10/2017

La puissance d'un dieu

Mack Reynolds fait partie de ces auteurs qui, bien que prolifiques, sont malheureusement restés presque inconnus en France et oubliés dans leur pays d'origine. En dépit d'un nombre considérable de textes (dont le premier roman se déroulant dans l'univers de la série Star Trek, paru en 1968), seule une trentaine de ses nouvelles sont parvenues jusqu'à nous, disséminées dans de vieux numéros de Galaxie et de Fiction ainsi que, plus récemment, dans le tome 5 du Fiction des Moutons Electriques. Son principal titre de gloire dans l'hexagone reste d'avoir co-écrit plusieurs nouvelles avec Fredric Brown dans le recueil Fantômes et farfafouilles, un auteur avec lequel il a également réalisé une anthologie de science fiction humoristique au début des années cinquante. Pamphlet sarcastique qui mériterait une seconde vie, La puissance d'un dieu est de taille à nous faire regretter qu'aucun éditeur n'ait encore tenté une redécouverte de Mack Reynolds.

Un voyage jusqu'à la frontière trouble entre bonnes intentions et aveuglement fanatique...


A la fin du vingtième siècle (le livre a été écrit en 1966), le travail est presque entièrement mécanisé. La population mondiale vit une existence passive dans une semi-léthargie provoquée par l'abus de radio et de télévision. Ed Wonder, un jeune animateur radio arriviste et veule, n'a qu'un seul souhait : escalader jusqu'au sommet l'échelle qui mène au pouvoir, quelles que soient les compromissions. En attendant le jour béni où il passera enfin la télévision, il présente une émission consacrée aux illuminés de tous poils, depuis les soucoupistes les plus sincères jusqu'au plus cyniques des affabulateurs. Le Directeur de la station, également cadre d'une organisation d'extrême droite, envoie Ed Wonder enquêter sur un prédicateur qu'il soupçonne de répandre les germes du communisme dans la population. Après avoir malencontreusement provoqué l'ire du prosélyte, celui-ci jettera successivement l'anathème sur un certain nombre de fleurons de la modernité parmi lesquels figurent l'élégance féminine, la radio, la télévision, les bandes dessinées... Investi d'un pouvoir surnaturel, tout ce que nomme sa colère disparait...

« La télévision est l'élément pacificateur de l'humain moyen.»

Les débuts de Mack Reynolds furent consacrés au roman policier puis, après avoir rencontré Fredric Brown, celui-ci le persuada d'écrire de la science fiction. La hard science n'étant pas son fort, Mack Reynolds s'est fait une spécialité de son domaine de prédilection, les sciences politiques, économiques et sociales. Fils de Verne Reynolds, qui fut candidat socialiste à la présidence des Etats-Unis d'Amérique dans les années trente, il adopta avec ferveur les convictions politiques paternelles et fut un membre particulièrement actif du Socialist Labor Party jusqu'en 1958. Une telle biographie laisse fatalement des traces, que nous retrouvons intactes dans La puissance d'un dieu.

Les rares personnes ne possédant pas de poste de télévision s'entendent souvent poser la même question : « Mais que faites-vous donc de vos soirées, après le travail ? » Mack Reynolds part de ce postulat pour nous présenter une société assistée par les machines, dévorée par la société de consommation, dépourvue de la moindre créativité et incapable de résister à l'influence subliminale et pernicieuse du petit écran. Rendue incapable de percevoir les images cathodiques (sublime ironie, seuls les déficients mentaux continuent à voir normalement les programmes télévisés...), la foule va devoir trouver de quoi occuper ses longues et mornes soirées : alcool, lynchage...

Ezekiel Joshua Tubber use de son pouvoir afin d'imposer un monde meilleur, dans lequel la production humaine aurait un sens dont elle a été dépourvue lors de l'avènement du travail mécanique. Semblable à celle des fameuses communautés Amich et autres Mennonites, l'utopie de l'Orateur du Monde tente de se substituer à la dystopie générée par l'échec d'une société de consommation outrancière, avec son cortège de conséquences écologiques et sociales désastreuses. La puissance d'un dieu présente donc un sujet très actuel, traité avec la fausse naïveté d'un utopiste qui ne se fait visiblement plus beaucoup d'illusions sur la nature humaine. C'est un livre agréable et salutaire qui n'a presque pas pris de rides une quarantaine d'années après son écriture. A ce point de la chronique et en guise de recommandation, nous ne pouvons que citer les mots de Frederik Pohl au sujet de son vieil ami : « Je pense que Mack Reynolds est probablement le plus sous-estimé des auteurs de science fiction. »

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