Métal Hurlant
Parmi les auteurs étrangers publiés régulièrement en France, Valério Evangelisti est le seul italien qui ait réussi pour l'instant à s'imposer. Il doit son succès chez nous à son personnage de Nicolas Eymerich. Terrible inquisiteur du XIVème siècle, le bonhomme est un dur à cuire, luttant enquête après enquête contre les pires complots d'hérétiques visant l'Eglise Catholique ou le roi d'Espagne. Une position sociale qui l'amène de temps en temps à croiser d'authentiques démons tout droit sortis des enfers ou d'un cauchemar de Lovecraft. Aujourd'hui cinq volumes de ses aventures ont été traduits en France. Pour autant, résumer la production littéraire d'Evangelisti à Eymerich ou au cycle de Nostradamus (Payot) serait une erreur. Comme nous le montre ce recueil Métal Hurlant, notre homme a plus d'un tour dans son sac.
Le sens de la narration...
Même si son ombre plane sur le début du recueil, Eymerich n'est pas la seule vedette de ce livre. Il doit laisser sa place de star pour trois des quatre nouvelles présentes ici. Et encore… La première ne lui est qu'à moitié dédiée. Evangelisti nous y conte une double histoire. D'un côté on a dans un futur très lointain une poignée d'humains luttant contre un virus sexuellement transmissible qui a décimé toute la planète. De l'autre, on retrouve Eymerich dans son moyen âge aux prises avec un couple d'homme soumis à la Question. Non seulement l'un d'entre eux est juif, mais en plus ils sont amants, chose impensable et horrible pour le catholicisme preux de l'inquisiteur. D'un récit à l'autre, Evangelisti nous balade dans cette nouvelle, Venom, pendant de nombreuses pages avant de nous donner la clef qui les relie au-delà du temps.
Dès les premières lignes, on comprend que notre écrivain a une plume assez vivante pour capter complètement l'attention du lecteur. Ce talent se confirme et s'amplifie même dans les trois nouvelles suivantes. Et ce malgré les différences de lieux ou de thèmes qui animent ces textes. Que l'on parte dans un western étonnant avec Pantera (ou quand une horde de fantômes terrorise une petite ville de l'Ouest), dans une guerre raciale déjantée ou les clans s'affrontent à coup de bombes et de crocodiles (Métallica) ou bien encore dans une prison brésilienne fixant ses détenus au sol en leur coinçant les jambes dans de la colle (Sepultura), on retrouve à chaque fois ce même sens de la narration. C'est souvent violent et pas très drôle mais toujours passionnant. On s'attache aussi facilement que l'on rentre dans ce recueil, aux héros avec leur lot de misère, de bassesse et d'espoir.
Violent et dur mais passionnant
Chose étonnante, au final, si l'on devait désigner la nouvelle la moins enthousiasmante, qui serait sans doute celle d'Eymerich. Les autres possèdent un peu plus de force et amènent le lecteur à les dévorer. Ma foi, c'est tout ce que l'on demande et c'est avec un certain plaisir que l'on recommande cet ouvrage. A noter la petite biographie d'Eymerich (encore lui) qui clôt les pages du recueil. Voilà qui remplira de bonheur les fans (enfin, pas trop quand même…). Une bonne pioche.