Immortels en conserve
Auteur britannique émigré de longue date dans les forêts de l'extrême ouest canadien, Michael G. Coney débuta tardivement sa carrière d'écrivain, touchant à la plupart des thèmes classiques de la science fiction. Remarqué pour son roman
Les brontosaures mécaniques, qui obtint le British science fiction award, son œuvre contient bien d'autres pépites comme
Charisme ou les
Immortels en conserve qui font l'objet des archives ce mois-ci. Après un ralentissement de ses activités littéraires, il reprit la plume dans un registre différent de celui des livres de sa première période. De son propre aveu influencé par
Les seigneurs de l'instrumentalité de Cordwainer Smith, Michael Coney signa alors une série de romans sous le titre générique
Le chant de la Terre. Ayant appris qu'il ne lui restait que peu de temps à vivre, il mit gratuitement à la disposition des lecteurs ses livres et nouvelles inédits sur son site internet en 2005. Ce geste d'une rare générosité, qualité que l'on retrouve souvent chez ses personnages, méritait bien l'hommage d'un coup de projecteur sur les
Immortels en conserve, un très bon
fix-up.
Désirer à tout prix le corps des autres est-il immoral ?
Afin de remédier au problème de la surpopulation, le gouvernement mondial impose à tous les quadragénaires la Loi sur la Transplantation Obligatoire, qui consiste à être décérébré dans le but de réimplanter la précieuse matière grise dans les crânes préalablement évidés d'enfants de six mois. Malheureusement, cette méthode radicale réduit notablement les velléités de reproduction des parents potentiels et a pour conséquence une grave pénurie de bébés... Les cerveaux en attente de corps sont donc provisoirement entreposés dans des boites que les plus charitables d'entre les citoyens sont invités à adopter pour une ou deux semaines, dans le but de les distraire un peu de la monotonie d'une existence en conserve. Cette situation est loin de satisfaire ceux qui ne sont pas prioritaires pour une transplantation et même nos amis en boite sont prêts à tous les coups bas pour obtenir un nouveau corps. D'autres choisissent délibérément de vivre en hors-la-loi en dépassant l'âge limite de quarante ans et parviennent à survivre dans des communautés à l'écart des grandes villes. Ce sont les histoires de quelques-uns de ces criminels que nous suivons dans Immortels en conserve...
L'immortalité ? Absolument aucun intérêt...
Avec un prologue exposant l'historique de la situation mondiale, un arrière-plan riche et fascinant est posé et dans les nouvelles qui suivent, Michael G. Coney l'exploite en mettant l'accent sur l'émotion, la compassion et l'entraide face à un système impitoyable. L'une des façons de lutter contre celui-ci consiste à tenter d'en sortir ou tout au moins de s'en tenir le plus possible à l'écart. C'est ce que font les rebelles, qui préfèrent, ou acceptent la vieillesse, la maladie et la mort en échange d'une utopie pacifique et rurale qui n'est pas sans évoquer ces petites villes tranquilles qui parsèment l'œuvre de Clifford Simak. Sous le couvert de la promesse d'une éternité rendue possible par la technologie, ces récits nous mettent finalement face à la mort véritable, comme l'illustre la nouvelle dans laquelle trônent sur la même table une des fameuses boites à amis et une urne funéraire... Plongeant avec une acuité croissante au plus profond de cette société future au fil des nouvelles, l'auteur nous dépeint un monde dans lequel règne l'égoïsme, l'opportunisme et l'hypocrisie. L'espoir ne réside qu'en une poignée de rêveurs naïfs qui se refusent à participer à une société devenue inhumaine (ou trop humaine suivant le degré de cynisme atteint par le lecteur...) Roman constitué de cinq nouvelles, Immortels en conserve est un livre dont on aurait tort de se priver.