Résurrection

Résurrection

Ancien manieur de pinceaux des Chroniques de la Lune noire (Dargaud) ou de Xoco (Vents d'Ouest), Olivier Ledroit semble s'être récemment reconverti dans le croquage de vampires. On l'aura vu notamment illustrer la trilogie du Maître du Temps de Louise Cooper chez Bragelonne, et le revoilà d'actualité avec Requiem, Chevalier vampire. Dans cette série, il s'est allié à son compère anglais Pat Mills au scénario avec lequel il avait déjà produit la splendide trilogie Sha (Soleil). Après un pareil succès, on attendait le duo au tournant. Résurrection, premier tome de " Requiem " sorti fin 2000, pouvait difficilement laisser indifférent. Alors, attention les yeux !

Les jolies colonies de vacances… (air connu)

Un autre monde existe après la mort. Et il n'est pas beau à voir ! Réservé aux âmes des individus dont la vie fut remplie de meurtres et de cruauté, Résurrection est un monde décadent, reflet du nôtre en négatif. Un monde où le temps s'écoule à rebours, et où les " archéologistes " enterrent les traces du lourd passé des habitants. Parlons-en justement de ces habitants : zombies et autres créatures mineures rivalisent de malice pour s'approprier les miettes délaissées par la caste toute puissante des chevaliers vampires qui tentent d'oublier leurs méfaits en noyant leur souvenir dans l'opium noir.

Tous les ans on voudrait qu'ça r'commence…

Alors pourquoi Heinrich Augsburg, digne combattant allemand tombé sur le front russe lors de la seconde guerre mondiale, a-t-il été envoyé dans ce monde de dangereux trépassés ? Certes il a tué, mais c'était la guerre ! Complètement déboussolé, Heinrich est pris sous l'aile d'Otto, chevalier vampire qui confie sa formation à Sire Cryptus, l'un des plus grands et des plus anciens membres de la caste. Deux années d'entraînement ont raison des résistances du corps de Heinrich, et c'est sous le nom de Requiem que le nouveau chevalier vampire est baptisé.
Mais cette nomination ne fait pas l'unanimité car Requiem, au contraire de ses congénères, a conservé des principes. Il s'attire l'inimitié de Sire Mortis, serviteur de Dracula lui-même, et doit être remis dans le " droit chemin " par son ami Otto. Pourtant, toute trace du passé n'a pas déserté son esprit et le souvenir douloureux de Rebecca le hante. Raflée par la gestapo parce qu'elle était juive, Rebecca avait disparu de la vie d'Heinrich sans que celui-ci ne puisse rien faire. Peut-être pourra-t-il la retrouver dans cet autre monde ?

Pénurie de peintures noire et rouge

Nul doute qu'après le passage de Ledroit, nombre de boutiques d'arts plastiques auront dû renouveler leurs stocks de rouge et de noir que le dessinateur emploie avec une profusion qui confine à l'outrance dans ce premier volume de Requiem. Et l'outrance justement, Mills et Ledroit la manient avec brio dans cette aventure de vampire nouvellement incarné dans un monde absolument (et magnifiquement) morbide.

Pour le dessin, Ledroit a ses adeptes convaincus (dont je fais partie) et ses détracteurs inconditionnels. Le meilleur test, si vous ne le connaissez pas encore, reste d'ouvrir Requiem à n'importe quelle page et de vous faire une idée immédiate. La première impression sera la bonne, croyez-moi. Ledroit déploie ici toute sa technique riche de lignes aiguës, de surenchère graphique et de contrastes mirobolants. Le tout est presque nécessairement très sombre, en parfaite opposition avec la pâleur maladive des vampires. On se délecte de chaque planche. Le découpage est un peu trop complexe à mon goût avec par moments une impression de se retrouver devant un patchwork d'affiches électorales du purgatoire, mais c'est histoire de critiquer.

Pour l'histoire, on n'en sait pas encore très long sur la trame, l'essentiel de ce volume étant réservé à la découverte de Résurrection et de la convivialité de ses occupants. On a donc attendu la suite avec beaucoup d'impatience…