Sous des dehors assez déroutants (tout est écrit au présent), voici un livre émouvant en forme de métaphore sur la connerie humaine. Pour illustrer les pulsions xénophobes des hommes, Berthelot a imaginé une petite planète, Erda-Rann, conquise par les humains dans un lointain futur. Il y a sur cet astre deux paysages. D’une part, la Loumka règne en maître. C’est une mer à la fois visqueuse et fluide, qui semble douée d’une conscience propre. D’autre part, il y a le désert, chaud, dur et aride. Rapidement, chaque colon a choisi un paysage ou l’autre et après quelques générations, deux groupes antagonistes se sont formés. De cette rupture est née deux peuples aux traditions aussi distinctes que leur physique. Les gènes ont alors accompagné la culture dans la séparation. Aujourd’hui, il y a les Yrvènes et les Gurdes. Les premiers sont très liés avec la mer. Ils font surtout confiance à leur intuition et refusent toute nourriture autre que liquide. Leur peau est caoutchouteuse et parsemée de pigments multicolores qui sont sublimés par l’art des tatouages. Opposés en tout, les gurdes constituent l’autre groupe d’Erda-Rann. Ils ont choisi le désert, ce qui les a rendu logiques, froids et imprégnés de certitude. Leur tranquillité d’esprit et l’harmonie qui se dégage d’eux, sont leurs principales qualités. Au niveau physique, ces traits de caractères se manifestent par des écailles qui couvrent tout leur corps. Leur dureté s’exprime aussi par leur alimentation d’où est exclue toute trace d’élément liquide
Une guerre inévitable
Bien sûr, comme toujours, dès que leurs différences sont devenues visibles, ces deux peuples ont commencé à se haïr profondément. La guerre a rapidement éclaté et elle a duré des siècles. D’innombrables crimes et atrocités ont été commis de part et d’autre et ils sont peu à vouloir pardonner aujourd’hui, alors que le conflit s’achève. C’est comme si la tragédie humaine de la violence se répétait sans fin, même parmi les étoiles, sur une planète perdue. La paix est précaire et l’amertume toujours présente. La répulsion de l’autre est devenue physique avec le temps. C’est pour cela que la Loi d’Instinct, interdisant à quiconque de toucher physiquement les personnes de l’autre peuple, a été promulguée. Depuis, cette consigne est appliquée avec zèle chez les Gurdes comme chez les Yrvènes.
L’espoir au bout de la haine :
Heureusement, si la violence est profondément ancrée dans le cœur de l’homme, l’espoir y a aussi une petite place. Dans les deux peuples, certains, préfèrent la réconciliation à la haine. Ils sont peu nombreux, mais bientôt, la nouvelle génération qui n’a pas connue la guerre, viendra rejoindre leurs rangs. Ces gens n’acceptent pas la Loi d’Instinct, et veulent vivre en bonne intelligence. C’est le cas du père d’Arthur, un ingénieur gurde qui travaille, oh horreur, sur l’eau, l’éternel élément lié aux Yrvènes. Son fils, quant à lui, possède un bien étrange pouvoir. Il commande aux mots qui se matérialisent. Par exemple, s’il pense " gratter ", son interlocuteur sera rapidement pris de démangeaisons. C’est un don typiquement Yrvènes.
" Transfuges ! "
En plus, il a un copain de ce peuple, Cassian, avec qui il joue sous les regards outrés de sa mère. Et, pire que tout, il ose avoir des contacts physiques avec lui ! Malheureusement, cela fait de lui un transfuge aux yeux de la société gurde, quelqu’un que la morale et l’opinion publique ont tendance à rejeter. Le jugement des Yrvènes sur Cassian n’est pas meilleur. Les deux garçons refusent pourtant la haine de l’autre et contre toute attente, le mouvement de réconciliation dont ils deviendront les porte-paroles, deviendra rapidement important. Est-ce là le début d’une nouvelle ère de paix et d’amour ? Réussiront-t-ils à vaincre les préjugés et l’étrange maladie qui fait des ravages dans leurs rangs ?
Au final
C’est un livre émouvant, riche en métaphores sur la différence et le SIDA. Même si la narration est un peu difficile à appréhender au début, il faut continuer et lire ce livre jusqu'à la dernière page, ça vaut le détour.